La très longue séquence démocratique, parfois passionnante, parfois lassante, vécue par la France depuis une année, avec les primaires à l'élection présidentielle, puis les deux tours de celle-ci et enfin les deux tours des législatives, a pris fin dimanche avec le choix porté sur les 577 députés qui siégeront à l'Assemblée nationale jusqu'en 2022. Est-ce cette longue période avec la multiplication de scrutins qui est à l'origine ou a contribué grandement à faire que l'un des faits marquants du vote de dimanche est la constatation d'un taux d'abstention qui relève du jamais vu puisqu'il s'élève à 57,4% ? Peut-être que c'est un des facteurs qui fait qu'il s'agit d'un record historique qui interpelle les démocrates français inquiets des reculs successifs d'un scrutin à un autre (13% de plus qu'en 2012) de la participation des citoyens à un vote qui, de fait, réduit la légitimité des élus. Le mode inégalitaire du scrutin uninominal intégral à deux tours qui favorise grandement le ou les partis ayant les meilleurs scores au dépend des candidats des autres partis est mis en cause. L'introduction d'une dose de proportionnel pour atténuer l'inégalité tout en assurant la stabilité politique en dégageant un parti majoritaire est promise par le président Macron. Une loi devrait être votée en 2018. Ce taux d'abstention record à mis un peu d'ombre au second fait marquant : la large victoire de La République en Marche (LRM) et de son allié centriste Le Modem. Associé à une démobilisation d'électeurs de LRM, persuadés que c'était gagné d'avance, un sursaut d'une frange des électeurs de droite, le résultat obtenu, 350 députés (dont 42 Modem), est bien en dessous des 400 à 450 promis par des sondages et études d'opinion. Ce n'est donc pas un raz-de-marée, mais Emmanuel Macron a obtenu une victoire qui est au-delà de ses espérances. Il dispose d'une large majorité absolue, fixée à partir de 289 sièges, qui lui permettra de légiférer sans souci pour appliquer son programme présidentiel. Son nouveau gouvernement (un remaniement est prévue en ce début de semaine comme le veut l'usage républicain) présentera le 4 juillet à l'Assemblée nationale sa déclaration de politique générale qui sera approuvée sans souci. Comme il obtiendra aisément le droit de légiférer par ordonnance pour aller vite dans l'adoption des réformes, c'est-à-dire décider de lois sans passer par les députés, à commencer par celles portant sur la réforme du droit du travail qui marqueront le début des luttes politiques avec une fronde syndicale qui n'est pas à écarter tellement ces lois sont considérées désavantageuses pour les salariés. Les autres faits marquant des résultats du second tour de l'élection législative sont en premier lieu la débâcle des socialistes. Avec 30 députés, le parti qui a gouverné de 2012 à 2017 n'a gardé à peine que 10% de ses sièges ! Exceptionnel qu'un parti perd en si peu de temps sa base sociale et sa base électorale qui ont trouvé refuge à LRM, beaucoup, et à la France insoumise (FI) de Jean-Luc Mélenchon, élu à Marseille, qui a obtenu un score honorable (17 députés) tout comme le parti communiste (10) alors que le Front national a 8 élus dont sa présidente, Marine Le Pen. La droite et le centre n'ont pas connu la bérézina crainte mais ont perdu 50% des sièges sortants. Avec 113 députés pour Les Républicains(LR) et 18 pour UDI, ils peuvent assumer leur rôle d'opposants, mais il y a une crise latente qui n'exclut pas une implosion de LR avec des divisions politiques visibles et l'heure des règlements de comptes qui arrive. Au-delà de sa nouvelle configuration politique sans précédent avec la marginalisation de la droite et de la gauche supplantées par LRM, qui se veut à la fois centre, droite et gauche pour tenter une nouvelle expérience qui laisse beaucoup d'observateurs dubitatifs, la nouvelle Assemblée nationale française a deux caractéristiques particulières. D'abord elle n'est pas représentative de la France sociale. L'écrasante majorité des députés vient de couches sociales aisées, cadres supérieurs, chefs d'entreprises, hauts fonctionnaires etc…Le Parti communiste n'a pas manqué de souligner que la majorité parlementaire «ne correspond à aucune majorité dans le pays, ni chez les salariés, ni chez les jeunes et les privés d'emplois qui aspirent à une sécurité d'emploi et de formation pour une vie digne». La deuxième caractéristique est le progrès constaté dans la féminisation de la chambre. Dorénavant, le Palais Bourbon compte 223 femmes contre 155 dans la chambre sortante. Soit 38,65% des élus. C'est un record historique obtenu grâce au parti du président Macron. M. M.