Photo : Riad Entretien réalisé par Ziad Abdelhadi La Tribune : On invoque souvent un manque de culture chez nos agriculteurs pour tout ce qui se rapporte à l'assurance de leur activité. Comment expliquez vous cette situation ? Cherif Benhabiles : C'est une erreur de croire que le manque de culture soit derrière le faible taux de pénétration des produits d'assurance dans le milieu agricole et rural. La vraie raison est que nos produits ne sont pas, ou très peu, commercialisés du fait qu'ils ne sont pas assez connus des clients concernés. Ce qui fait que ces derniers ne les achètent pas. Une relation de cause à effet des plus évidentes dans la mesure où il faut savoir, voire admettre, qu'un produit d'assurance ne s'achète pas, il se vend si je peux m'expliquer ainsi. Est-ce à dire que l'agriculture reste à la traîne dans le tableau des secteurs d'activité des produits d'assurances parce que votre organisme s'est quelque peu endormi? Je reconnais que c'est un peu le cas. Dès l'instant que l'on s'est éloigné du travail de proximité et que nous nous sommes renfermés dans nos bureaux en attendant que des agriculteurs viennent se renseigner ou solliciter nos services. C'est un peu comme si nous nous sommes écartés de notre rôle de porter assistance à nos partenaires. Une attitude qui d'ailleurs n'a fait qu'agrandir le fossé dans nos relations avec le monde agricole et rural. Nous sommes devenus beaucoup plus des administrateurs, oubliant notre vocation première ou, du moins, la démarche à suivre. Pas du tout une démarche administrative mais bien au contraire s'initier plus implicitement dans une démarche de protection du revenu des agriculteurs et de leur patrimoine contre d'éventuels risques auxquels ils sont exposés à longueur d'année, c'est-à-dire avant, pendant et en fin de campagne agricole. En clair, au lieu de nous investir beaucoup plus dans un travail de terrain, de proximité, nous avons préféré nous cantonner dans nos bureaux au lieu de développer des contacts avec nos partenaires exploitants hors de nos bases, c'est-à-dire hors des guichets de nos agences régionales, de moins en moins fréquentées, au grand dam de notre mission. Comment, à votre avis, promouvoir l'acte d'assurance chez les plus sceptiques ? Comme je l'ai dit auparavant : un produit d'assurance ne s'achète pas, il se vend. Pour y arriver, nous nous sommes vite aperçus que nous manquions d'efficacité sur le terrain. A partir de ce constat, notre département, avec le concours de cadres compétents, s'est attelé à sortir des sentiers battus le long desquels il s'était retrouvé, ce qui d'ailleurs nous a fait perdre des parts de marché. Première approche : adapter nos produits d'assurance au monde agricole en tenant compte principalement d'un phénomène récurent, celui des aléas climatiques. Car nous avons réalisé que c'est de ce facteur que surgit «l'effet déclencheur» qui incite l'agriculteur à souscrire une assurance sur ses cultures. Ensuite, envisager de moderniser nos produits car sans cela tous nos efforts peuvent rester vains. La mise en application de cette orientation restant tributaire au préalable d'un travail d'accompagnement et où toutes les parties prenantes doivent s'impliquer (CNMA, filières, Chambre d'agriculture et instituts agricoles). Autre approche à développer : le volet marketing. Dans cette perspective, nous commençons à être plus présents sur le terrain. Nous organisons des rencontres avec les agriculteurs pour leur présenter nos produits et par la même occasion les convaincre de l'utilité d'assurer leurs périmètres d'exploitation et leurs biens contre tout risque de sinistre. A travers ce travail de proximité, le but recherché étant de sensibiliser les gens de la terre et du monde rural à l'intérêt de s'inscrire dans cette démarche préventive en prenant en compte, bien entendu, leurs susceptibilités et leurs particularités. Il va de soi que les particularités peuvent différer d'une région à une autre. En clair, le producteur de pomme de terre de Aïn Defla est exposé à des risques que ne peut rencontrer son homologue d'une autre région et vice versa. Toujours dans le contexte du renouveau, existe-t-il dans vos actions d'autres dispositifs que vous comptez mettre en place ? Dans le souci