Photo : Archives Par Abdelghani Aïchoun En dehors du fait que la saison estivale est attendue par bon nombre d'Algériens afin de se reposer après une année de labeur, l'arrivée de l'été est perçue par une certaine frange de la société comme une période propice pour se faire un peu d'argent. Bien évidemment, la chose est beaucoup plus valable pour les villes côtières où il y a une offre de postes d'emploi substantiellement plus élevée par rapport au reste de l'année, notamment en ce qui est des complexes touristiques, des plages et autres lieux de loisirs qui attirent les foules en cette période. A ces emplois «officiels», peut-on dire, se mêlent les petits boulots que se débrouillent les jeunes sans aucune autorisation et qui échappent à tout contrôle étatique : de la surveillance des véhicules (parking) jusqu'à la location de parasols et autres accessoires quelquefois nécessaires sur une plage, comme les chaises longues. Les uns font ce qu'ils peuvent pour amasser un peu d'argent durant l'été. Bien sûr, c'est valable tant que les services concernés n'interviennent pas parce que, souvent, il y a des descentes de policiers ou de gendarmes pour mettre un terme à cette anarchie, mais ce n'est pas toujours le cas. Appel aux «renforts» pour satisfaire la clientèle Dans l'Ouest algérois, au port El Djamila, ex–la Madrague plus précisément, la majorité des vendeurs de glaces, propriétaires de restaurant, de bar ou de salon de thé se sont renforcés en effectif pour faire face à l'affluence record des citoyens vers ce lieu durant l'été. Il est vrai que la saison estivale a commencé, cette année, un peu tardivement, en raison des conditions météorologiques d'il y a quelques semaines, mais maintenant la petite plage du port qui, il faut le rappeler, est rétrécie en raison de l'extension du port, n'arrive plus à contenir tous les estivants qui viennent durant les après-midi. Et c'est pour faire face à cette affluence que les uns et les autres ont recruté des employés supplémentaires. «J'ai commencé ici il y a quelques jours. Je travaillerai jusqu'à la fin du mois de septembre. Même si je ne suis pas bien payé, par rapport à la charge du travail, de 10h du matin jusqu'aux environs de 22 ou 23 heures contre 18 000 dinars, ça me permet de tenir le coup. Après, je verrai», nous a déclaré Nadir, un jeune trentenaire qui travaille dans un des restaurants du port.questionné sur la possibilité d'être déclaré à la Sécurité sociale, celui-ci a esquissé un sourire «moqueur». «A part les grands hôtels ou quelques rares restaurants, quel est le serveur qui est déclaré ? Surtout quand il s'agit d'un emploi de quelques mois», a-t-il ajouté. Les propriétaires, quant à eux, préfèrent taire la chose et éviter le débat autour de la question. Mais certains d'entre eux avouent quand même qu'ils ne peuvent s'acquitter de toutes ces modalités administratives pour un emploi d'été. Même les magasins d'alimentation générale se trouvant sur l'artère menant vers le port ont renforcé leur effectif. Quand ce n'est pas un frère ou un cousin qui vient en «aide», on recrute carrément un gars du quartier pour faire marcher les machines et frigos de glaces. Un commerce apparemment très lucratif. Certains d'entre eux ont presque bloqué les trottoirs en y disposant plusieurs machines. «C'est une industrie», commenta un passant. Sur le port, les quelques vendeurs de glaces qui avaient l'habitude de mettre des tables sur l'esplanade pour leurs clients ont été instruits par les services de la wilaya de s'en tenir à leur périmètre. Donc, depuis quelques jours, ils ont tous retiré les tables. Il n'y a que les restaurants qui peuvent servir leurs clients en plein air. Location de parasols… à la sauvette Jeudi dernier, la petite plage du port –il n'en reste qu'une trentaine ou quarantaine de mètres– était pleine. Vers 14 ou 15 heures, il n'y avait plus de place. Aucun écriteau n'indique les «loueurs» de parasols. Pourtant, en regardant un peu partout sur la plage, on peut facilement remarquer qu'il y a plusieurs personnes qui ont le même genre de parasols (la même marque avec les mêmes motifs). Donc, il est clair qu'il y a quelqu'un qui offre ce service. Effectivement, en faisant un tour sur la plage, on rencontre, éparpillés, des groupes de jeunes en possession de quelques parasols. Le prix est à 150 dinars. Normalement, une autorisation est nécessaire pour s'adonner à ce commerce. Mais, dans la majorité des cas, ces jeunes travaillent sans aucun document. Ils plantent leurs parasols sur la plage à la disposition des estivants. Une manière comme une autre d'«arracher» leur part du gâteau. Bien évidemment, les «loueurs» anarchiques ne sont pas à l'abri d'une descente des services de sécurité ou de ceux de la commune. En dehors de cela, l'accès à cette plage est libre et gratuit, contrairement à certaines dans d'autres communes où de simples jeunes ont accaparé les lieux et, à l'aide de balises, font payer l'accès aux estivants. Maître-nageur, agent «occasionnel» de la Protection civile L'autre activité qui attire les jeunes en cette période, tout à fait légale celle-là, est le sauvetage des nageurs et la surveillance des plages. La plus grande partie des «maîtres-nageurs» sont recrutés sur le tas, après un concours organisé au mois de mai. Des centaines de jeunes y postulent dans chaque commune côtière. Le test consiste à faire nager les candidats sur une distance bien déterminée pour examiner leur endurance, et leur demander de faire remonter un «mannequin» assez lourd mis sous l'eau jusqu'à la surface. Celui qui rate l'une de ces deux épreuves n'ouvre pas le droit à un emploi. Les admis entameront leur travail au mois de juin. Habillés en tee-shirt et short rouges avec le logo de la Protection civile dans le dos, ils scrutent le large dans le but de repérer un nageur en difficulté. Une mission assez difficile. D'ailleurs, certains d'entre eux abandonnent au bout de quelques semaines. Même si passer son été sur une plage paraît, à première vue, agréable, au fil du temps, surveiller le large tout au long de la journée et courir pour sauver des vies humaines en danger s'avèrent assez fatigant. L'un d'entre eux nous signale que le salaire n'est pas fameux, d'autant plus que la mission n'est pas du tout aisée. «On passe presque toute la journée sur la plage, pour, à la fin du mois, touchez 14 000 dinars», ajoute-t-il. Seulement, étant donné que le salaire était déjà fixé à l'avance, il estime, toutefois, qu'il n'y a aucune surprise pour les uns et les autres. Le plus important pour la majorité de ces jeunes est de se procurer un emploi en été. La saison estivale terminée, ils retournent à leurs occupations habituelles, certains pour étudier, d'autres à la recherche d'un boulot «annuel», et une frange pour s'adosser aux murs…