Ils sont cinq contre Un. Le Un en question est en effet un candidat avec la majuscule d'un président de la République briguant sa propre succession. Ils sont effectivement cinq : une femme politique exceptionnelle, cas politique unique dans le monde arabe, un islamiste bon teint, un nationaliste novembriste et un islamo-nationaliste, tous deux issus de la matrice FLN et, enfin, un néo-novembriste. Au total, six candidats représentant schématiquement le souverainisme démocratique du Parti des travailleurs, le nationalisme en différentes déclinaisons algériennes et l'islamisme légaliste et participationniste représenté par une partie de l'aile autochtone des Frères musulmans. Des profils, des parcours, des programmes ou de simples feuilles de route. Des portraits et des slogans. Des affiches révélant l'absence de culture de l'image et des candidats regardant rarement l'Algérie au fond des yeux. Des campagnes boudant les techniques de base du marketing politique. Des meetings à profusion et des candidats surbookés. Des promesses à l'encan, des professions de foi de premiers communiants et des énoncés de principe. Des perles électorales pour bêtisier de campagne. Des campagnes en solo. Une campagne (très) dominante, appuyée par des campagnes parallèles. Campagnes plus audibles. Certainement surmédiatisées, provoquant un «effet Larsen», parasitant les campagnes des autres, plus discrètes mais pas seulement pour cette raison. Des campagnes favorisées et des campagnes défavorisées. Des moyens visiblement disproportionnés. Les uns faisant les campagnes qu'ils veulent, les autres celles qu'ils peuvent. C'est alors une entreprise de boycott se frayant difficilement son chemin de campagne. Par ailleurs, une provocation politique confondant emblème de la dignité nationale et chiffon noir de l'incivisme et de l'irresponsabilité politique. Dérapage contrôlé amalgamant appel légitime à l'abstention et outrage délibéré aux couleurs visibles du «Nous» algérien. D'autre part, un ancien seigneur de guerre terroriste qui justifie le crime abominable dès lors qu'il s'agit d'un adversaire politique. Campagnes plurielles et campagnes de mélange des genres. Un chef de parti abstentionniste, membre de la Commission nationale de surveillance des élections qui appelle au boycott. Un président de la même commission s'exprimant en fervent soutien du candidat le mieux placé. Des animateurs de la campagne du candidat-président qui «prédisent» des chiffres de participation record tout en menant campagne contre l'abstention. Campagne sans commission de contrôle des dépenses des candidats. Campagne aux budgets confidentiels et dont les comptes ne seraient pas publiés. Morne campagne et absence de confrontation directe des idées. Grand absent, le débat. Ultra présent, le spectre de l'abstention. Virtuel septième candidat, il est l'adversaire le plus redouté du candidat sortant. D'où une intense campagne dans la campagne menée par l'Alliance présidentielle. Contre les partisans du boycott électoral, ses trois ténors et les présidents des deux chambres parlementaires faisaient chorus. Campagne parfois agressive, souvent patriotarde. Son maître mot, l'anathème. Mais, très bonne nouvelle, la morosité a eu tout de même son beau et réconfortant revers : il n'y a pas eu de dérives langagières significatives et la campagne s'est déroulée sans incident majeur. Surtout, les amants de l'Apocalypse n'ont pas pu ouvrir le registre de l'horreur macabre. Dieu a été miséricordieux, les citoyens assez civiques et le système de vigilance sécuritaire a fait le reste. Enfin, derrière le décor électoral, se posent déjà deux questions. Un : avec quel score et quel taux de participation, le candidat majeur sera «bien élu» ? Deux : que ferait-il du troisième mandat alors qu'il sera muni de leviers politiques et économiques qu'un Boumediene, en son temps, lui aurait enviés ? Réponse vendredi 10 avril et dans cinq ans, au plus tard, inchallah. N. K.