Après avoir fait le constat de l'existence de «plusieurs dysfonctionnements» dans les procédés SKD (Semi knock down) et CKD (Complete knock down) depuis leur adoption en 2000, le ministère de l'Industrie et des Mines a décidé de mettre le holà avec le réexamen des mesures fiscales incitatives accordées aux opérateurs qui utilisent ces deux formules. Se référant à une étude réalisée par son département, le ministre, Mahdjoub Bedda, a jugé «urgent de revoir en profondeur la politique des avantages fiscaux accordés dans le cadre du dispositif SKD-CKD, qui a, non seulement diminué les recettes budgétaires de l'Etat, mais aussi les réserves de change, sans atteindre les objectifs prévus», a indiqué un communiqué du ministère. Le CKD, «Nécessaire non assemblé» ou «Nécessaire en pièces détachées» (NED), consiste en l'exportation par un producteur de lots de pièces détachées nécessaires pour l'assemblage d'un véhicule, une machine ou un appareil. Cette formule utilisée pour les montages dans des filiales ou des entreprises partenaires à l'étranger où généralement le prix de la main-d'œuvre est moins élevé, permet de réduire les coûts de production grâce aux exemptions pour le payement de taxes à l'importation qui sont plus élevées pour un produit fini. Par contre, avec le SKD l'exportateur envoi des kits de produits assemblés partiellement à l'étranger, ce qui lui permet, tout en bénéficiant de l'exonération de droits de douanes, de ne pas procéder à un transfert de technologie, qu'il conserve, alors que c'est l'une des condition que l'Algérie exige dans les accords de partenariats. Selon l'étude du ministère, près d'une soixantaine d'opérateurs recourent actuellement à la formule SKD-CKD, avec tous ses avantages, pour 20 000 emplois, alors que la moyenne du taux d'intégration ne dépasse pas 20%, hors filière automobile, tandis que le taux de couverture du marché se situe entre 35% et 40%. Toutefois, le ministre précise «que l'intégration n'est pas une fin en soi. Elle n'a de sens que si elle contribue à l'amélioration de la compétitivité des entreprises». A l'origine, ce dispositif a été adopté pour développer la production de différentes filières industrielles (électronique, électroménager et mécanique) et la sous-traitance, avec à la clé la création d'emplois. A terme, il était attendu des opérateurs économiques qu'ils élèvent les niveaux d'intégration pour la construction d'une base industrielle productrice, performante et concurrentielle, autrement dit répondant à la demande interne et exportatrice à la fois. Mais les résultats escomptés ne sont pas atteint. Selon l'étude, l'application de ce régime a induit un manque à gagner pour le Trésor évalué à plus de 40 milliards de dinars pour l'année 2016 et plus de 27 milliards de dinars pour l'année 2015. Il a atteint plus de 20 milliards de dinars rien que pour les cinq premiers mois de 2017. M. Bedda relèvera que les importations en SKD et CKD n'ont cessé d'augmenter durant ces trois dernières années pour atteindre près de 2 milliards de dollars en 2016, contre plus de 1,42 milliard de dollars en 2015 et plus de 851 millions de dollars en 2014. Pour les cinq premiers mois de cette année, ce chiffre a déjà dépassé un milliard de dollars. Ce n'est pas ce qu'on peut appeler des résultats probants ni encourageants, loin s'en faut. L'échec est aussi flagrant dans l'exportation qui sont restées quasi-nulles avec des montants ne dépassant pas les 45 019 dollars en 2014, 69 239 dollars en 2015 et 314 185 dollars en 2016. Pour les cinq premiers mois de 2017, ce montant est estimé à 146 922 dollars. Quant à la création d'emploi, la contribution des filières important les lots SKD et les kits CKD est très faible par rapport à ce qu'elles ont consommé en devises. Pour illustrer le fossé creusé par cette formule, le ministère indique que le manque à gagner du Trésor public pour 2016 équivaudrait à la création de 70 000 postes d'emploi, à raison d'un salaire de 50 000 DA/personne. Sur le plan fiscal, des incohérences de taux de droits de douanes sont constatées. Ainsi, la majorité des produits importés dans le cadre du dispositif SKD sont taxés au même titre que le produit fini. A cet effet, la définition d'un barème de taxation douanière graduel prenant en compte le mode de production (produit en CKD, produit en SKD et produit fini) s'impose, car il permettra d'encourager les industries de montage tout en défavorisant l'importation du produit fini. S'agissant de la filière automobile, l'importation pour le montage de véhicules en SKD, à elle seule, a totalisé 13 milliards de dinars en 2016 et 6,82 milliards de dinars en 2015 d'exonération de droits de douanes en vertu des dispositions de la loi de Finances 2010, un manque à gagner conséquent pour le Trésor public qui en est déjà à 8,24 milliards de dinars pour les cinq premiers mois de l'année 2017 seulement. Les importations en SKD pour l'industrie mécanique (tracteurs, bus, véhicules de tourisme et véhicules de transport de marchandises) ont atteint plus de 473 millions de dollars en 2016 contre plus de 81 millions de dollars en 2015, et plus de 815 millions de dollars pour les cinq premiers mois de 2017. Pour les véhicules de tourisme, les importations des kits d'assemblage ont dépassé 277 millions de dollars en 2016 contre plus de 27 millions de dollars en 2015. Et pour boucler la boucle, le ministère a constaté que les Prix sortie usine (PSU) des véhicules montés en SKD et CKD étaient relativement élevés en dépit des avantages fiscaux accordés. Aussi, a-t-il décidé d'intégrer désormais le calcul des prix des véhicules dans les conditions d'octroi ou renouvellement des autorisations d'importation. La révision des PSU n'est pas la seule condition que le ministère entend introduire. Une série de recommandations a été dégagée après l'examen de l'étude dont l'instauration de conditions d'accès au dispositif CKD-SKD portant essentiellement sur l'investissement, la création d'emploi et l'exportation d'une partie de la production, la limitation de la durée des avantages fiscaux accordés actuellement pour une durée indéterminée. Enfin, l'étude du ministère de l'Industrie souligne la nécessité d'un mécanisme de suivi et de contrôle multisectoriel impliquant les ministères de l'Industrie, et des Finances (Douanes et Impôts). H. G.