Photo : S. Zoheir Par Ziad Abdelhadi L'effacement de la dette des agriculteurs fortement attendu par le monde agricole tarde à être achevé. L'opération n'est pas tout à fait effective. C'est toujours l'attente chez les bénéficiaires de cette mesure présidentielle, notamment ceux ayant contracté des crédits après des banques publiques, le plus souvent auprès de la Banque de l'agriculture et du développement rural (BADR) et aussi de l'ex-Caisse nationale de mutualité agricole (CNMA-Banque). Ces fellahs, faut-il le rappeler, endettés pour la plupart depuis plus de deux décennies, se sont trouvés obligés de délaisser leurs activités sur des terres du domaine privé de l'Etat, car n'exploitant leurs périmètres agricoles qu'en partie ou par saison alternée. La jachère sera ainsi imposée pour cause de défaut de financement de campagne, et, par voie de conséquence, des exploitations agricoles individuelles et/ou collectives (EAI et EAC), se sont retrouvées à tourner au ralenti ou carrément à l'arrêt. Pourtant, ces terres en jachère sont à haut rendement et méritaient un autre traitement et sort que ceux d'être sous-exploitées, voire abandonnées. Pis, pour survivre, des exploitants ont carrément enfreint la loi qui leur accorde un droit de jouissance et non de propriété, et ont loué leurs périmètres à des particuliers, parfois même à des personnes étrangères au secteur. D'autres se sont mis en partenariat avec des opérateurs économiques. Mais un grand groupe d'agriculteurs endettés ont pris leur mal en patiente et ont préféré ainsi tenter de rembourser leurs dettes tant bien que mal. Certains ont d'ailleurs réussi à éponger toutes leurs dettes auprès des banques, mais au prix de grands sacrifices.Face à ces mises en jachère observées ici et là, notamment pour des terres reconnues fertiles, les pouvoirs publics se devaient de trouver une solution. D'où cette décision d'effacer la dette de l'agriculteur qui s'inscrit dans la perspective d'une exploitation maximale des terres arables. En effet, les agriculteurs endettés, libérés de ce lourd fardeau, pourront reprendre du service. D'autant plus que le recours à des crédits bancaires leur est de nouveau permis. En théorie, ça ne pouvait que marcher. Mais dans la pratique, ça coince encore. Plus d'une année après la promulgation de l'ordonnance de l'effacement de la dette, l'opération est toujours au stade du traitement des dossiers. La liste des agriculteurs devant bénéficier de cette mesure n'est pas en rapport avec le listing établi par l'Union nationale des paysans algériens (UNPA) qui compte 120 000 exploitants agricoles qualifiés comme potentiellement éligibles à cette mesure. Il a fallu «six mois de travail pour confectionner une liste de 10 000 bénéficiaires», nous ont appris des responsables proches du dossier. «Cette longue période s'explique par le fait que l'opération en question a buté sur les modalités pratiques d'application», préciseront-ils.Plus clairement, on a confondu vitesse et précipitation dans le traitement des dossiers. Au lendemain de l'annonce de l'effacement de la dette des agriculteurs, le ministère de l'Agriculture et du Développement rural s'est vite attelé à établir les listes des agriculteurs endettés. Les représentants du ministère travailleront en collaboration avec les Chambres régionales de l'agriculture et l'Union nationale des paysans algériens (UNPA). Des listes seront ainsi établies. Mais si elles sont exhaustives, elles manquent cependant de précision. Les listes ne portaient que les indications sur les personnes et non sur la nature de la dette contractée par chacun des agriculteurs inscrits sur les documents de recensement. Et c'est le ministère des Finances qui héritera de ce manque d'indications, suite à la précipitation ayant caractérisé l'établissement de ces listes «brutes», qu'il sera obligé de combler. Car, selon ce département ministériel, «les indices sont d'autant plus importants dans la mesure où ils permettent un traitement rapide du dossier du fellah concerné par l'opération». On apprendra aussi d'après des responsables proches du dossier que «chaque fellah endetté se devait de fournir tous les renseignements, ce qui n'a pas été le cas. Du coup, c'est le ministère des Finances qui a cherché toutes les informations et c'est un travail de fourmi qui devait être accompli au niveau de ce ministère pour traiter les listes reçues et déterminer si l'agriculteur qui y est inscrit est éligible ou non, ce qui a nécessité du temps». D'où le retard dans le traitement des dossiers et donc dans la réponse du ministère des Finances qui doit se prononcer définitivement sur l'éligibilité de chaque prétendant à l'effacement de ses dettes.Evidement, cela n'a pas été du goût des exploitants agricoles débiteurs de crédits dont le nom n'a pas été transcrit sur les premières listes de bénéficiaires rendues publiques à l'époque. Ces derniers reviendront maintes fois à la charge pour exprimer, par la voix du secrétaire général de l'UNPA, leur impatience et leur incompréhension de voir leurs dossiers traîner. Certains ont affiché leur mécontentement en apprenant par le jeu de la rumeur que des agriculteurs ont vu leur cas apuré, qualifiant ainsi cet état de fait de «mesure discriminatoire». Ce que réfute le ministère en charge du dossier, arguant par là que le traitement s'est fait pratiquement au cas par cas. «Un travail qui a permis d'établir la liste des agriculteurs éligibles à la disposition d'effacement de la dette», nous a précisé notre source. Au mois d'octobre dernier, le SG de l'UNPA annonçait que, sur les 180 000 exploitants agricoles concernés par la mesure d'effacement de la dette des agriculteurs, une première vague allait connaître un apurement dans l'immédiat, ceux notamment ayant contracté un crédit auprès de la BADR, dans l'attente du reste des créditeurs auprès de la CNMA. Quelques semaines plus tard, le P-DG de la BADR annoncera qu'une première liste des agriculteurs ayant contracté un crédit auprès de sa banque est ficelée. Qu'en est-il du reste ? Du côté de la BADR comme du côté de la CNMA, aucune réponse n'est donnée. On se contente de renvoyer la balle dans le camp du ministère des Finances, «seule instance à décider qui doit bénéficier ou non de l'effacement de la dette». Pour l'heure, on s'interroge sur le temps que prendra la divulgation des prochaines listes. Z. A. La première opération d'effacement des dettes remonte à 2001 La première opération d'assainissement de la dette des agriculteurs date de 2001 où ces derniers avaient bénéficié d'un effacement d'une dette d'un montant de 14 milliards DA. Ainsi, depuis 2001, les agriculteurs auront bénéficié d'une annulation d'une dette de 55 milliards DA. L'effacement de la dette contractée par les agriculteurs auprès des banques, dont le montant cumulé représente 41 milliards de DA, devrait concerner près de 120 000 agriculteurs et éleveurs. L'opération concerne 50 000 fellahs ayant contracté des dettes auprès de la Caisse nationale de mutualité agricole (CNMA) d'un montant de 19 milliards de DA et 125.000 autres avec des emprunts à la BADR évalués à 22 milliards de DA.