«C'est aux pouvoirs publics de faire respecter la loi, pas aux commerçants.» La phrase a été prononcée par le propriétaire d'une superette à Alger. Le respect de la loi, souhaité par le commerçant, concerne l'interdiction des sachets en plastique noir qui reviennent en force ces derniers mois. La disparition du sachet noir n'a été en réalité que de courte durée. Fini le tapage médiatique qui a entouré l'opération de charme menée tambour battant par le ministre de l'Environnement, l'emballage noir reprend sa place dans les marchés, les supérettes, chez les épiciers, les bouchers… Le sachet noir a ainsi survécu à la menace d'élimination brandie par le ministre. Un décret exécutif n°04-210 du 28 juillet 2004 définit les modalités de détermination des caractéristiques techniques des emballages destinés à contenir directement des produits alimentaires ou des objets destinés à être manipulés par des enfants. Il était question d'exiger la fabrication des sachets à partir de matières premières vierges de propylène non recyclées, non régénérées et non déclassées. Face à cette loi, le sachet noir semble tenir bon. Jusqu'à la prochaine offensive ministérielle. Quel est l'obstacle qui empêche l'éradication du sachet en plastique à laquelle Cherif Rahmani avait promis de s'attaquer ? Les appels successifs à préserver l'environnement n'ont pas suffi. Pis : on assiste depuis à la naissance d'un marché parallèle qui ne manque pas d'attractivité. Plusieurs unités de production ont vu le jour pour s'installer dans un marché pourtant dans la ligne de mire des autorités. Preuve en est la fermeture de 11 unités de production et les mises en demeure de quelque 247 producteurs au cours de l'année 2007. Les commerçants, de leur côté, ne se posent pas assez de questions quant à une supposée nocivité des sachets en plastique sur la santé des populations et sur sa nuisance sur l'environnement. L'Union nationale des plasturgistes a suggéré récemment la mise en place d'un plan visant à développer l'industrie de fabrication de sachets en plastique avec le rajout de nouveaux composants assurant sa décomposition rapide sans porter atteinte aux consommateurs. Cette technique a été, selon certains spécialistes, approuvée par plusieurs pays européens qui ont franchi un pas considérable en matière de protection de la santé publique. Concernant la poursuite de la fabrication de sachets noirs, interdits officiellement depuis mars 2005, suite à un accord entre le ministère de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement et les représentants des producteurs de sachets plastiques, une source très au fait de la filière souligne que «ces sachets sont l'œuvre d'une concurrence déloyale qui semble échapper à tout le monde». Certains épiciers feront remarquer que «les fournisseurs des sachets en plastique noir répondent plus vite que les nouveaux fabricants légalisés selon la nouvelle réglementation». La responsabilité des pouvoirs est énorme dans le processus de neutralisation de tous les fabricants de sachets que les expertises désignent comme nuisibles à la santé publique. La complexité de cerner cette problématique semble pousser le département de l'environnement à chercher d'autres solutions. Parmi les propositions, on peut citer la taxe sur les déchets ménagers. Sur quoi se base-t-on ? A quoi sert-elle ? «Les communes doivent faire appel à des experts privés et publics à même de rapporter un plus en matière de gestion des ordures ménagères. Il faut qu'il y ait des partenariats entre les collectivités locales et des sociétés spécialisées, publiques et privées, nationales et étrangères, dans ce domaine», a soutenu M. Rahmani lors de la première rencontre nationale sur «la gestion des déchets ménagers et assimilés».Le premier responsable a recommandé, dans ce sillage, d'aller vers le professionnalisme en matière de gestion des déchets ménagers et assimilés. Et d'ajouter que chaque citoyen algérien jette près de 1,5 kg d'ordures par jour. «La remarquable avancée de l'Algérie» n'autorise pas néanmoins une satisfaction béate dans le sens qu'il reste beaucoup à faire sur le terrain de la protection de l'environnement et du développement durable. Au département de l'environnement, on estime que «la mauvaise gestion et le non-paiement de la taxe pollueur-payeur restent les grandes faiblesses du management des déchets dans notre pays». Pour y remédier, le premier responsable du secteur évoque inlassablement les efforts consentis en vue de hisser la gestion des déchets ménagers en Algérie au niveau des standards internationaux en la matière, à travers, argue-t-il, la mise en place d'un cadre législatif adéquat et l'adhésion à des partenariats avec des pays expérimentés dans ce domaine tels que l'Allemagne. Et après avoir constaté l'efficacité limitée de la politique de protection de l'environnement, les pouvoirs publics n'ont pas hésité, avec juste raison, à solliciter l'expérience étrangère.Sur ce chapitre, l'Algérie a jugé nécessaire de sceller un partenariat fiable avec les Allemands qui ont incontestablement fait leur preuve dans le domaine. Plusieurs projets -jugés importants-, ont été réalisés en Algérie par des entreprises allemandes, à l'exemple du lancement d'un nouveau système de gestion des déchets ménagers dans les wilayas de Blida et de Annaba et la création prochainement de centres d'enfouissement technique (CET) de déchets ménagers dans la wilaya de Ghardaïa et la localité de Staouéli à Alger. On annonce également la création d'un CET pour les déchets industriels dans la région de Bir El Ater dans la wilaya de Tébessa. Pour ce qui est des 80 CET que compte actuellement l'Algérie, ils ont été expertisés dernièrement par des spécialistes allemands. A propos des rejets industriels, les autorités ont instauré une taxe pour les grands pollueurs. Selon le sous-directeur au ministère de l'Environnement, M. A. Akli, le taux de traitement des rejets industriels est faible. «Sur les 220 millions de mètres cubes de rejets industriels, la quantité traitée durant le début des années 2000 n'a pas dépassé les 10%. En 2006, cette quantité a atteint les 40%, mais elle est passée au-dessus de la barre des 300 millions de mètres cubes», a-t-il soutenu. Pour amener les opérateurs économiques activant dans le secteur de l'industrie à intégrer dans les protocoles de productions le traitement des rejets industriels résultant de leurs activités, les pouvoirs publics ont jugé nécessaire de procéder à l'instauration de taxes exigeant des concernés la prise en charge du traitement de leurs rejets et de contribuer à la sauvegarde de la nature. «L'introduction de cette nouvelle réglementation ne vise pas uniquement à dissuader les pollueurs. Il est aussi attendu que la taxe en question participe à l'implantation d'une nouvelle culture de management environnemental des entreprises qui ont commencé à s'inscrire pour l'obtention de la certification ISO 14 001 dédiée à ce volet. Cette conformité à la norme ISO 14 001 ne résout toutefois pas tous les problèmes liés à l'environnement, mais permet à ces entreprises de s'organiser et de mettre en place un système efficace de management industriel», ajoute un responsable du même département. Qu'est-ce qui est fait pour réduire les rejets industriels ? Est-ce que les grands pollueurs s'y conforment ? Les spécialistes évoquent le complexe de zinc de Ghazaouet. Le site a fait l'objet d'une opération de mise à niveau. Le traitement des déchets qu'il génère constitue un véritable danger sur la santé publique et l'environnement. Pour y faire face, une demande a été transmise au Fonds mondial de l'environnement afin de bénéficier d'une aide financière qui permettra à l'Algérie de poursuivre sa lutte contre la pollution de l'environnement. La bataille de l'environnement sera dure à gagner dans la mesure où l'Algérie accuse un grand retard en la matière. A. Y.