Photo : Riad De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani L'après-grève a été difficile à gérer pour M. Smaïn Kouadria, porte-parole des travailleurs et négociateur en chef auprès de la direction du complexe sidérurgique ArcelorMittal d'El Hadjar, les travailleurs des aciéries 1 et 2 ayant refusé de rejoindre leurs postes malgré l'appel à la reprise lancé suite à la signature de l'accord avec l'employeur. Au niveau des aciéries à oxygène 1 et 2, les ouvriers s'étaient rassemblés pour dénoncer la conclusion de cet accord et demander que leurs revendications soient prises en charge. Celles-ci se résument en l'élaboration d'un statut identique à celui des travailleurs de la cokerie qui ont bénéficié d'augmentations substantielles par rapport aux autres unités et ateliers. «Le travail que nous exerçons est aussi dangereux et risqué que celui effectué au niveau de la cokerie et nous ne comprenons pas pourquoi nous n'avons pas bénéficié d'attentions particulières comme cela a été le cas pour ceux de la cokerie -et nous sommes contents pour eux- nous voulons seulement bénéficier des mêmes avantages !» déclare un travailleur rencontré devant l'aciérie à oxygène. Il faut dire qu'un des points de l'accord conclu entre la direction d'ArcelorMittal et les représentants des travailleurs cite le cas particulier de la cokerie et accorde une prime conséquente à ceux qui y sont affectés. En effet, dans son article 10, ledit accord stipule que les primes ont été révisées à la hausse, notamment celles se rapportant aux groupes 1 et 3 en passant respectivement de 97 DA/jour à 116 DA et de 72 à 87 DA. Les groupes 2, 4 et 5 ont, eux aussi, bénéficié d'augmentations, ce qui, en quelque sorte, favorise quelque peu les travailleurs de la cokerie par rapport aux autres unités. La fronde des travailleurs avait été très difficile à maîtriser et il avait fallu l'intervention de Smaïn Kouadria, accompagné de son staff de négociateurs et du directeur général du complexe, pour maîtriser la situation et calmer les ouvriers en colère. Ces derniers ne voulaient rien entendre et il avait fallu près de 2 heures de pourparlers, de négociations et d'explications pour que les mécontents rejoignent leurs postes non sans promettre de revenir à la charge à la première occasion. Maîtriser et calmer les troupes n'est pas chose aisée et le porte-parole des travailleurs, visiblement très affecté par la tournure qu'avaient prises les événements malgré son engagement pour défendre les intérêts des travailleurs, a déclaré ne plus se porter candidat aux élections prévues le 20 juillet pour le renouvellement des instances du syndicat d'entreprise. Le dernier carré des irréductibles et inconditionnels de Aïssa Menadi, ex-patron du syndicat ArcelorMittal, évincé lors des rassemblements et des marches qui avaient été organisés durant les deux derniers mois, a repris du poil de la bête et commencé à activer au sein du complexe pour remettre en selle son protégé. Les partisans de Smaïn Kouadria, mis au courant de la nouvelle situation, ont accouru de tous les ateliers et unités pour prêter main-forte à leur représentant. Un grand rassemblement s'est tenu devant la baraque servant de siège au syndicat. Les travailleurs ont exigé de Smaïn Kouadria qu'il revienne sur sa déclaration, autrement personne ne reprendrait son travail. Le porte-parole des travailleurs dut abdiquer et revint sur sa décision. «Il y a trop d'intérêts en jeu au niveau du complexe, nous dit un syndicaliste. Il y a de la manipulation dans l'air et il s'agit d'être très vigilant pour ne pas tomber dans le panneau. Nous faisons de notre mieux pour aider nos travailleurs en faisant circuler l'information mais il y a toujours des manipulateurs qui exploitent la crédulité des ouvriers et, ainsi, semer la zizanie. Cela ne peut servir les intérêts de l'usine et encore moins ceux des travailleurs. Cependant, le groupe de Menadi ne s'avoue pas vaincu ; il se prépare et affûte ses armes pour la prochaine bataille qui est l'élection tout en jetant le discrédit sur l'actuel porte-parole des travailleurs, ex-bras droit de l'ancien patron du syndicat. La toute dernière information circulant dans les milieux ouvriers est que l'augmentation de 15% des salaires accordée aux travailleurs est très insuffisante ; les négociateurs -à leur tête Smaïn Kouadria- n'ont pas tenu leur engagement de revenir de ces négociations avec un seuil minimum de 18 %. Et, là, c'est Menadi qui apparaît en toile de fond ; son ombre plane sur le complexe. Ses partisans toujours présents font croire à ceux qui veulent bien les entendre que, si c'était lui qui avait mené ces négociations, il aurait obtenu au moins 20% en plus d'autres avantages «comme il a l'habitude de le faire» pour bien asseoir cette information dans les esprits. Smaïn Kouadria, actuellement porte-parole des travailleurs et candidat favori à l'élection du 20 juillet, en conflit ouvert avec son adversaire et ex-patron, est déterminé à mener ce combat jusqu'au bout. «Nous avons arraché cette augmentation à l'employeur après près de 8 jours de négociations ardues, d'atermoiements de la part de l'employeur qui, chaque fois, invoque la situation de crise que traverse le secteur de la sidérurgie. «Cela est vrai en partie, nous déclare-t-il, mais ne touche pas vraiment l'Algérie où les commandes sont restées au même niveau et, parfois, même augmenté. C'est l'importation à partir de l'Espagne et de l'Italie qui a fait beaucoup de mal en proposant le rond à béton et les produits sidérurgiques à des prix que le complexe ne peut suivre. Nous sommes conscients de tout cela et, donc, nous ne pouvions exiger plus. Il y va de la pérennité des postes d'emploi que nous tenons à protéger coûte que coûte. C'est notre devoir et nous considérons, le panel des négociateurs et moi, que nous avons obtenu les meilleurs résultats possibles.» Revenant sur les rumeurs qui circulent, il dira que c'est de la pure manipulation, de l'intox visant à déstabiliser la prochaine élection qui «sera démocratique et ouverte à tous, dit-il. Le choix des travailleurs sera scrupuleusement respecté. Nous y veillerons personnellement». Ce climat délétère et malsain régnant au niveau du complexe sidérurgique, en alimentant et en amplifiant la suspicion, n'est pas pour rassurer les quelque 7 200 travailleurs des ateliers et de toutes les unités. Cela peut à long terme être à l'origine de mouvements de protestations au sein du géant de l'industrie sidérurgique du pays. Un complexe qui n'est pas encore sorti de la tourmente et qui est, chaque fois, secoué par des scandales, les affaires GSW, Shree International, Fellah Hacene, EFES, comité de participation, mine de l'Ouenza et Boukhara et, dernièrement, l'affaire des 17 joueurs de l'USM Dréan et celle des transactions douteuses entre la firme LG et le comité de participation mises au jour par les limiers de la brigade économique de la Gendarmerie nationale. Les joueurs étaient grassement payés par le complexe pendant près de 2 ans sans pour autant y avoir jamais mis les pieds, des emplois fictifs payés entre 25 et 35 000 DA. Avec la firme LG, ce sont près de 30 milliards de cts, montant d'un marché annuel renouvelable passé de gré à gré au mépris de la réglementation en vigueur. On se sucre au passage, on graisse la patte à certains pour acheter leur silence et ont fait des «affaires» qui rapportent gros. En plus, c'est facile et pas cher du tout. Ces «affaires» ne sont, en réalité, que la face visible de l'iceberg. Le reste, tout le reste est encore à venir…