Il y a des plaies dans l'histoire d'un peuple qui restent grandes béantes. Des plaies qui ne cicatrisent jamais laissant toute la latitude aux fauteurs de troubles et aux pyromanes pour y loger et pour souffler dans les braises, ravivant un feu qui ne s'est jamais éteint. C'est dans l'une de ses tragédies qu'Anis Djaad, ancien journaliste et chroniqueur du quotidien la Tribune, a choisi de s'incruster pour planter le décor de son second roman, l'Odeur du violon. Deuxième ouvrage du jeune auteur, publié en janvier dernier dans la capitale française Paris chez les éditions, le manuscrit, l'Odeur du violon, est un réel, voyage dans les labyrinthes de la nature humaine. M. Djaad plante le décor de son intrigue dans une ville tourmentée par la bêtise humaine. Des nuits d'émeutes dans l'antique Barcelone, ses quartiers à feu et à sang qui déversent dans le port la haine et la rancune d'une Espagne qui ne parvient toujours pas à enterrer ses années franquistes. Jacques, un photographe reporter français, nostalgique de sa belle côte bretonne, couvre l'émeute et se trouve, malgré lui, entraîné dans une histoire loin d'être la sienne. De retour chez lui à Marseille, il tombe sur un message anonyme le mettant sur la piste d'un violoniste espagnol jetant le doute sur son passé, son incertaine connivence avec les franquistes et son hypothétique allégeance à l'ancien dictateur. Après Matins parisiens, Anis Djaad confirme son talent dans l'agencement des intrigues qui tiennent en haleine le lecteur jusqu'à la dernière page. Après une introduction très descriptive donnant presque forme à Barcelone la fascinante en quête de vérité et de quiétude. Une quête qu'il affectera à son héros jusqu'à en faire son obsession ravageuse. Incapable de se lancer dans d'autres projets, il se jettera à l'eau en menant une réelle enquête digne des détectives des célèbres séries américaines. Avec une écriture proche de celle d'un bon scénariste, Anis Djaad a réussi son pari. Loin d'être une histoire simpliste, l'intrigue du romancier dévoile au fil des pages la fragilité de nos quiétudes et la précarité de nos certitudes. Elle dévoile comment des échecs personnels peuvent se transformer en ressentiment envers ceux qui réussissent jusqu'à en faire, sans aucun état d'âme, une obsession vengeresse. Une vengeance aveugle qui éclabousse jusqu'aux morts dans leurs tombes ne laissant aux vivants que leurs larmes pour laver leur honneur souillé. Tel un film qui défile devant les yeux, le lecteur en arrive à la même conclusion que l'héros du livre : «la paix demeure si fragile parce qu'elle est si fragile dans le cœur des hommes». Quand les leçons de l'Histoire sont si mal assimilées, il n'est pas étrange de voir le monde basculer en un clin d'œil dans la violence qui exprime les haines des hommes et leur hargne enfouie au plus profond de leur âme. Une haine qui remonte à la surface par de malheureux faits de hasard transformant par la même occasion leur vie en un véritable enfer. Pourtant, la paix est possible. Il suffit juste d'y croire et de tout faire pour parvenir à cette entente si apaisante et si parfaite qui permet à la paix de fleurir un jour. Anis Djaad a su relever le défi. Son second roman est plus émouvant que le premier. Ses lecteurs attendront certainement avec beaucoup d'impatience le troisième bébé. G. H. L'Odeur du violon Anis Djaad Editions le Manuscrit, 208 pages, janvier 2009