Photo : Sahel De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi La baisse du pouvoir d'achat a tout altéré sur son passage. Couffins, effets vestimentaires, vacances, médication… C'est un second mal du siècle, après le stress, qui vient s'abattre sur les revenus déjà fragiles de la couche moyenne de la société. Le citoyen suffoque ! Chaque jour, il peine à remplir son couffin, en raison de la mercuriale qui échappe à toute logique en dépit de moult régulations émises par les pouvoirs publics. La balle est désormais dans le camp du prochain président de la République, appelé à déjouer la crise, d'autant que la faillite américaine semble avoir survolé sans grand danger… l'Algérie. En témoignent les assurances émises récemment par la sphère politique.Depuis le tsunami financier qui a ébranlé les Etats-Unis, les nations mondiales guettent la moindre transformation que pourrait émettre l'«Oncle Sam» aux pays dont l'économie demeure sensible. Du moins si certains pays «riches» ont goûté aux affres des retombées de la crise, la population algérienne a été préservée du désastre en dépit d'une chute spectaculaire du brent. La baraka fait vivre encore les foyers… Cependant faudra-t–il avouer que la dégradation du pouvoir d'achat avait affecté les ménages bien avant ce chamboulement financier mondial. Ce qui pèse doublement lourd dans les budgets modestes des familles de la couche moyenne… si elle existe. «Comment peut-on vivre avec 12 000 DA/mois quand on a 4 enfants à nourrir et assumer leur cursus scolaire. N'est-ce pas là une équation impossible à résoudre ?» lâche un économiste. Les citoyens constantinois à l'image de ceux des autres contrées de l'Algérie profonde traversent une phase ardue. Si bien qu'on assiste à la naissance de plusieurs commerces venus à la rescousse malgré parfois leur danger sur la santé du consommateur. C'est le cas des friperies par exemple. A vrai dire, la majorité des familles à faibles revenus tentent de s'en sortir avec dignité faute d'une assistance familiale discrète. «Difficile d'arrondir des fins de mois avec une paye qui est loin de répondre aux besoins. Des légumes cédés naguère à un prix presque dérisoire prennent des ailes. Il faut tourner le dos aux viandes, sinon c'est la catastrophe…» déplore un père de famille à la retraite qui perçoit une modeste mensualité de la Sonelgaz. Dès qu'on évoque une éventuelle augmentation du SMIG, certains visages ternes, fatigués par le calcul des «dinars» par peur de tomber dans le besoin s'adonnent à des discussions réconfortantes. «Aujourd'hui, ce n'est un secret pour personne pas plus que pour le président de la République. La population souffre, notamment la classe modeste. Il est inadmissible que l'inflation brûle nos foyers et les rémunérations avancent à pas de tortue», commente un employé d'une entreprise nationale, croisant les doigts pour un salaire minimum approprié au pouvoir d'achat actuel. Un souhait qui reste toutefois tributaire du futur président de la République au terme de l'échéance du 9 avril prochain. «On ne veut plus de la langue de bois. Le chef d'Etat élu devrait songer par-dessus tout à sortir la sphère ‘‘pauvre'' du gouffre. La population n'en peut plus…» se lamente encore un septuagénaire. Des dépenses revues à la baisse Avec cette situation de dégradation, il n'est pas sans savoir que les citoyens ont revu à la baisse leurs dépenses et aussi leurs «envies». Point de place aux touches de fantaisie dont les conséquences poussent au crédit… A ce propos, un enseignant confiera : «Personnellement, si j'avais su que la crise nous frapperait de plein fouet, je n'aurais jamais opté pour l'achat d'un véhicule avec la formule du prêt bancaire. C'est un traquenard, franchement. Les pertes générées par la baisse du pouvoir d'achat viennent s'ajouter aux intérêts prélevés par les banques… Pour vous dire, la ceinture est plus que serrée.» Par ailleurs, combien de personnes hypothèquent leurs bijoux pour parvenir à sortir la tête de l'eau. La banque de la rue Thiers accueille sans relâche des vieilles, des jeunes épouses… qui déposent leur fortune d'or «intime» pour obtenir une somme leur permettant de subvenir à leurs besoins de toute nature. Y compris l'achat de médicaments ! C'est une formule payante pour ces ménages qui ont appliqué la recette de leurs aînés. «Si ce n'était ces grammes d'or, je tendrais la main pour manger», avoue une dame. Les banques d'hypothèques sentent l'or, mais dégagent une amertume, celle du mal-vivre des clients, car se débarrasser de son écrin pour 6 mois ou une année reste tout de même difficile à digérer… quoi qu'il existe des habitués de ces lieux de dénouement. En parallèle, cette situation de crise aura profité à quelques commerces. Des friperies de luxe côtoient des solutions faciles proposées par le textile chinois. Il inonde les artères de la ville. Même des magasins «made in», pouvoir d'achat oblige, se sont pliés à la pression asiatique en métissant leurs marchandises. Si la couche moyenne subit âprement le «pourrissement» financier, que dire de la sphère dont les ressources frôlent le «centime» ? Il est des mains tendues partout où l'on s'approvisionne. Marchés, boulangeries… ne désemplissent pas de quémandeurs. Il est des gens qui fouinent tôt le matin à l'abri des regards dans des bacs de détritus étalés dans les quartiers. Pourtant, c'est la réalité d'une frange importante de la population qu'il faut mettre en relief en vue de tirer des correctifs qui s'imposent. En fait, c'est le changement positif espéré à quelques encablures de la prochaine élection présidentielle. «Il est dommage que le citoyen algérien modeste et de surcroît honnête soit touché ainsi», lâche un gestionnaire, indiquant que le premier changement qui devrait suivre l'élection présidentielle serait lié à «l'amélioration du cadre de vie du citoyen. Vivre dignement est le propre de l'Algérien.»