Ces derniers jours, on ne cesse de parler d'une baisse de la valeur de la monnaie nationale. Ce qui est vérifiable à travers les cours de principales monnaies sur le marché interbancaire des changes d'Alger. Selon les taux délivrés par la Banque d'Algérie, le dinar a perdu quelques points par rapport à la monnaie européenne et au dollar américain. Ainsi, au fixing du 1er mai sur le marché interbancaire, 1e dollar est vendu à 72,8862 DA et 1 euro à 96,6544 DA. Ces taux sont revus à la hausse quant il s'agit de la bourse informelle. Au marché parallèle du square Port-Saïd, il fallait plus de 120 DA pour un euro, pour dire que la monnaie nationale est fortement repartie à la baisse, ces dernières semaines, alors qu'un euro coûtait en octobre dernier 87 DA. Si cette tendance est expliquée par la crise, à en croire les cambistes de la bourse informelle, qui disent ne rien comprendre, les spécialistes ne cachent pas que plusieurs facteurs entrent en jeu ajoutés, bien évidemment, à cette crise économique. On se souvient, du débat enclenché récemment suite à la demande du FMI de réévaluer la monnaie nationale. Il y quelques mois, pour rappel, la Banque d'Algérie avait répondu dans un communiqué que, selon l'institution multilatérale, «le taux de change effectif réel demeure proche de son niveau d'équilibre». La BA avait reconnu, signalons-le, que, pour le cas des pays exportateurs de pétrole, des difficultés d'estimation surgissent. Or, comme on le sait, l'Algérie est un pays exportateur de pétrole, donc, ses recettes dépendent exclusivement du marché international. Les prix du pétrole, qui ont entamé une descente inattendue ces derniers mois, sont toujours dans une moyenne oscillant entre 40 et 50 dollars, et ce, malgré les différentes baisses de l'OPEP. Cela explique que le marché pétrolier a été affecté frontalement par les effets de la crise. Et pour comprendre l'effet de la chute des prix du pétrole, il suffit peut-être de jeter un coup d'œil sur les dernières statistiques concernant la balance commerciale. Ainsi, les recettes de l'Algérie ont baissé de 42% et l'excédent de la balance commerciale ne s'élève qu'à 1 milliard de dollars au premier semestre 2009. Cette situation fait dire à certains observateurs qu'il y aura probablement un déficit de la balance des paiements cette année.Néanmoins, Karim Djoudi, de Washington, n'a pas caché son optimisme quant à une reprise de l'économie mondiale. Se basant sur des projections faites par le FMI et de la BM sur une décroissance mondiale en 2009 et une amorce de la reprise économique à partir du 1er trimestre 2010 (+1%), grâce aux plans de relance lancés notamment par les pays industrialisés ainsi que par la Chine, Djoudi pense qu'il devrait y avoir un début de normalisation de la situation économique et financière à travers le monde au cours de l'année prochaine. Cela devrait, à en croire ses dires, se traduire par une reprise de la demande pétrolière qui devrait aboutir, à moyen terme, à un redressement des cours mondiaux de pétrole et donc des revenus pétroliers de l'Algérie. L'autre point qui attire l'attention en évoquant la valeur de la monnaie nationale est l'inflation qui vient d'enregistrer, le premier semestre de l'année, «un pic». En fait, si l'inflation est déjà à un niveau inquiétant, il n'en demeure pas moins qu'un dinar faible pourrait l'accentuer, affirme-t-on, sachant que les importations du pays ont augmenté pour atteindre le seuil de 38 milliards de dollars et l'inflation importée n'est pas écartée des jeux. Elle risque, selon un expert, «de remettre en cause les équilibres macroéconomiques qui ont nécessité d'importants sacrifices depuis 1994 date du rééchelonnement». Le débat enclenché… L'autre fait, signalent les observateurs, est la corrélation existant entre le taux de change et la productivité. Les spécialistes s'accordent à dire, en effet, que les 2 ou 3% que représentent les exportations hors hydrocarbures sont loin d'influer sur la valeur de la monnaie. Quoi qu'il en soit, les thèses divergent depuis des mois sur le taux de change. La BM avait expliqué, il y a quelques mois, que «la stabilisation du taux de change effectif réel et à long terme du dinar a pour but de stimuler les investissements nationaux et étrangers par la réduction des incertitudes en matière de prix et d'encourager les exportations par le confortement de la compétitivité externe». Des experts appuient cette thèse. Néanmoins, le débat demeure vif sur cette question, puisque le taux de change influence, dans l'ensemble, toute l'économie du pays. C'est «un indicateur synthétique de la position concurrentielle d'un pays par rapport à l'ensemble de ses partenaires commerciaux», note la BM.Selon Abderrahmane Mebtoul, expert, outre d'autres facteurs, «le dinar algérien est, corrélativement, fixé en grande partie par le cours du pétrole, lui même lié au dollar, cours du pétrole qui, précisons-le, a remonté depuis le début janvier 2009 de quelques dollars non pas dus à l'initiative de l'OPEP, mais aux tensions géopolitiques (Moyen-Orient, conflit entre l'Ukraine et la Russie)». Cet expert avait aussi, auparavant, soulevé les deux facettes de cette question. Il pense qu'«une réévaluation du dinar, outre la hausse du coût salarial reconverti en devises fortes, aurait immédiatement une conséquence conomique avec des incidences sociales et politiques du fait du fondement du système rentier. Environ 75% des recettes fiscales proviennent des hydrocarbures libellées en dollars au niveau international mais reconverties en dinars au niveau du marché intérieur. Une réévaluation, par exemple, de 30% entraînerait une diminution de la même proportion creusant le déficit public et devant, forcément, entraîner une rationalisation des dépenses publiques alors qu'il existe une dominance des emplois rentes via une distribution passive de la rente pour assurer une paix sociale certes transitoire». Il explique, dans sa contribution, par ailleurs, que «les arguments de dynamisation des exportations et de compétitivité hors hydrocarbures du gouvernement ne tiennent pas la route face à la situation actuelle de l'économie algérienne car, avec un euro pour 100 dinars, il a été impossible de dynamiser les exportations hors hydrocarbures depuis de longues années malgré les assainissements répétés des entreprises publiques et des recapitalisations répétées des banques publiques». S'appuyant sur les arguments du FMI, il précisera qu'il existe, en Algérie, une relative aisance financière mais une stagnation relative de la croissance tirée essentiellement par les dépenses publiques du fait de la faiblesse des entreprenants privés soumises à de nombreux obstacles.Une situation imputable, selon lui, «à la faiblesse des réformes de seconde génération, bien que l'Algérie ait réussi relativement la stabilisation macroéconomique mais qui reste éphémère sans les réformes institutionnelles et microéconomiques». Parmi les avantages d'une réévaluation de la monnaie nationale, il énumère, entre autres, l'adaptation de l'Algérie aux mutations mondiales, et la dynamisation de l'investissement local ou l'attraction des investissements étrangers à valeur ajoutée, ce qui se traduira par des créations d'emplois et de croissance. Il est utile de rappeler qu'au début des années 1990, le dollar était coté à 20 DA. Après l'accord de rééchelonnement de 1994, sur fond d'une crise multidimensionnelle, il a régressé pour coûter 40 DA pour un dollar. Actuellement, outre les taux qui fluctuent d'un mois à l'autre, le débat sur cette question reste toujours d'actualité et particulièrement en cette période de crise. S. B.