Photo : Riad Par Youcef Salami Présent à la rencontre d'hier à l'hôtel El Aurassi, organisée par le Forum des chefs d'entreprise et la Chambre d'agriculture, le ministre de l'Industrie et de la Promotion de l'investissement, Abdelhamid Temmar, s'est voulu clair sur l'état d'évolution de la filière agro-industrielle, sur ce que l'Etat veut en faire. Dans un style direct, il a souligné que l'Etat n'envisage pas de «subventionner indéfiniment» des filières industrielles. Est-ce à dire qu'il projette de s'en défausser définitivement ? Est-ce fini le tout-soutien ? Pas tout à fait. Abdelhamid Temmar avance que l'Etat n'apporte de soutien, comprendre financier, qu'à «la productivité». Le ministre de l'Industrie et de la Promotion de l'investissement a abordé cette problématique non sans rappeler les dernières péripéties qu'a vécues la filière laitière. «Beaucoup de choses» ont été dites au sujet des «subventions», a-t-il noté. Pour lui, le financement, l'accès au crédit, la commercialisation, la formation, la législation constituent un «des aspects essentiels» dans le développement du secteur industriel. Seulement, ils n'ont pas fait l'objet «de réflexion», «de débat» lors de la rencontre dont il s'agit, a relevé le ministre. Son souhait est de voir des filières industrielles se mettre «en partenariat avec de grands industriels privés» pour se développer. Il est «possible de le faire», a-t-il insisté. Abdelhamid Temmar se dit, cependant, contre le fait que des groupes privés détiennent le monopole sur certaines branches et, du coup, influent sur les prix de certains produits. Il s'est par ailleurs félicité que les industriels structurés dans le FCE et la Chambre nationale d'agriculture arrivent à conclure un accord de coopération portant sur un ensemble de chapitres, comme l'information, la formation, etc. Ce faisant, le FCE et la CNA se proposent de susciter une «réflexion» sur la promotion du secteur industriel, sur «les enjeux» liés à la question cruciale de la sécurité alimentaire dans le pays en se référant, en particulier, aux considérations attachées à la globalisation, aux conditions propres à l'Algérie et à tout ce qui est lié à l'évolution récente des marchés mondiaux des produits alimentaires, de manière générale. Les animateurs de la réunion, organisée donc par le Forum des chefs d'entreprise et la Chambre d'agriculture, ont mis en exergue une litanie de facteurs, à l'origine de la situation du monde agricole à l'échelle mondiale. Ils ont ainsi noté que la croissance de la population mondiale, le réchauffement planétaire, l'extraordinaire explosion des besoins de pays tels que la Chine et l'Inde ont eu en effet des conséquences désastreuses sur le marché mondial des produits de large consommation. Des techniques d'extraction d'énergie s'appuyant sur des produits agricoles, longtemps ignorés en raison de leurs coûts prohibitifs, se sont ainsi retrouvées désormais rentabilisées. Les intrants agricoles sont détournés de leur destination d'origine, l'alimentation humaine ou animale, pour être orientés vers la production de carburants, compromettant ainsi dangereusement l'équilibre alimentaire mondial. Le Brésil au côté d'autres pays font rouler leurs voitures au biocarburant, fabriqué à base de canne à sucre. Outre les considérations liées à la globalisation viennent se greffer celles propres à l'Algérie, parmi lesquelles figurent principalement la rareté des ressources en eau, la configuration géographique, l'atomisation du domaine arable, le faible niveau de mécanisation de l'agriculture, une infrastructure inadaptée et des coûts de facteurs de production prohibitifs. Et, compte tenu de toutes ces situations, les acteurs du monde de l'agriculture et de celui de l'industrie ont estimé que le temps est venu de travailler en étroite collaboration parce qu'ils considèrent qu'il est également de leur responsabilité de contribuer à préserver la sécurité alimentaire, actuelle et future, de l'Algérie. D'où l'accord sus-évoqué. La sécurité alimentaire, une chimère ? Le concept est affiché depuis de longues années. Il l'est et l'a toujours été comme un objectif de la politique économique nationale, mais aucune définition précise n'en a été donnée jusqu'ici et, surtout, sa traduction en termes d'objectifs concrets à cibler et de programmes d'actions à mettre sur pied n'a jamais été effectuée, écrit le président du FCE, à l'ouverture de cette rencontre. A preuve que la politique économique suivie jusque-là, malgré tout le volontarisme dont elle a toujours été empreinte, n'a pas pu empêcher le développement des importations alimentaires au détriment de produits qui pouvaient être fournis par le marché local, a-t-il ajouté. Ainsi, notre facture alimentaire à l'importation a presque doublé en cinq ans, passant de 2,6 milliards de dollars en 2003 à près de 5 milliards de dollars en 2007. Reda Hamiani estime que notre conviction est que cette situation trouve fondamentalement son origine dans les dysfonctionnements provoqués par le désencrage de l'appareil agro-industriel de son amont agricole qui fait que notre industrie agroalimentaire s'est retrouvée intégrée de façon passive au marché international. Ce désencrage a, selon lui, conduit à des dysfonctionnements qui font, par exemple, que nous importons de plus en plus de concentré de tomate alors que des capacités nationales sont mises à l'arrêt, que des capacités excédentaires sont mises en place pour la trituration des céréales, que la production de lait cru, qui atteindrait 2,5 milliards de litres (!) en 2008 ne trouve de réseau de collecte organisé que pour 650 000 litres, que des besoins importants pour la transformation de la viande d'ovins ne sont pas pris en charge, etc. Au total, notre pays, qui n'a pas par ailleurs pris garde à l'influence que les politiques agricoles et commerciales de nos principaux fournisseurs exerçaient sur nos choix de production et de consommation de produits alimentaires, a favorisé malgré lui un modèle de consommation aujourd'hui totalement connecté au marché international.