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Les oubliés du G172 de la crise mondiale
réunion du G20
Publié dans La Tribune le 20 - 04 - 2009

La réunion du G20 du 2 avril à Londres, suite à celle du 15 novembre 2008, a été une avancée même si l'on est loin d'un nouveau Bretton Woods annonçant la fin du modèle financier et la naissance d'un nouvel ordre mondial. Le contexte actuel n'est pas celui de la Conférence de Bretton Woods qui s'était achevée en juillet 1944 alors que la Seconde Guerre mondiale n'était pas terminée. Les grandes puissances contrôlaient alors l'architecture internationale. Les enjeux étaient monétaires et de reconstruction et les réunions avaient duré plus de 20 jours entre peu d'acteurs, avec débat entre le plan britannique Keynes et le plan américain White. La réunion de Londres a duré, quant à elle, 6 heures. Elle a concerné 20 Etats représentant 87% du PIB mondial, 2/3 de la population de la planète mais 10% seulement des Etats, même si l'Afrique était représentée à Londres, outre l'Afrique du Sud, par l'Union africaine, le Nouveau Partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD) et la Banque des Etats de l'Afrique centrale (BEAC).
Les réunions du G20 sont éloignées d'un nouveau Bretton Woods
Le débat de Londres a porté initialement sur la relance (position américaine) et la régulation du système financier et le contrôle des trous noirs de la finance (position franco-allemande). Trois principales avancées peuvent ainsi être notées : 1/ La transparence et la moralisation du système financier résultent de la liste des paradis fiscaux de la part de l'OCDE et les sanctions envisagées à leur égard, de la supervision et de l'immatriculation des hedge funds (dont 62% sont localisés dans les paradis fiscaux), des règles prudentielles, de l'indépendance des instituts de notation ou des encadrements des pratiques des traders. «Le secret bancaire doit prendre fin» ; 2/ La plus grande stabilisation financière est assurée par le renforcement du FMI dont les réserves sont triplées et portées à 750 milliards $ (émission de droits de tirages spéciaux, ventes d'or…) et de la Banque mondiale, et par la transformation du Forum de stabilité en Conseil de stabilité financière intégrant les pays émergents ; 3/ Une relance globale de 5 000 milliards $ est prévue d'ici fin 2010 avec possibilité pour les pays d'accroître leur plan si nécessaire. 250 milliards $ sont ainsi prévus pour financer le commerce international. Une nouvelle réunion du G20 devrait se tenir en septembre à New York. Ces avancées et compromis ne sont pas négligeables.
Les réformes préconisées ont porté sur les facteurs immédiats de la crise, notamment la défaillance du système financier. Cette réunion a permis des jeux coopératifs mais n'a pu évidemment régler en profondeur la crise du capitalisme mondial. L'article 5 a mis l'accent sur la nécessité de fonds propres pour les banques mais n'a pas été au-delà, alors que la question de la nationalisation des banques se pose. L'article 16 a abordé la question de la régulation financière mais n'est pas allée au-delà des principes sur la titrisation. Les causes profondes de la crise, quant à elles, telles les dérives d'un capitalisme débridé sans règles ni morale, l'impasse d'une économie énergivore, vivant à crédit, la montée des inégalités internationales, l'instabilité des monnaies, ont juste été effleurées. Le G20 ne pouvait régler l'absence de gouvernance financière mondiale, la réforme du système monétaire international conduisant à une monnaie de réserve (proposition demandée par la Chine et la Russie) et d'accords sur les taux de change, ou les sanctions vis-à-vis de tous les paradis fiscaux, trous noirs de la finance (estimés à 10 000 milliards $). Au final, la disjonction demeure entre les régulations demeurant du ressort des grandes puissances et la mondialisation du capitalisme.
La dimension environnementale et sociale de la crise n'a pas été abordée sauf dans un article de principe (article 20).
