Photo : Riad De notre correspondant à Bouira Nacer Haniche Selon les statistiques présentées par la Direction des affaires sociales au cours de la fin de l'année dernière, le nombre de familles démunies au niveau de la wilaya est de 22 300. Ce chiffre qui enregistre une augmentation d'une année à une autre, représente les familles nécessitant l'intervention de l'Etat, pour faire face aux besoins de leur vie quotidienne. Souvent, les difficultés de cette catégorie sociale sont multiples, poussant des membres de ces familles à ne pas se suffire des aides de l'Etat ni des donations récoltées auprès des âmes charitables à l'occasion des événements religieux. Des enfants exploités à fond dans des travaux pénibles Considérant que ces contributions leur sont insuffisantes pour mener une vie normale, plusieurs parents préfèrent faire embaucher leurs enfants, notamment ceux renvoyés de l'école, chez un propriétaire de café, un restaurateur ou comme ouvrier dans les champs et chantiers. «Que voulez-vous, puisqu'il n'a pas poursuivi ses études. C'est ça, au lieu qu'il traîne dans la rue, vole ou apprenne toutes sortes de vices, il va m'aider», a déclaré un vendeur de fruits et légumes, que nous avons rencontré au marché, à propos de son fils âgé à peine de 10 ans. Par ailleurs, certaines familles ignorent totalement les conditions de travail dans lesquelles leurs enfants tentent de gagner quelques sous et se soucient peu de leur état de santé. Ainsi, qu'il pleuve ou qu'il fasse beau, plusieurs enfants sont exploités dans des travaux qui dépassent quelquefois leurs capacités physiques, sous les regards indifférents de la société et des services concernés, malgré l'existence de textes de loi qui protègent les enfants contre les différents types d'exploitation. Ce sujet a été abordé, au mois de janvier dernier, à l'occasion d'une journée de sensibilisation et d'information sur le travail des enfants, organisée par la Direction de l'action sociale (DAS) de Bouira. La rencontre a été axée sur les mécanismes à mettre en place pour éradiquer ce phénomène. Des programmes de prévention appelant à une implication de tous les secteurs afin de contrecarrer une si humiliante activité humaine, ont été présentés. Les intervenants avaient alors indiqué que la condition sociale des familles, la déperdition scolaire et l'absence d'une stratégie pouvant assurer la prise en charge effective des enfants de moins de 18 ans sont les mille et un facteurs qui font que nos enfants travaillent dans l'illégalité. Face à cet état de fait, les représentants de la direction du travail, de l'éducation, des affaires sociales et les autres représentants des autorités locales ont abordé les dangers et les conséquences néfastes de ce phénomène sur la vie et la santé de l'enfant. Pourtant, la loi 11/90 relative aux relations de travail précise dans son article 15 qu'aucun enfant de moins de 16 ans ne doit travailler, sauf dans le cadre des contrats d'apprentissage, délivrés par le secteur de la formation professionnelle, tout en tenant compte de la nature du travail, et dans la mesure où il ne nuit pas à sa santé. A cela s'ajoutent les conventions internationales ratifiées par l'Algérie et qui interdisent le travail et l'exploitation des enfants. Des enfants initiés à la mendicité dès leur petite enfance Sur un autre plan, quotidiennement et à l'instar de toutes les grandes villes du pays, une autre forme d'exploitation des enfants est apparue ces dernières années. Il ne se passe pas un jour sans qu'on soit accosté par des enfants de femmes accompagnées de petits enfants, en train de demander l'aumône. En effet, alors que, par le passé, la mendicité était une pratique à laquelle s'adonnaient des vieillards et des femmes dits issues de familles nécessiteuses, ces derniers temps le phénomène a dépassé tout entendement et certains citoyens disent qu'«il n'y a pas d'âge pour mendier, c'est dû aux conditions sociales et au fait que le travail a perdu sa valeur dans la société». Ainsi, l'acte de tendre la main en public pour demander l'aumône ne fait plus rougir de nos jours, comme par le passé où également était mal vu celui ou celle qui s'aventurait à quémander une croûte de pain ou de l'argent. Certains observateurs considèrent que, face à la baisse du pouvoir d'achat, la montée vertigineuse du taux du chômage et au déficit alarmant que connaît le pays en matière d'emploi, il reste peu de chance aux jeunes et encore moins aux pères de famille, chômeurs pour la plupart, de dénicher un petit boulot salutaire en mesure de les arracher à l'endettement, au vol ou à la mendicité. Les femmes et les jeunes filles sont les plus exposées au fléau de la mendicité. Par ailleurs, les enfants, cette catégorie fragile et innocente, n'échappe pas, elle non plus, aux rets de la mendicité. Accompagnés de personnes adultes ou seuls, certains n'arrêtent pas de sillonner la ville pour tendre la main aux passants. Ils n'hésitent pas à entrer dans lieux publics réservés aux adultes, comme les cafés et les restaurants pour demander de l'argent. La gare routière de Bouira et le marché où il y a une grande affluence de passants et de voyageurs sont les endroits qui attirent le plus d'enfants (garçons et filles), âgés entre 10 et 13 ans, qui s'adonnent à la mendicité, arguant parfois vouloir aider leurs parents malades ou étant orphelins. Au niveau des différentes mosquées du chef-lieu, le phénomène est très répandu et suscite les interrogations, surtout le vendredi où des dizaines de femmes avec des bébés dans les bras, squattent les entrées des mosquées pour faire la manche, dans le but d'attendrir les passants et les fidèles. Certaines d'entre elles n'hésitent pas à «emprunter» des bébés, selon les dires des citoyens. Habillées de haillons, certaines mendiantes utilisent alors des méthodes bien curieuses, comme tenir un bébé sale et morveux sur leurs genoux en se faisant entourer d'une armada de chérubins également mal habillés. Elles n'hésitent devant rien pour exhiber la pire image de la misère et semer l'émoi dans les cœurs sensibles, parmi les citoyens. Ces derniers, dont certains sont des élus ou des responsables d'administration, censés agir pour que ce phénomène cesse de prendre de l'ampleur, mettent la main à la poche, sans se poser de questions et offrent quelques pièces, croyant avoir bien fait pour contribuer au maintien de cet ordre établi, en espérant être bénis par Dieu.