Le ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales vient tout juste de publier les résultats préliminaires du 5ème recensement général de la population et de l'habitat (RGPH). Un sondage grandeur nature qui confirme, en premier lieu, l'omniprésence de cette fâcheuse tendance générale à l'exode vers les grandes villes. La forte pression démographique qui s'exerce sur les centres urbains depuis la fin des années 1980 se poursuit donc, malgré les efforts consentis depuis quelques années déjà pour le développement de la zone rurale dans l'objectif de fixer les populations sur leurs terres d'origine. Selon les chiffres rendus publics par le département de Nouredine Zerhouni, près de 80% des Algériens vivent aujourd'hui en ville. Ils sont, en tout, près de 28 millions de citoyens à peupler les grandes agglomérations, et seulement 7 millions à s'accrocher dans les régions rurales du pays profond. Les conditions de vie difficiles dans les villages montagneux du Nord et l'absence des commodités élémentaires dans les régions arides et semi-arides des Hauts Plateaux et du Grand Sud poussent constamment les habitants de ces régions enclavées à s'«exiler» aux chefs-lieux de wilaya, de daïra ou de commune en quête d'une existence moins pénible. Partir en ville s'apparente, en effet, à une promotion sociale notable. Il en résulte évidemment une série de difficultés et de contraintes : le chômage endémique, la violence urbaine et les rivalités entre les anciens citadins et leurs voisins fraîchement installés, le choc culturel dû au dépaysement des nouveaux arrivants, le détournement des terres agricoles pour la construction de nouvelles cités dans le cadre de la lutte contre l'habitat précaire et la bidonvilisation, et tant d'autres impératifs dispendieux comme la gestion de la ville, les infrastructures de base et les services publics. Cette répartition territoriale disproportionnée de la population pose d'autres problèmes stratégiques au développement. La zone rurale, qui, autrefois, jouait un rôle de première importance dans la production agricole nationale, est aujourd'hui désertée et laissée en jachère. Les cultures, les us et les coutumes locales qui faisaient naguère sa richesse spirituelle sont en train de se perdre peu à peu. Des pans entiers de notre patrimoine immatériel se sont définitivement effacés. Tout cela s'accompagne d'un dangereux phénomène de déculturation et de perte de repères civilisationnels et identitaires. Il y a manifestement des insuffisances, qu'il va falloir corriger sans délais, dans ces programmes d'appui au développement rural. Il ne suffit plus d'ouvrir des pistes agricoles et de subventionner la plantation fruitière pour inciter les campagnards à rester sur les domaines de leurs ancêtres. Il faut aussi assurer les services publics vitaux -comme la santé, l'éducation, le transport et l'alimentation en produits énergétiques- pour offrir à cette campagne les moyens de sa propre émancipation sur place. On doit aussi réfléchir à valoriser l'artisanat et les cultures locales pour raffermir la personnalité des «ruraux» qu'on prend, hélas, trop souvent pour des rigolos. De nombreux sites naturels et patrimoniaux sont situés dans la campagne, il y a lieu de penser à une structuration de l'offre touristique en milieu rural pour permettre à cette «ruralité» de s'ouvrir, de s'exprimer et de se défendre. Cet espace est trop étroit pour citer toutes les actions de proximité susceptibles de redonner aux zones rurales leur attrait de toujours. Les pouvoirs publics sont interpellés à agir efficacement dans ce sens pour alléger cette terrible pression démographique qui menace la stabilité et la salubrité de nos villes. Il y va du développement durable et équilibré de l'ensemble du pays. K. A.