A première vue, le sommet du G20, organisé jeudi dans la capitale britannique, était une réussite. Les chefs d'Etat des grands pays développés et émergents avaient bel et bien du pain sur la planche. Mais ils sont parvenus, de l'avis de plusieurs experts et observateurs, à détecter le mal qui ronge l'économie mondiale et ont pu asseoir les jalons d'un « nouvel ordre économique mondial ». Reste à mettre en application les nouvelles décisions prises afin de redémarrer le moteur économique, grippé des suites d'une sévère crise financière dite des « subprimes ». Jeudi, le G20 n'avait pas plusieurs cordes à son arc. Il a décidé de s'appuyer sur des nouvelles ressources accordées au Fonds monétaire international (FMI) pour lutter contre la crise. En effet, les dirigeants des grands pays développés et émergeants, réunis en catastrophe à Londres, ont décidé de tripler les ressources de l'institution de Bretton-Woods à 750 milliards de dollars, d'autoriser le Fonds à émettre des droits de tirage spéciaux (DTS) pour 250 milliards de dollars et à vendre de l'or. Il fallait frapper fort. Le FMI de Dominique Strauss-Kahn a été alimenté à hauteur de 1100 milliards de dollars, « le plus grand plan de relance coordonné jamais décidé », commente le patron du FMI. Cette cagnotte, une sorte de carte blanche donnée au FMI, permettra ainsi à cette institution de démarrer sur les chapeaux de roues. Le G20 a indiqué que 250 milliards de dollars seront consacrés à aider le financement du commerce pour relancer les échanges mondiaux. C'est une bouffée d'oxygène aussi pour les banques multilatérales de développement, à l'instar de la Banque asiatique de développement et la Banque africaine de développement, qui recevront 100 milliards de dollars de financement supplémentaires. L'ensemble des mesures prises par le G20 devrait permettre d'injecter 5000 milliards de dollars dans l'économie mondiale d'ici la fin 2010, selon le Premier ministre britannique, Gordon Brown, hôte du sommet. Historique ! Le G20 semble ainsi donner naissance à un nouveau Bretton-Woods. Mais voilà que cette mesure semble être d'ores et déjà victime d'une sorte d'indiscipline de la part des Russes. Le ministre russe des Finances, Alexeï Koudrine, a déclaré hier que son pays ne participe pas au paquet de mesures anti-crise accordé au FMI, à l'occasion du sommet du G20, estimant que la Russie fait déjà beaucoup au sein de la CEI (11 républiques de l'ex-URSS). « La Russie ne participe pas à ce paquet de 1100 milliards de dollars, nous n'avons pris aucun engagement », a déclaré le ministre russe, cité par les agences de son pays. Le G20 a déclaré une guerre sans merci contre les places financières dites de « paradis fiscaux », accusées d'avoir contribué, par manque de transparence bancaire et fiscale, à la crise mondiale actuelle. Guerre déclarée contre les paradis fiscaux Le duo franco-allemand qui réclamait à cor et à cri la publication de la liste des paradis fiscaux, défendue par Pékin, a eu finalement gain de cause. L'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) a publié jeudi soir une liste noire des pays appelés « fiscalement non coopératifs ». La liste de l'OCDE comprend quatre pays n'ayant pris aucun engagement de se plier aux standards internationaux sur le plan fiscal. Il s'agit du Costa Rica, de la Malaisie, les Philippines et de l'Uruguay. Cependant, les places financières habituellement les plus visées en matière d'évasion fiscale figurent, elles, sur une deuxième liste regroupant les pays ayant pris des engagements mais ne les ayant pas « substantiellement » mis en œuvre. Cette liste « grise » de 38 pays comprend notamment Monaco, le Liechtenstein, la Suisse et le Luxembourg. Cette publication a provoqué aussitôt les foudres de certains responsables des Etats cités dans la liste de l'OCDE. Le Luxembourg, la Belgique, la Suisse et l'Uruguay sont montés au créneau, critiquant notamment « les critères » qui ont servi à établir les listes noires des paradis fiscaux. Quatre critères sont d'ordinaire retenus par l'OCDE pour définir un paradis fiscal : des impôts insignifiants ou inexistants, l'absence de transparence sur le régime fiscal, l'absence d'échanges de renseignements fiscaux avec d'autres Etats et le fait d'attirer des sociétés écrans ayant une activité fictive. Le temps du secret bancaire semble être ainsi révolu, en attendant de possibles sanctions parmi lesquelles des pénalités financières pour les banques qui y auraient recours. Le G20 entend illico presto enfoncer le clou et ses ministres des Finances sont décidés à « travailler sur les sanctions (...) pour ceux des centres non coopératifs qui ne se mettent pas aux normes », a annoncé hier Mme Christine Lagarde, ministre française des Finances. Pour les dirigeants et banquiers, l'ère où l'on brûle la chandelle par les deux bouts semble également révolue. Les pays du G20 ont décidé de mettre en œuvre de « nouvelles règles » sur les salaires et les bonus des dirigeants au niveau mondial et obliger les entreprises à faire preuve de « responsabilité sociale ». Faut-il reconnaître que les scandales financiers sont provoqués, en partie, par les « parachutes dorés » et bonus servis même aux dirigeants et traders d'entreprises défaillantes et aidées par leur Etat. La concrétisation des décisions prises par le G20 s'annonce telle une nouvelle bataille à gagner. Le FMI qui devient ainsi une vache à lait ne doit aucunement être sur la mauvaise pente.