Au marché Clauzel, à Alger-centre, la devise se vend au compte-gouttes. Le change s'effectue uniquement pour les petites sommes. « Nous ne vendons pas ces jours-ci, revenez dans trois ou quatre jours », nous dit un cambiste clandestin, les yeux rivés sur l'écran de son micro-ordinateur portatif. Comme explication, il parle de « perturbations » que connaît, ces derniers jours, le circuit parallèle de la devise. Ces perturbations, dues essentiellement à la crise financière internationale qui a entraîné une baisse de la valeur de la monnaie européenne et du billet vert, sont accentuées par les dernières rumeurs et spéculations sur la chute de la Bourse parallèle d'Alger. Le marché informel de la devise est aussi sensible aux fluctuations du marché officiel qu'à la spéculation distillée par les gens de la rue et les médias », a fait remarquer le même cambiste. Les « courtiers » décrètent ainsi une sorte d'embargo sur la vente de la devise pour éviter l'effondrement du marché. « Vous savez, l'euro a perdu 30 points de sa valeur en l'espace de 5 jours. Le dollar réussit à se maintenir, car il est moins demandé. Cette chute de la valeur de la monnaie européenne n'est pas due au principe de l'offre et la demande, car l'euro ainsi que le dollar sont disponibles en abondance sur le marché. Il s'agit plutôt des conséquences d'une bulle spéculative passagère. Les revendeurs attendent donc que cesse cette frénésie spéculative qui tire le taux de change vers le bas », nous livre en grand connaisseur du marché un cambiste à la « place boursière informelle » du square Port Saïd, à Alger. Selon lui, arrêter momentanément la vente des grosses sommes en euro ou en dollar vise à maintenir au moins le taux de change à son stade actuel. L'euro, monnaie vedette au square et à Clauzel, s'inscrit depuis quelques jours une tendance baissière. Un euro se vendait, il y a un mois, sur le marché parallèle à 128 DA algériens. Aujourd'hui, il se vend à 110 DA. A l'achat, un euro vaut 100 DA. Quant au billet vert, le dollar américain, il se porte un peu mieux. 100 dollars se vendent actuellement à 8200 DA et s'achètent à 7200 DA. « Mais la vente est momentanément gelée, sauf pour les petites sommes de 100 et 200 euros, par exemple », nous précise un « courtier » au marché du square Port Saïd. Ces restrictions sur la vente de la devise maintiennent le taux de change à un seuil plus ou moins acceptable aux yeux des revendeurs. « Vous savez, sur la marché officiel, un euro revient à 83 DA à l'achat et à 87 DA à la vente, alors qu'il y a un mois, un euro s'achetait à plus de 90 DA et se vendait à près de 100 DA à la banque », ajoute le même courtier qui semble très au fait des fluctuations du marché officiel de la devise. En effet, un dollar américain s'achète à 60,31 DA et se vend à 64 DA sur le marché bancaire. Un euro vaut actuellement 82,25 DA à l'achat et 87,2 DA à la vente. Il s'agit là des taux les plus bas depuis au moins une année. En gelant la vente de la devise, les « gestionnaires » du marché parallèle veulent se protéger des méfaits de la crise financière et, surtout, de la bulle spéculative qui fait ravage.