De notre correspondante à Tlemcen Amira Bensabeur La mendicité pratiquée par les enfants reste un problème grave dans la wilaya de Tlemcen, et les décideurs doivent mettre en place des programmes d'urgence afin de l'interdire. En effet, cette communauté infantile est souvent exploitée par une mafia de mendiants. D'autres chérubins, victimes de négligence, d'indifférence, de manque d'affection, s'adonnent également à cette pratique. Dans ce contexte, les spécialistes estiment qu'un code approprié doit être élaboré pour protéger ces enfants, le plus souvent exploités dans le travail informel ou jetés à la rue pour diverses causes, notamment le divorce. La nécessité passe cependant par offrir à chaque enfant les meilleures conditions pour grandir et s'épanouir. Face à ce problème d'exploitation des enfants dans la région de Tlemcen, il est temps d'agir et d'améliorer le dispositif de protection. Un dispositif qui sera construit sur des bases saines, solides, et reposera sur le principe de la primauté de l'intérêt de l'enfant. Selon bon nombre de spécialistes, notamment des avocats et des universitaires, il est temps d'agir en vue de créer des centres spéciaux pour «entretenir» ces enfants jusqu'à l'âge adulte, les préserver du fléau de la mendicité et punir sévèrement les auteurs de leur exploitation. Rappelons que plusieurs journées d'étude ont été organisées dans ce sens dans la wilaya, et que des recommandations ont été adressées à qui de droit. Malheureusement, jusqu'à l'heure actuelle, aucune réaction n'a eu lieu. L'enfance menacée L'enfance n'est pas toujours synonyme d'insouciance, d'enthousiasme, de projets et d'avenir, et il est souvent difficile pour un enfant de devenir adulte lorsqu'il se retrouve sans repères, menacé par la précarité, exclu du monde du savoir, vulnérable et fragile. Des milliers d'enfants travaillent, parfois dès l'âge de 6 ans, en Algérie, où le phénomène de travail des enfants prend une ampleur considérable. Bien que les chiffres officiels n'annoncent que 0,56% d'enfants qui travaillent dans 5 847 entreprises économiques, selon le ministre du Travail et de la Solidarité (Le jeune Indépendant, 2004), pour la même année, l'Unicef déclare que 500 000 mineurs, soit 5% des enfants de 15 à 18 ans, travaillent. Selon l'UGTA, ce sont 1 300 000 enfants de moins de 18 ans qui travaillent, dont 700 000 filles. D'après le BIT, 134 000 enfants entrent dans le monde du travail chaque année. En effet, la prolifération du travail des enfants serait la résultante d'une situation économique particulière, caractérisée par une paupérisation grandissante de larges couches de la population, le rétrécissement du marché de l'emploi, la faiblesse de la protection sociale. Cette situation, accompagnée par l'échec du secteur structuré dans la promotion de l'emploi et l'offre grandissante de biens de consommation semblant à la portée des couches de la population les plus pauvres, a entraîné le développement d'activités économiques dans le secteur non structuré ainsi qu'une économie de bazar parallèle. Les enfants travaillent dans divers secteurs : l'industrie, l'artisanat mais surtout la vente dans les rues, les marchés et les gares routières de différents produits tels que le tabac, les journaux et autres denrées alimentaires préparées à la maison. Dans ce contexte, ce travail perturbe le processus de développement normal de l'enfant ainsi que le processus de socialisation et pose le problème des instances de socialisation qui ne jouent pas leur rôle d'accompagnement et de prise en charge de l'enfant. L'école et la famille sont les institutions les plus impliquées par le rôle décisif qu'elles jouent dans le processus de socialisation de l'enfant et nous nous sommes interrogés sur les rapports qu'entretiennent les enfants qui travaillent avec ces deux institutions. Que représentent-elles pour l'enfant ? Sont-elles des symboles suffisamment forts ? Procurent-elles à l'enfant le cadre dont il a besoin ? Lui apprennent-elles les valeurs et les attitudes socialement valorisées ? Cependant, une grande majorité d'enfants déclarent que leur famille présente des problèmes : divorce, décès de l'un des parents, famille recomposée et, surtout, disputes fréquentes, et que les enfants travaillent pour la majorité plus de 8 heures par jour et dépensent leur argent pour leurs propres besoins. 