La Banque centrale européenne (BCE) n'a pas touché à ses taux directeurs jeudi, comme on s'y attendait, laissant même la porte ouverte à une augmentation des rachats d'actifs si la conjoncture se dégradait. La Banque centrale européenne (BCE) n'a pas touché à ses taux directeurs jeudi, comme on s'y attendait, laissant même la porte ouverte à une augmentation des rachats d'actifs si la conjoncture se dégradait. Après avoir évoqué la perspective d'un tour de vis le mois dernier, le président Mario Draghi a signalé que tout changement n'interviendrait que progressivement, préparant le terrain à une possible discussion en septembre concernant le très attendu dénouement progressif du programme de rachat d'actifs. «Nous devons être tenaces et patients parce que nous n'y sommes pas encore, et aussi prudents», a dit Draghi lors de sa traditionnelle conférence de presse suivant la décision monétaire de l'institut d'émission. Draghi a souligné que le conseil des gouverneurs avait été unanime à la fois sur la décision de ne pas modifier le pilotage des anticipations et sur celle de ne pas définir de date précise pour ce qui est de discuter des changements à apporter à la politique monétaire à l'avenir, se contentant de dire qu'une telle discussion devrait avoir lieu cet automne. Dans la mesure où l'économie de la zone euro est en croissance depuis 17 trimestres d'affilée, une série inédite depuis la crise financière internationale, on peut penser que la BCE envisage à tout le moins de mettre la pédale douce après avoir imprimé près de 2.000 milliards d'euros pour relancer la croissance. L'euro et les rendements obligataires européens ont dans un premier temps reculé après la déclaration introductive de la banque centrale. Mais à mesure que Draghi s'exprimait, l'euro est remonté au-dessus de 1,15 dollar et les rendements obligataires de la zone euro se sont redressés, surtout après ses déclarations sur l'échéance automnale des discussions du «tapering». Pour ce qui est des taux, le taux de refinancement reste à 0,00%, le taux de facilité de dépôt à -0,40% et le taux de prêt marginal à 0,25%. Les rachats d'actifs mensuels se maintiennent à un montant de 60 milliards d'euros. «Si les perspectives deviennent moins favorables ou si les conditions financières deviennent incompatibles avec tout nouveau progrès vers un ajustement régulier de la trajectoire d'inflation, le Conseil des gouverneurs se tient prêt à augmenter le programme en taille et/ou en durée», a expliqué l'institut d'émission. Draghi avait dopé l'euro et les rendements obligataires le mois dernier lorsqu'il avait dit qu'une meilleure croissance constituait par elle-même un élément accommodant et que de ce fait la BCE resserrerait sa propre politique monétaire pour laisser le niveau d'accommodation globalement intact. L'euro a gagné plus de 3% et le rendement du Bund à 10 ans a doublé depuis ces déclarations formulées à Sintra, au Portugal. La hausse de 11% de l'euro cette année freine l'inflation de facto, accentuant l'effet d'une baisse de plus de 10% des prix pétroliers. «Dans la mesure où l'inflation sous-jacente reste timide, la BCE préfèrera sans doute jouer la prudence, c'est-à-dire agir plus lentement que beaucoup d'observateurs ne le croient plutôt que plus rapidement», observe Holger Schmieding (Berenberg). «Il est évident que Draghi voulait recadrer Sintra», constate Carsten Brzeski, économiste d'ING. «C'était une tentative d'imposer un été calme sur les marchés financiers en mettant un terme et même en orientant dans un sens complètement différent les dernières spéculations sur le dénouement». En ne mobilisant pas ses équipes pour étudier d'ores et déjà les possibilités d'aménagement du programme d'assouplissement quantitatif, la BCE a peut-être langé un signal important dans la mesure où bon nombre des changements majeurs intervenus dans la politique monétaire ces dernières années avaient été précédés d'une telle initiative. Pour Marchel Alexandrovich, économiste de Jefferies, Draghi s'est peut-être ménagé la possibilité de ne rien dire de trop précis en septembre, «les détails exacts devant suivre peut-être le 26 octobre, voire le 14 décembre». Mais la BCE ne peut attendre indéfiniment dans la mesure où son programme de rachat d'actifs ne doit durer que jusqu'à la fin de l'année et que ses responsables affirment qu'une décision quant à le prolonger ou au contraire le dénouer peu à peu doit intervenir en septembre ou en octobre. Des responsables de l'institut d'émission avaient dit à Reuters qu'ils ne voulaient ni fixer de date d'arrêt aux rachats d'actifs ni établir un calendrier du «tapering» pour éviter que les marchés ne croient que les choses étaient définitivement arrêtées. Le plus gros souci de la BCE réside dans le découplage apparent entre l'inflation et la croissance. Rachetant de la dette souveraine et corporate depuis des années, la banque centrale est parvenue à relancer la croissance et la zone euro et arrive à créer plus d'emplois qu'on ne l'aurait cru. Mais la croissance des salaires reste médiocre, ce qui brime une inflation bien partie pour rater l'objectif de la BCE, un taux d'un petit peu moins de 2%, jusqu'en 2019 au moins. Cela implique que la politique monétaire ultra-accommodante de l'établissement a encore quelques années devant elle. Reuters