Photo : Sahel Par Smaïl Boughazi Les hommes d'affaires maghrébins, qui se sont réunis la semaine dernière à Alger à l'occasion du premier forum de l'Union maghrébine des entrepreneurs (UME), ont affiché avec détermination leur volonté de mettre sur les rails un bloc économique maghrébin. L'optimisme est là. Il est même permis. Le Maghreb est avant tout un ensemble uni, homogène, sans frontières naturelles, complémentaire mais aussi occupé par des populations issues d'«une seule famille». Les arguments appelant à s'unir n'en finissent pas… Les participants au forum l'ont affirmé certes, mais au-delà de l'optimisme -parfois démesuré- la réalité est venue mettre un terme à certaines illusions. Construire un bloc économique ne doit pas être le fruit ou l'œuvre d'une seule partie. C'est l'affaire de toutes les parties prenantes. Cette vérité a refait surface lors de ce rendez-vous, désormais annuel. Elle s'est même taillé la part du lion, puisque, dans les coulisses, les businessmen l'ont à maintes reprises, sous-entendu. La politique a son mot à dire sur toute la ligne. Preuve en est, à titre d'exemple, les appels incessants pour «la mise en place d'un marché commun». «Une condition sine qua non pour l'émergence de ce bloc», souligne un homme d'affaires tunisien. Néanmoins, ce qui est à relever des derniers développements apparus en marge de la rencontre d'Alger est que deux idées, ou plutôt deux fronts, ont vu le jour. D'une part, des participants qui croient dur comme fer qu'une union maghrébine est possible économiquement, et, d'autre part, des fervents défenseurs du tout politique. Entre les deux parties, des vérités s'imposent. Le représentant du FMI n'a pas mâché ses mots, à ce titre. Il dira que, même s'il ne faut pas négliger les questions politiques, le Maghreb doit constituer un bloc régional. Une «nécessité vitale» dictée par des impératifs géostratégiques et économiques. Le privé maghrébin est aussi du même avis. Le Maghreb à l'heure européenneIl est peut-être utile de rappeler l'exemple donné par un ministre s'agissant de la naissance et de l'évolution de l'Union européenne (UE). De 1949 à 2009, l'UE n'est plus cette communauté qui s'occupe du charbon. Elle est actuellement un bloc régional qui a son mot à dire dans toutes les questions internationales et pèse lourdement, économiquement. Pourtant, l'initiative était d'ordre économique. Cela pour dire que les pays nord-africains ont tout à gagner en constituant une entité régionale solide politiquement et -c'est le plus important– économiquement. En d'autres termes, en mettant de côté certaines considérations politiques, les Maghrébins peuvent initier des projets même d'une portée minime mais qui peuvent donner l'exemple de la coopération. La complémentarité pourrait exister. Les moyens sont déjà là. Bref, impossible n'est pas maghrébin, souligne-t-on, toutefois, la réalité est tout autre. La moyenne des échanges intermaghrébins n'atteint pas, malheureusement, 3% alors que l'ensemble des échanges des pays de l'UMA avec l'Union européenne représente en moyenne 70% de leur commerce extérieur. Les économistes de la Banque mondiale affirment en outre que l'intégration régionale dans le Maghreb pourrait contribuer à une croissance supérieure, estimée à 2% de son produit intérieur brut (PIB) par an et la création de 100 000 emplois. Le Maghreb, c'est aussi un marché de 90 millions de personnes qui pourrait atteindre 107 millions en 2025. Il dispose de ressources humaines qualifiées, de ressources financières, de matières premières abondantes et de potentialités importantes. Malgré toute cette richesse, Hédi Djilani, président de l'UME, considère que «les facteurs en faveur d'un processus d'intégration sont forts et variés». Il ne cache pas, par ailleurs, que «les éléments qui entravent un tel processus sont aussi importants». Selon lui, les facteurs de rapprochement en tant que leviers importants de l'intégration économique maghrébine résident dans le fait que les pays du Maghreb constituent «une véritable unité géographique remarquable avec l'absence de toute frontière naturelle qui peut gêner les échanges». L'autre facteur en faveur de l'intégration économique de la région, pour lui, a trait à «l'histoire commune des peuples des cinq pays qui ont connu un même destin sous l'impulsion de diverses invasions». Dans le même sens, il pense que les nouvelles orientations et les convergences constatées au niveau des politiques économiques de ces pays ne font que renforcer le processus d'intégration. Pour les facteurs qui ralentissent cette intégration, le président de l'UME relève «la faible complémentarité économique entre les pays de la région, les antagonismes politiques, la faiblesse de l'infrastructure ferroviaire et maritime, le manque de financement des échanges régionaux, et la lourdeur des procédures au niveau des administrations maghrébines». En tout état de cause, la tenue de ce forum a été un succès selon les économistes maghrébins ou, du moins, une partie d'eux. «La déclaration d'Alger» en est un exemple même si, de l'avis de certains observateurs, les recommandations restent toujours du noir sur blanc. D'ailleurs, parmi les 37 accords conclus entre les Etats signataires en 1989, 19 sont à caractère commercial et économique mais sans effets considérables sur les différentes économies maghrébines. Pour en revenir à la déclaration d'Alger, celle-ci a été une véritable feuille de route pour certains secteurs phares. Elle englobe une panoplie de mesures qui concernent les secteurs du BTPH, du tourisme et l'artisanat, l'industrie le transport, etc. Les participants, selon cette déclaration, ont appelé à la facilitation des échanges commerciaux, à la modernisation des institutions maghrébines et à la réalisation de projets fédérateurs. Par ailleurs, des experts de l'UME ont identifié des secteurs porteurs comme la construction navale, l'industrie pharmaceutique ou chimique, les transports maritimes, ferroviaires et routiers ou le tourisme dans lesquels des projets communs pourraient être développés. Enfin, il y a lieu de signaler que l'UME, dont le prochain mandat sera assuré par Ibrahim Hafedh Hafez, président du Conseil des employeurs libyens, tiendra son prochain forum à Tunis.