20% des enfants donnent l'argent qu'ils gagnent à leur famille et 27% en donnent une partie. Ces enquêtes, menées par des spécialistes, montrent que les facteurs économiques sont certes importants, mais restent tributaires des conditions sociales, culturelles et psychologiques. Les conditions économiques de la famille jouent un rôle, mais également les conditions économiques générales du pays. En effet, les familles d'enfants qui travaillent ne sont pas de la classe aisée, mais ne sont pas nécessairement très pauvres. «Ce n'est pas la pauvreté qui pousse donc les enfants à travailler, mais un ensemble de facteurs psychologiques, culturels et sociaux. Ce qui apparaît de façon très importante, c'est, d'une part, le rôle du climat qui règne dans la famille et, d'autre part, celui des parents dans la formation d'attitudes particulières vis-à-vis de l'école et du travail.» A Tlemcen, plusieurs journées d'étude ont été organisées dans le but d'étudier l'exploitation des enfants. Les intervenants ont appelé à faire davantage pour l'enfance, qui mérite le respect, car des dizaines de milliers d'enfants se trouvent en état de souffrance. Des enfants victimes de négligence, d'indifférence, de manque d'amour. Des enfants victimes aussi de violence, d'humiliation. Des enfants en proie à des conflits aigus entre adultes et qui subissent les conséquences de ces rapports familiaux dégradés. Nécessité d'un code Cette souffrance en silence et dans l'indifférence est intolérable. Dans ce contexte, les intervenants estiment nécessaire un code bien défini pour mettre à l'abri cet enfant, le plus souvent exploité dans le travail informel, ou jeté à la rue pour diverses causes, notamment le divorce. Les spécialistes ont souligné la nécessité de donner à chaque enfant les meilleures conditions pour grandir et s'épanouir. C'est de permettre à chaque enfant de trouver des repères pour se développer sur les plans physique, intellectuel, moral, affectif, spirituel et social. Le débat sur la protection de l'enfance a été souvent marqué par de multiples contributions, qui indiquent qu'il est temps d'agir pour sauver cette enfance, et améliorer le dispositif de protection. Un dispositif, a-t-on souligné, construit sur des bases saines, solides et reposera sur le principe de la primauté de l'intérêt de l'enfant. Pourtant, des failles, des dysfonctionnements existent. Des défauts dans l'organisation ont empêché les professionnels d'aider, comme ils le voudraient, les enfants qui souffrent ou qui risquent de souffrir. Il faut y remédier. Pour les enfants, pour leurs familles, a-t-on martelé, avec notamment, le renforcement de la prévention pour leur venir en aide ainsi qu'à leurs parents, avant qu'il ne soit trop tard ; organiser le signalement pour détecter plus tôt et traiter plus efficacement les situations de danger ; diversifier les modes de prise en charge, afin de les adapter aux besoins de chaque enfant. Au cours de ces rencontres ont été évoquées des situations difficiles, comme, par exemple, les femmes qui se retrouvent seules au moment de leur grossesse, des mères qui rencontrent des problèmes d'ordre psychologique ; ce sont autant de situations de fragilité qui peuvent entraver le lien mère/enfant et par conséquent entraîner des conséquences préjudiciables à l'enfant. L'accent a été également mis sur le rôle de l'école qui est le lieu propice pour assurer une prévention générale. C'est aussi l'endroit pour détecter les risques de danger pour l'enfant. L'examen d'entrée à l'école maternelle est une occasion de repérer les situations problématiques. Celui de l'entrée à l'école primaire est un autre carrefour important dans la vie de l'enfant. Or, la déperdition scolaire a fait que bon nombre d'enfants se sont transformés en délinquants. Et c'est dans ce sillage qu'un appel a été lancé pour la création de centres spéciaux pour «entretenir» cette enfance jusqu'à l'âge d'adulte. Au sujet des recommandations, on note : interdire de l'exploitation des enfants dans la mendicité, et punir sévèrement les adultes qui mendient accompagnés d'enfants dans les rues, au point que le paysage urbain est devenu plus que désolant, démontrant la maladie de cette société dans laquelle on vit. En outre, ajoute-t-on, le degré de responsabilité des parents et les missions de protection de l'enfance sont au cœur des défis qu'il nous faut relever. De ce point de vue, les séminaristes ont souhaité que la nouvelle réforme sur le droit de l'enfant permette d'atteindre un meilleur équilibre. Jusqu'à présent, il n'y a que des écrits.