L'émission live Ighzif à Yidh de la Chaîne II ne cesse de revisiter le patrimoine algérien, pour parler dignement et fièrement de ceux qui ont laissé leur empreinte notamment sur le tableau de la culture kabyle. Après le talentueux cinéaste algérien, Abderrahmane Bouguermouh, réalisateur du film la Colline oubliée, c'est au tour du grand poète Ben Mohamed d'être à l'honneur. En effet, l'un des meilleurs ciseleurs de mots en langue kabyle a eu droit, durant toute la soirée de mercredi dernier, à un hommage digne d'un grand poète. Un statut que personne ne peut lui contester d'ailleurs puisqu'il a composé des poèmes pour Idir, Matoub, Takfarinas, Nouara, Djamel Allam, Mdjahed Hamid… Bref, les piliers de la chanson kabyle. 20 heures passées, l'auditorium Aïssa Massoudi est déjà plein à craquer. Ils étaient nombreux, hommes de culture, chanteurs et anonymes à l'ovationner à tout rompre. Commençant par une émouvante prise de parole, Ben, comme on le surnomme dans le monde artistique, a indiqué que la poésie est «sa thérapie, la façon de se soigner quand il se sent mal». Egalement animateur de plusieurs émissions radiophoniques durant les années 1970, Ben Mohamed a fait savoir que le premier poème écrit datait des années 1960, traite «le regard d'un enfant sur un homme en état d'ébriété». Et son inspiration ne s'arrête pas de sitôt, d'autant que Ben a même propulsé Idir et Nouara au sommet de la musique universelle. En effet, il est l'auteur de Vava Inouva et des chansons mythiques de Idir, et l'immortelle chanson Je vous ai pardonné, interprétée magistralement par Matoub et Nouara. L'hommage rendu à ce grand poète, a été ponctué par des prises des paroles, et d'interprétation des chansons écrites par ce dernier. Mais, incontestablement, l'intervention d'Aït Menguellet, présent à cette soirée, en a marqué plus d'un. Son hommage à son «ami» Ben a montré à quel point les deux poètes sont profondément liés. A ce propos, il dira qu'ils se rencontrent régulièrement pour débattre de la poésie et de son mode opératoire. «C'est un hommage très mérité. Je suis venu directement de France pour assister à cette rencontre. Je suis très content d'être là, car après tout c'est un ami», dira Lounis avec sa timidité légendaire. Et de gratifier plus loin le public par une chanson Ayarach nagh, Dzaïr Tamourthengh, (O les jeunes, l'Algérie est notre patrie). Le choix de cette chanson est dicté par le fait que Ben Mohamed, selon Lounis, admire la critique constructive. Hadjira Oubachir ou encore Slimane Chabi, poètes dans l'âme, ont abondé dans ce sens. Pour eux, cet autre monstre de la poésie kabyle est réputé pour sa modestie, sa simplicité, et surtout sa poésie profonde. Ayant côtoyé Mouloud Mammeri, Kateb Yacine, Ben Mohamed a su marquer son époque par des textes poétiques, et surtout sa traduction, avec une fidélité hors pair, des poèmes et des textes des grands hommes de lettres européens et occidentaux. Un exercice, selon les différents intervenants, des plus difficiles. A l'occasion de cette rencontre, Ben Mohammed a gratifié le public d'un bouquet de poèmes en retour au bouquet de fleurs que les organisateurs lui ont offert. Comme revers de la médaille, le grand Idir a brillé par son absence, même par un appel téléphonique direct, du moins enregistré de l'Hexagone. S. B.