Photo : Riad De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani Le vieil adage qui dit qu'«à quelque chose malheur est bon», se vérifie bien au niveau du complexe ArcelorMittal d'El Hadjar, près d'Annaba. En effet, c'est suite à la décision de la direction de rationaliser les dépenses pour faire face à la crise qui le frappe de plein fouet que la grande arnaque a été découverte, arnaque qui n'a pas encore livré tous ses secrets et qui éclabousse pas mal de personnalités. C'est à un rapport accablant, preuves à l'appui, accusant la société Grand Smithy Works (GSW), spécialisée dans les déchets ferreux, adressé le 7 décembre 2008 à la direction générale par le secrétaire général du syndicat du complexe, Smaïl Kouadria, qui a mis le feu aux poudres. Un audit interne a été ordonné et le pot aux roses a été découvert ; l'activité du mois de décembre a été passée à la loupe et on s'aperçut que des factures fictives avaient été établies sans pour autant qu'il n'y ait eu de prestations de la société incriminée par le rapport. Il s'agit d'un trafic à grande échelle soutenu par tout un réseau de complicités au niveau du complexe qui a pu, en l'espace d'une année, escroquer à l'usine des centaines de milliards de dinars. Le tour est simple : la ferraille massive, les déchets de la fonte des hauts-fourneaux sortent du complexe pour être déposés dans un crassier extérieur ; ceux-ci sont nettoyés et récupérés pour être comptabilisés comme étant des livraisons faites par GSW, les bons sont délivrés par les agents du poste de contrôle, la facturation se fait le plus normalement au monde à raison de 2 000 DA la tonne selon le contrat liant les deux parties. Les trois gardiens, «arrosés» à raison de 500 et 3 000 DA chacun, trouvaient leur compte ; deux d'entre eux croupissent aujourd'hui en prison, le troisième est toujours en fuite et est activement recherché. L'enquête menée par le CTRI a révélé que depuis le début de ses activités, en 2004, au complexe sidérurgique, GSW, une EURL indienne appartenant à la famille Agrawla et gérée par deux frères et leur cousin, n'a jamais payé ses charges au complexe (eau, électricité, gaz, carburant, maintenance des véhicules et autres). La complicité du directeur de l'unité Fersid a été établie car, confondu, celui-ci avouera aux enquêteurs qu'il avait fermé les yeux sur les infractions commises moyennant des cadeaux qu'il recevait périodiquement du directeur en exercice de la société GSW. Les relevés bancaires délivrés aux enquêteurs par les banques BEA et Société générale ont fait apparaître que de fortes sommes se chiffrant en millions de dinars avaient été retirées ; la destination de cet argent demeure inconnue jusqu'à ce que Swaydine Agrawla, directeur en exercice fut arrêté après une cavale qui a duré près de 3 jours. Celui-ci, ayant eu vent de l'enquête menée par les services spéciaux, s'est rendu à Alger par route dans l'espoir de quitter le pays mais il fut refoulé à l'aéroport d'Alger en tentant de prendre l'avion en direction de Frankfurt (Allemagne). Il revînt à l'ambassade indienne pour y trouver refuge pendant quelques heures et descendre plus tard à l'hôtel Sofitel où il fut arrêté. Au cours de son interrogatoire, il révéla que l'argent retiré a été échangé par son chauffeur contre des devises dans la rue Gambetta à Annaba où les agents de change parallèle pullulent. Ensuite l'argent prend la direction de l'Europe pour y être déposé dans des banques. Le préjudice causé par cette société au complexe sidérurgique d'El Hadjar où travaillent près de 7 000 ouvriers est énorme. Selon les premiers éléments de l'enquête, seulement pour la première quinzaine de décembre 2008, l'arnaque «planifiée» a coûté 10,5 millions de DA. Ce qui est encore inimaginable, c'est que GSW a poussé l'arnaque jusqu'à demander au complexe un crédit de 93 millions de DA et… l'obtenir ! Au moment où des PME algériennes peinent à survivre et ne trouvent pas de plans de charge, une société spécialisée dans la récupération des déchets ferreux, un travail qui peut être fait par n'importe quelle entreprise locale, une société indienne décroche le contrat avec en prime une arnaque de centaines de millions de dinars. Qui dit mieux ?