Photo : Riad Par Abderrahmane Semmar En dépit de toutes les insuffisances juridiques qui entourent la «kafala», le recueil légal, le gouvernement continue à encenser cette institution qui aurait permis de prendre en charge, selon les récentes déclarations du ministre de la Solidarité nationale, de la Famille et de la Communauté nationale à l'étranger, Djamel Ould Abbes, plus de 13 000 enfants privés de famille. «Sur les 29 000 enfants privés de famille durant les dix dernières années, plus de 13 000 ont été pris en charge dans le cadre de la kafala par des familles en Algérie et 2 500 autres par la communauté nationale à l'étranger», a déclaré M. Ould Abbes vendredi dernier à la presse lors de l'inauguration du Salon du bébé. Ainsi, à entendre ce dernier, la kafala a fait le bonheur des parents privés d'enfants et des enfants abandonnés dans les pouponnières par des mères au bord du désespoir. Toutefois, le ministre oublie facilement que cette institution, qui proscrit la création de tout lien de filiation, occulte toujours le statut de ces enfants au sein de leur famille d'accueil en termes juridiques et administratifs. En effet, le sort de l'enfant «mekfoul» dans les cas de révocation de la «kafala», de décès du père ou de divorce pose toujours problème en Algérie. Les responsables des associations pour l'accueil des enfants abandonnés comme l'Association algérienne enfance et famille d'accueil bénévole (AAEFAB) se battent depuis des années pour interpeller les pouvoirs publics sur ce délicat problème de société. Mais malgré toutes les évolutions que la structuration de l'institution de la «kafala» connaîtra au fil des années, elle demeure encore au centre d'un vif débat. Et pour cause, entachées de nombreuses incohérences, la kafala doit subir de nombreuses améliorations pour qu'elle puisse réellement coller à la réalité de plus en plus amère de notre société. Dès lors, certains aménagements s'avèrent aujourd'hui nécessaires dans l'intérêt de l'enfant et de sa famille d'accueil, tels que l'inscription du «mekfoul» (l'enfant) sur le livret de famille avec mention du jugement de kafala. A ce propos, il convient de signaler que des milliers d'enfants «mekfouls» sont privés de livret de famille. Pour remédier à cette terrible exclusion dont sont victimes ces enfants, l'AAEFAB souhaiterait que l'enfant recueilli par «kafala» soit porté sur le livret de famille avec la mention marginale de la date de jugement ou de l'acte notarié ayant prononcé la «kafala». Cette disposition, qui représente la préoccupation principale des familles adoptives, est nécessaire afin d'assurer une intégration harmonieuse de l'enfant dans le milieu familial qui l'a recueilli et dans les institutions avec lesquelles il est en rapport, comme l'école et la mairie. Malheureusement, à cette revendication, les autorités publiques continuent de faire la sourde oreille. Par ailleurs, selon le texte en vigueur, l'enfant recueilli doit garder sa filiation d'origine s'il est de parents connus. Dans le cas contraire, l'agent de l'état civil lui choisit deux prénoms dont le dernier lui sert de nom patronymique (article 64 du code de l'état civil). Or, un article controversé dispose qu'«en cas de décès, le droit de recueil légal est transmis aux héritiers ! S'ils s'engagent à l'assurer. Au cas contraire, le juge attribue la garde de l'enfant à l'institution compétente en matière d'assistance». En vertu de cet article, les spécialistes considèrent que la mère est exclue de l'exercice de la tutelle sur l'enfant «mekfoul» dans le cas du décès du père. Selon l'AAEFAB et plusieurs autres associations, il s'agit d'une véritable injustice faite aux enfants orphelins qui risquent de se retrouver à la rue si leurs kafils décèdent. Aujourd'hui, il est essentiel qu'«en cas de décès du ‘‘kafil'', la ‘‘kafala'' judiciaire de l'enfant revient d'office à l'épouse du ‘‘kafil''», préconisent des avocats. Mais pour cela, il faudrait que, en Algérie, les règles concernant la tutelle d'un enfant légitime soient appliquées également à l'enfant recueilli. C'est dire enfin que la situation de ces enfants privés de famille n'est guère aussi réjouissante que le laisse croire M. Ould Abbes.