d'une plus large sensibilisation des gens de la terre, la CNMA a initié tout un plan d'action qui va être mis en œuvre durant la période 2009/2012 et s'articulant sur plusieurs axes. Le principal axe consiste à instaurer une nouvelle dynamique en matière d'assurances. Ce qui va se traduire sur le terrain par la mise place de nouvelles règles de management à même de répondre plus efficacement aux attentes des problèmes des agriculteurs et aussi à ce secteur d'activité. Je tiens à rappeler au passage que la CNMA est un instrument financier indispensable pour le développement de toute politique agricole. Elle dispose d'outils qu'elle met à la disposition des exploitants agricoles. Souscrire à une assurance agricole est bien sûr plus qu'un acte administratif, c'est avant tout un moyen de prévention dont se charge la CNMA. Donc, un dispositif d'accompagnement du fellah. Pour nous, l'année 2009 est une année test dans la mesure où l'on pourra évaluer les premiers résultats de notre travail de proximité. L'indice fort sera sans doute celui relatif au nombre de souscriptions d'assurance inscrit en fin d'exercice. Sur ce point, nous restons optimistes dès lors que le paysage de l'assurance agricole a déjà commencé à changer. Cet optimiste repose-t-il sur les produits d'assurance que vous venez de lancer à l'adresse de deux filières stratégiques où un grand nombre d'agriculteurs sont affiliés ? Il faut savoir que ces produits sont l'aboutissement d'un travail minutieux et où rien n'a été négligé ni occulté. Je soulignerai aussi, dans la foulée, qu'il fallait vite initier de tels produits, notamment en ce qui concerne la filière de la tomate industrielle, dont la particularité réside dans le fait qu'elle dépend exclusivement des besoins des unités de transformation. Filière qui souffre depuis quelques années de méventes. Pour preuve, à chaque fin de saison, c'est le même scénario : les producteurs se retrouvent avec des volumes importants d'invendus et où, au mieux, vendent à perte. Les prix de vente aux transformateurs étant nettement inférieurs aux coûts de revient à la production. Grâce aux nouveaux produits d'assurance, les producteurs de tomate industrielle, comme ceux de la pomme de terre, n'auront plus à s'inquiéter : leurs revenus seront assurés, à la condition, bien sûr, d'avoir contracté une assurance. La contribution du souscripteur équivaudra à hauteur de 8% du montant financier qu'il aura engagé dans sa campagne agricole. Selon les calculs de nos experts, un hectare cultivé consomme 300 000 DA, donc, le contrat d'assurance coûtera tout au plus 28 000 DA. Comparée aux risques de perte qu'il pourrait subir, faute d'assurance, cette somme reste dérisoire. Je tiens à signaler que les produits d'assurance que nous proposons à cette catégorie d'agriculteurs n'ont pour but que de minimiser l'intensité du risque. Et je dirai aussi qu'ils viennent assurer aux agriculteurs la pérennisation de leurs activités puisqu'ils sauront dorénavant qu'ils ne travailleront plus à perte. Qu'en est-il du respect des délais d'indemnisation, sachant qu'un retard peut pénaliser encore plus lourdement l'agriculteur ou l'éleveur victime d'un sinistre ? Là aussi nous avons réalisé de nettes améliorations, dans la mesure où nous avons beaucoup réduit les délais d'indemnisation. Nous savons pertinemment que le partenaire sinistré des engagements envers la banque qu'il doit honorer dans les délais prescrits et qu'il doit au plus vite reprendre du service dès le début de la campagne suivante. Disposer de l'argent provenant de son indemnisation est donc nécessaire. Donc, c'est à nous de lui octroyer son argent dans les délais, car il y va de la crédibilité de notre institution. Pour terminer, ne pensez-vous pas que nos agriculteurs ont besoin qu'on leur garantisse des indemnisations dans les délais et surtout à l'équivalence de leur perte ? Comme je vous l'ai dit auparavant, nous travaillons dans ce sens. Des délais très courts et une indemnisation à 100%. C'est là, entre autres, des obligations auxquelles nous devons nous soumettre si nous voulons attirer plus d'assurés. Nous allons redoubler d'efforts pour qu'enfin le réflexe de contracter une assurance agricole devienne une banalité chez les agriculteurs.