Photo : Riad Par Ziad Abdelhadi Les causes du désintérêt des agriculteurs quant à l'assurance sont connues. Les plus décelables sur le terrain sont la non-obligation d'assurance, le coût de revient élevé du contrat pour des agriculteurs, la majorité ne disposant pas de revenus suffisants pour supporter les charges et, enfin, les délais d'indemnisation encore trop longs avec, de surcroît, des remboursements considérés dans le milieu des gens de la terre comme étant très inférieurs à la valeur déclarée. Ces causes sont confirmées par un cadre dirigeant chargé des assurances auprès de la Caisse nationale de mutualité agricole (CNMA), Cherif Benhabiles. Ce responsable, que nous avons pu rencontrer dernièrement dans son bureau, a néanmoins reconnu que le faible engouement à l'assurance agricole est aussi dû au fait que «la CNMA n'a pas pu jouer son rôle et n'a jamais pu mettre en place des produits adaptés aux agriculteurs». «C'est pourquoi je rejette la thèse du manque d'engouement pour cause d'absence de culture de l'assurance chez nos agriculteurs», ajoutera-t-il. Considérant toutes ces faiblesses, le cadre de la CNMA nous dira franchement : «Nous avouons notre échec et nous l'assumons pleinement. Pour y remédier, nous avons pensé à revoir notre stratégie en vue d'un redéploiement plus efficace dans le but de devenir un vrai partenaire de l'agriculteur. Ce n'est pas une simple affaire, mais nous en sommes conscients. Nous avons entamé un travail dans ce sens et des résultats commencent à être enregistrés au niveau de nos agences régionales. Pour preuve, tous les dossiers de sinistres en instance ont connu un traitement avec à la clé des dossiers ficelés. Ainsi, toutes les indemnisations sont prêtes et il ne reste plus aux agriculteurs concernés qu'à se rapprocher de nos guichets pour percevoir leurs dus. Nos agences régionales ont reçu des instructions strictes pour régler tous les agriculteurs sinistrés», indiquera M. Benhabiles. Il faut signaler que le retard dans le paiement des indemnisations des agriculteurs sinistrés est l'un des points noirs de l'activité de la CNMA. Des délais d'indemnisation trop longs peuvent engendrer chez les agriculteurs de la défiance qui peut les pousser jusqu'à refuser de renouveler les contrats d'assurances agricoles. Cette attitude est tout à fait légitime dans la mesure où les agriculteurs sinistrés ont généralement des dettes à honorer, notamment envers les banques. Cela devient pour eux une priorité afin de bénéficier de crédits de campagne pour la prochaine saison. En somme, le cultivateur sinistré voudrait percevoir ses indemnisations dans les délais les plus brefs, au risque de ne pouvoir reprendre ses activités. C'est dire ce qui attend la CNMA en termes de réduction des délais d'indemnisation, ce que reconnaît M. Benhabiles. Mieux, il renchérira en affirmant qu'«en matière d'assurances, si les sinistres ne sont pas réglés de sitôt, on ne peut espérer décrocher d'autres contrats». Et de poursuivre : «Il est de notre intérêt de réduire les délais de paiement si l'on veut gagner la confiance des gens de la terre». S'agissant du taux de remboursement appliqué par la CNMA et dont nombre d'agriculteurs sinistrés estiment qu'il est trop souvent loin de correspondre aux pertes qu'ils ont subies, le responsable de la CNMA nous dira que «le remboursement se fait sur la base d'une expertise, en clair, il se calcule à partir de plusieurs facteurs, dont le plus important est celui de la rentabilité du périmètre sinistré. Et quand la parcelle sinistrée connaît de bas rendements, son propriétaire ne peut espérer être indemnisé sur la base de hauts rendements. La dépréciation résulte généralement du facteur rentabilité». A propos de la cherté du produit d'assurance agricole, il indiquera qu'elle «est due à l'importance du risque que doit couvrir la CNMA. C'est pourquoi j'estime que l'Etat doit se pencher sur la question en vue d'une revue à la baisse des montants des souscriptions d'assurance car il reste encore élevé par rapport à ce qui est en vigueur dans ce domaine dans d'autres pays». Autrement dit, en maintenant des montants des souscriptions assurance aussi élevés, cela ne peut qu'avoir un effet repoussoir et entraîner un désintéressement chez les agriculteurs. Certains agriculteurs expliquent qu'ils sont prêts à payer les montants réclamés à la seule condition que la qualité de service soit à la hauteur du coût de la police d'assurance. Pour eux, le service rendu est souvent très en deçà de ce qu'ils attendaient. Ce que M. Benhabiles admet, ajoutant que son institution en est consciente. Et la solution coule de source. «Pour que les gens de la terre reprennent confiance en la CNMA, il suffirait qu'ils trouvent un maximum de prestations et une qualité de service sans reproche», indique-t-il. En définitive, la CNMA a du pain sur la planche. Elle doit parvenir à convaincre un maximum d'agriculteurs de souscrire une police d'assurance. Pour ce faire, elle devra jouer les cartes de la sensibilisation et la pédagogie pour expliquer aux agriculteurs qu'une police d'assurances est un acte économique et non administratif. Elle doit aussi améliorer produits, prestations et qualité de service. Z. A. Activité de la CNMA Selon M. Cherif Benhabiles, la CNMA a enregistré durant l'exercice 2009 une nette évolution dans son activité assurance agricole. Le satisfecit vient de la filière céréaliculture qui a, selon le chargé des assurances, enregistré un taux d'évolution de 12%. Un pourcentage encourageant, certes, du moins dans cette filière car, dans les autres ce n'est pas le cas. Benhabiles indiquant à ce sujet «le risque assurance ne représente actuellement que 3 à 4%, ce qui est très minime par rapport aux potentialités existantes». En ce qui concerne le chiffre d'affaires réalisé en 2009, Benhabiles s'est limité à annoncer qu'il a connu une évolution de l'ordre de 30%. Pour 2010, la CNMA compte améliorer ses résultats par l'entremise de nouveaux produits, notamment la mise en place de produits d'assurance destinés exclusivement à la population rurale. «Nous considérons que cette catégorie sociale a droit à une protection de ses biens et une protection sociale», a revendiqué le chargé des assurances.