Les changements des règles de décision au sein des institutions de Bretton Woods (quote-part au FMI, capital à la Banque mondiale, changement du conseil d'administration) sont en attente. On peut seulement parler d'un infléchissement vers le multilatéralisme et les jeux coopératifs. Le FMI sort renforcé du fait de l'augmentation de son financement et de ses réserves et l'abondance des prêts, mais rien n'apparaît, pour que les mêmes règles soient appliquées à tous, qu'il dispose, à côté de fonds monétaires régionaux, d'un pouvoir lui permettant de cogérer les crises bancaires et financières systémiques en liaison avec les banques centrales et les gouvernements. La question demeure de savoir si les conditionnalités posées par le FMI vis-à-vis des pays pauvres resteront
d'inspiration orthodoxe.
Les pays pauvres oubliés de la crise mondiale
Certaines mesures dégagent, à l'inverse, de nombreuses craintes vis-à-vis des pays pauvres. Ils devraient bénéficier du triplement des fonds du FMI et de son rôle de régulateur. L'article 9 de la réunion du G20 de Londres énonçait l'objectif des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) et d'un % de 0,7% du PIB consacrée à l'Aide publique au développement (APD) permettant de renégocier la dette des pays pauvres. Or, ceci a beau jeu, et il est nécessaire de rappeler que les 20 milliards de $ manquant aux engagements de Gleneagles sont à mettre au regard des 5 000 milliards de $ des plans de relance, ou que les programmes du FMI vis-à-vis des pays européens n'ont pas été accompagnés des mêmes conditionnalités que pour les pays pauvres. Il faut rappeler aussi que la crise mjondiale infléchit les trajectoires des pays en développement et accroît la vulnérabilité des populations par le biais de trois principaux canaux de transmission : (1) Le canal commercial et productif. La baisse des prix et de la demande des produits exportés (sauf or et cacao) se répercute sur les capacités d'investissement et les recettes budgétaires.
(2) Le canal financier. Les transferts des migrants (les premiers touchés dans les pays industriels et émergents), la chute de l'APD sous sa forme dons, la baisse des investissement directs à l'étranger (IDE), la diminution des lignes de crédit des banques vis-à-vis de leurs filiales limitent les capacités de financement et d'accès au crédit pour le service de la dette. (3) L'instabilité et la baisse des prix surtout pour les produits pétroliers et miniers. La volatilité des recettes primaires se répercute par une volatilité des capacités d'importation et des recettes budgétaires.
Les pays en développement devraient voir leur croissance en 2009 se situer à 3-3,5% contre 5,7% en 2007. Bien entendu, ces facteurs extérieurs ne jouent qu'en relation avec les dynamiques internes (fragilité des Etats, régulation de tensions sociales, sécurité). Les pays les moins avancés (PMA) ont besoin d'une affectation des capitaux à des fins contra-cycliques, d'une stabilisation de l'environnement des marchés internationaux, de la poursuite du cycle de l'OMC à Doha prenant en considération les handicaps structurels des pays pauvres, d'une voix au chapitre dans une nouvelle architecture internationale, de la régulation d'un monde sans loi par contrôle des circuits d'économie criminelle et levée du secret bancaire face aux fuites de capitaux, d'un rôle accru d'une gouvernance régionale (au niveau commercial, monétaire et financier). La question des biens publics mondiaux avec recours à de nouveaux financements, notamment par la taxation Tobin sur les mouvements de capitaux, à commencer par ceux venant des paradis fiscaux, ou sur les émissions de gaz à effet de serre, se pose avec acuité. Elle a été largement absente de la réunion de Londres.
Trois piliers seraient nécessaires pour fonder un nouveau Bretton Woods en phase avec la mondialisation du capitalisme : l'avancée de l'OMC pour réguler le commerce, une gouvernance monétaire et financière et une organisation mondiale du développement soutenable, permettant la mise en place d'un modèle prenant en compte l'efficience économique, l'équité sociale et la soutenabilité écologique.
P. H.
* Directeur de recherche à l'IRIS


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