Police politique ou police d'opinion, les Renseignements généraux (RG) algériens ont subi récemment une mutation salutaire. Au regard de leur histoire, de leur statut particulier et de leurs missions propres, c'est même une petite révolution. Il était temps. Cette évolution participe d'une réforme patiente et plus vaste de la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN). Esquissée sous le gouvernement de Mouloud Hamrouche, la réforme a été amplifiée depuis l'avènement au pouvoir du président Abdelaziz Bouteflika. Cette fois-ci, le changement est fortement symbolique. Il est d'ordre politique et doctrinal. Il s'agit notamment du transfert des «enquêtes d'habilitation» des cadres de la nation, jusqu'ici dévolues aux RG, à la police judiciaire. Précisément, des investigations dites de sécurité, préalables à la nomination d'un cadre à de hautes fonctions de l'Etat. Depuis 1990, cette mission était le fait des RG. Dorénavant, c'est un officier de police judiciaire, placé sous l'autorité d'un magistrat, qui procède aux enquêtes de moralité et d'habilitation politique. Pour discrète qu'elle soit, la transmutation est d'importance car inédite dans l'histoire de l'Algérie indépendante. Elle mérite d'être saluée pour ce qu'elle constitue : une avancée démocratique. Mais qui doit être validé par une pratique courante et un ancrage dans les mœurs policières. La transformation concerne aussi les modalités administratives et les procédures d'investigation policière. Dès lors, tout enquêteur dûment habilité doit fournir les preuves indubitables des informations, assertions, appréciations et autres jugements formulés à l'endroit du cadre, objet de l'enquête. En un mot, passer du statut de dispensateur de notes pour bonne ou mauvaise conduite, à celui d'observateur impartial. Cette réforme est devenue inéluctable lorsque la DGSN et les autorités politiques du pays ont constaté que les abus, les dépassements et les règlements de compte étaient fréquents. A telle enseigne que 5 000 cadres en auraient été victimes, selon un décompte fiable. A l'échelon des wilayas, les RG locaux sont désormais placés sous l'autorité du directeur départemental de la police. Ce qui n'était pas le cas auparavant étant donné qu'ils fonctionnaient en structures autonomes. Les choses sont d'autant plus remises à l'endroit que les prérogatives des directeurs de Sûreté de wilaya ont été renforcées. Cette mini révolution dans la vie de policiers habitués à veiller, surveiller, infiltrer, juger et ficher, doit être appréciée avec le recul historique nécessaire. C'est à Mouloud Hamrouche qu'on doit, en effet, la première tentative de soustraire l'habilitation des cadres aux fonctions de l'Etat à l'appréciation de la police politique. A cette époque, la carrière avait la couleur bleu ciel des fiches qui contenaient parfois des jugements erronés, iniques et sans appel. Le progrès consistait alors à retirer aux services compétents de l'armée les enquêtes d'habilitation pour les confier aux… RG. La boucle est aujourd'hui bouclée. Reste à vérifier si le policier enquêteur aura des jugements plus justes sous la tutelle d'un juge. Et sous réserve d'inventaire, s'assurer que le magistrat érige le principe d'impartialité en dogme républicain. N. K.