«Soldats ! Vous êtes venus dans ces contrées pour les arracher à la barbarie, porter la civilisation dans l'Orient, et soustraire cette belle partie du monde au joug de l'Angleterre. Nous allons combattre. Songez que, du haut de ces monuments, quarante siècles vous contemplent.» C'est ainsi que le général Bonaparte, qui n'était pas encore Napoléon Ier, harangua ses troupes, quelques instants avant la bataille des Pyramides, le 21 juillet 1798. Et c'est là un appel venu de la bouche d'un conquérant, un colonisateur, forcément destructeur, qui, cependant, soulignera à ses soldats la valeur du patrimoine au pied duquel ils allaient livrer bataille, un patrimoine avec lequel ils n'avaient aucune attache culturelle ou civilisationnelle.On est donc en droit d'attendre des premiers concernés par un patrimoine qui constitue leur «identité» qu'ils aient à cœur de le sauvegarder, de le protéger, de le mettre en valeur, et de s'en enorgueillir.L'Algérie possède des vestiges patrimoniaux qui font remonter son histoire jusqu'aux contemporains de Lucy (Australopithecus afarensis, environ 3,2 millions d'années). Artefacts, gravures et peintures rupestres, abris sous roche racontent l'Algérie de l'âge de pierre. Vestiges de tombeaux numides, tumulus antéislamiques, de ports puniques, de villes romaines, de forteresses musulmanes et de palais ottomans déroulent le film du passage de toutes ces civilisations dans les différentes régions de ce vaste pays. Toutes ces richesses ont évidemment besoin d'être prises en charge sur tous les plans (fouilles, restauration, sauvegarde, mise en valeur et exploitation). C'est un vaste chantier qu'une seule institution, le ministère de la Culture en l'occurrence, ne peut seule assumer avec les moyens financiers, humains et matériels mis actuellement à sa disposition. Aussi l'implication de tous les acteurs pouvant contribuer d'une manière ou d'une autre à la préservation du patrimoine matériel et immatériel algérien est-elle plus que nécessaire. A ce titre, faute de pouvoir se charger de la restauration de sites et monuments, qui est du ressort de spécialistes, on peut déjà travailler à leur protection pour les prémunir contre les dégradations et vols, en attendant que des moyens soient dégagés pour les restaurer. Ce travail passe par la sensibilisation des citoyens à l'importance du patrimoine et à sa valeur, tant culturelle qu'économique, pouvant bénéficier à la région et à ses habitants. Or, la sensibilisation est d'abord le fait des agents sociaux, groupes, associations, voire des individus, qui sont en contact direct avec la société et les citoyens. Quant à l'action de l'administration et des institutions dans ce domaine, elle doit se limiter au soutien des actions de ces partenaires sur lesquels elles doivent se reposer, dans un rapport de complémentarité, d'interdépendance et non de dépendance et d'asservissement, pour le plus grand bien du patrimoine. H. G.