Les fellahs et les éleveurs ayant bénéficié de crédits bancaires dans la région de la Mitidja attendent toujours l'effacement de leurs dettes. Alloués sous forme de crédit aux agriculteurs de la région depuis l'année 2000 pour le financement des opérations d'investissement et d'équipement concrétisées dans le cadre du plan national de développement, des dizaines de millions de DA ont été injectés dans les exploitations agricoles de la Mitidja par la Banque de l'agriculture et du développement rural (BADR). Ces projets ont consisté exclusivement en la plantation d'arbres fruitiers, notamment les agrumes, le renforcement de l'irrigation par de nouveaux procédés, l'acquisition de cheptel et la réalisation de bassins de stockage d'eau. Néanmoins, si la situation des agriculteurs de la Mitidja est beaucoup plus reluisante, comparativement à celle des fellahs des régions intérieures du pays, où la récolte agricole n'a guère tenu ses promesses ces dernières années, il n'en demeure pas moins que la plupart des paysans de la plaine la plus fertile d'Algérie ont été incapables de rembourser leurs dettes. Harcelés par les banques qui leur envoyaient régulièrement des mises en demeure les sommant de payer les crédits contractés, ces fellahs ont exulté lorsque le président de la République a annoncé l'effacement des dettes des agriculteurs. Mais, depuis, ils n'ont cessé d'aller et venir d'un service à un autre, et d'une direction à une autre, en cherchant à savoir comment bénéficier de cette opération d'annulation de la dette qui concerne seulement les crédits agricoles dont l'échéance est écoulée et que les bénéficiaires n'ont pu honorer. En guise de réponse à leur insatiable quête, ils sont toujours dirigés vers la BADR, la banque auprès de laquelle ils ont contracté leurs crédits. Or, cette dernière n'a pas encore complété son recensement pour établir une liste nominative des agriculteurs bénéficiaires de cette instruction présidentielle. Certes, des directives ont été adressées par la direction générale à toutes les agences de la banque pour l'arrêt des poursuites judiciaires contre les fellahs et l'arrêt de toutes les opérations de saisie des biens conformément à l'instruction du chef de l'Etat. Force est également de constater que la banque a commencé la préparation de cette opération par le traitement des dossiers et la détermination des dettes de chaque fellah, affirmant que cette opération ne saurait dépasser le mois de juin et ce, même si pour l'heure le nombre exact des fellahs des subdivisions agricoles de la Mitidja dont les dettes seront effacées n'est toujours pas connu. Il faut savoir que, pour bénéficier de l'opération d'effacement des dettes, il est demandé aux agriculteurs ou aux éleveurs concernés de présenter la carte de fellah délivrée par la chambre de wilaya d'agriculture pour l'insérer au dossier, lequel sera examiné par la banque, explique-t-on au niveau de la BADR. Or, il s'est avéré que plusieurs centaines de fellahs ne possèdent qu'un récépissé de dépôt du dossier de la carte de fellah, tandis que beaucoup d'autres n'ont qu'une attestation de fellah et qu'une grande partie ne dispose d'aucun des deux documents. Cet état de fait complique sérieusement les démarches de la BADR qui n'en finit pas d'étudier les requêtes déposées par les agriculteurs afin d'évaluer les dettes de chacun d'eux. Ce problème risque d'exclure des dizaines, voire des centaines d'agriculteurs de cette grâce présidentielle nécessaire à leur survie. A la subdivision agricole de Birtouta, qui regroupe les communes d'Ouled Chebel, Tessala El Merdja et Birtouta, trois communes à vocation agricole, où la superficie agricole dépasse les 4 200 hectares exploités par plus de 2 000 agriculteurs, on reconnaît que la carte fellah pénalisent les fellahs de la région désireux de bénéficier de l'effacement des dettes décidé par le chef de l'Etat. «A l'image de toute la Mitidja, les terres agricoles de la daïra de Birtouta appartiennent essentiellement à des exploitations agricoles collectives (EAC) ou individuelles (EAI). Ce ne sont pas moins de 215 EAC et EAI qui exploitent 60 à 70% de la superficie agricole de notre région. Le reste des terres appartient à des agriculteurs privés dont la plupart ne disposent toujours pas de livrets fonciers car leurs propriétés sont souvent dans des situations d'indivision. Beaucoup de ces agriculteurs ont obtenu cette carte avec un contrat de location ou une procuration des héritiers. Mais, la Chambre nationale d'agriculture ne reconnaît pas à chaque fois la validité de ces documents. C'est ce qui fait qu'aujourd'hui ces fellahs ont du mal à correspondre aux critères exigés par la BADR pour bénéficier de l'effacement des dettes», explique, pour sa part, Abdessalem Mergouass, chef de la subdivision agricole de Birtouta. Soutenus déjà par les multiples aides financières délivrées par le Fonds national du développement agricole (FNDA), subventions qui peuvent représenter jusqu'à 40% du coût d'un forage ou d'un matériel agricole, de nombreux agriculteurs de la région de Birtouta, butant sur des frais supplémentaires, ont été amenés à contracter des crédits. Des crédits, étalés sur une durée de 3 ou 6 ans, qui leur ont mis la corde au cou. Aujourd'hui, si l'effacement de leurs dettes permet aux fellahs de souffler, ces derniers n'hésitent tout de même pas à exprimer leur frustration concernant d'autres difficultés qu'ils rencontrent au quotidien dans leur profession. Restriction sur les engrais, cherté des semences, flambée des prix des aliments du bétail, nombreux sont encore les écueils sur la route de l'agriculture dans la Mitidja. Et lorsque la BADR donnera son verdict pour régler leurs ardoises, les fellahs risquent bel et bien de solliciter de nouvelles aides financières pour faire face aux dépenses de leurs activités. Allons-nous, un jour, sortir de ce cercle infernal ? A. S.