Le Sommet Asie-Pacifique n'aura pas lieu. Pris d'assaut hier par des hordes de manifestants dans le chaos total, le sommet asiatique de Pattaya, en Thaïlande, a été reporté sine die et l'état d'urgence décrété. Les dirigeants des seize pays d'Asie-Pacifique qui participaient aux réunions ont été évacués dans la précipitation par hélicoptère. La Thaïlande a fait étalage, encore une fois, de sa fragilité politique. Le Premier ministre Abhisit Vejjajiva, dont les manifestants réclament la démission, a aussitôt annoncé à la télévision que l'état d'urgence était décrété à Pattaya. Ce qui donne beau jeu aux forces de l'ordre. Les rassemblements de plus de cinq personnes sont désormais interdits. La situation est extrêmement grave. Aucune nouvelle date n'a été avancée pour la tenue du sommet entre les pays d'Asie du Sud-Est et leurs principaux partenaires. Le sommet en question avait déjà été reporté en décembre en raison de l'interminable crise politique thaïlandaise. Débordant les forces de l'ordre, des centaines de «chemises rouges» (surnom des partisans de l'ex-Premier ministre en exil Thaksin Shinawatra) ont fait irruption à l'intérieur du complexe hôtelier de luxe surplombant le golfe de Thaïlande où le sommet avait débuté vendredi. Scandant des slogans hostiles à Abhisit, les manifestants ont envahi plusieurs bâtiments de l'hôtel. Avant d'entrer en force dans le complexe, les «chemises rouges» avaient déjà bloqué les rues de Pattaya à l'aide de centaines de taxis. Ce blocus avait forcé l'annulation d'une rencontre entre les chefs de la diplomatie chinois, japonais et sud-coréen, ainsi que le report de sommets entre les dirigeants des dix pays de l'Association des nations d'Asie du sud-est (Asean) et la Chine, la Corée du Sud et le Japon. La situation a encore été compliquée par l'arrivée sur les lieux de «chemises bleues», des militants progouvernementaux armés de bâtons et de bouteilles. Des échauffourées ont éclaté entre les deux camps. Depuis le 26 mars, le mouvement des «chemises rouges» campe autour du siège du gouvernement à Bangkok. Mercredi, il avait accentué la pression sur Abhisit en rassemblant plus de 100 000 personnes dans les rues de la capitale. L'ombre de Thaksin Shinawatra, l'ancien homme fort de Thaïlande, rôde toujours. L'ex-premier ministre renversé par des généraux royalistes en 2006, s'est enfui à l'étranger pour échapper à une condamnation pour corruption dans son pays. L'homme reste toutefois populaire, en particulier dans les régions rurales du nord. Abhisit Vejjajiva, 44 ans, est devenu Premier ministre le 15 décembre à la faveur d'un renversement d'alliance parlementaire. Les «chemises rouges» l'accusent d'être une «marionnette» de l'armée et de certains conseillers du roi. R. I.