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L'éclaireur du cinéma amazigh
LA CHAÎNE II REND HOMMAGE À ABDERRAHMANE BOUGUERMOUH
Publié dans L'Expression le 02 - 05 - 2009

Il reste l'homme d'une fidélité, le maillon essentiel dans une chaîne de transmission, le témoin de la culture et de la langue amazighes.
L'émission live Ighzif a Yidh de la Radio nationale Chaîne II entame une nouvelle vie après une éclipse qui a duré plusieurs mois. Mais voilà que l'émission tant attendue par les auditeurs fait sa réapparition pour reprendre la vie qu'elle ambitionne et apporter sa contribution à la réanimation de la flamme artistique et au renforcement de l'adhésion de tout un chacun à la culture. A cet effet, un vibrant hommage a été rendu durant la soirée de jeudi dernier au célèbre comédien et acteur de cinéma algérien Abderrahmane Bouguermouh, à l'Auditorium du centre culturel Aïssa-Messaoudi de la Radio algérienne, où un public nombreux, composé de personnalités du monde artistique et des nostalgiques, était présent.
Ce pionnier du cinéma d'expression amazighe, ayant côtoyé et adapté à l'écran deux des illustres noms de la littérature algérienne, Malek Haddad et Mouloud Maâmmeri. Aussi, cet évènement a été l'occasion pour introduire une nouvelle tradition dans l'émission qui consiste à honorer une voix de radio qui n'est autre que Mme Bouguermouh, épouse de l'invité d'honneur, qui fut pendant des années la voix d'or de la radio Chaîne II. L'événement a eu lieu en présence de la ministre de la Culture, Mme Khalida Toumi, l'ex-directrice et l'actuel directeur de la Chaîne II, qui ont présenté leur hommage à ce précurseur du cinéma amazigh, tout en profitant pour échanger des cadeaux à l'occasion. Etaient présents également des figures emblématiques de la chanson kabyle, notamment Akli Yahiatène, Nouara,...et le grand poète Ben Mohamed, qui a manifesté une grande sympathie et reconnaissance à ce grand monsieur du Septième art. Pour cette occasion, une panoplie de chanteurs, en l'occurrence Nouara, Brahim Tayeb, Akli Yahiatene, Mohamed Hilmi, Belkacem Hadjadj, Ali Mouzaoui...ont répondu présent en guise de gratitude à ce grand artiste qui a tant donné à la culture algérienne en général et au Septième art amazigh en particulier. «Nous avons voulu, à travers cette cérémonie, rendre hommage à notre frère Abderrahmane Bouguermouh, qui a consacré une très grande partie de sa vie à l'art», a indiqué le directeur de la Radio Chaîne II. Mme Khalida Toumi a mis en exergue le talent de cet artiste qui a brillé au cinéma et qui reste une référence incontournable. «Merci d'exister», a-t-elle dit. «Je suis très touché par cette marque d'amitié et cette reconnaissance», a confié pour sa part l'éclaireur du cinéma amazigh, avec une voix pleine d'émotion ainsi qu'avec son ironie et sa subtilité.
Pour tous les témoins de cette soirée, Abderrahmane Bouguermouh reste l'homme d'une fidélité, le maillon essentiel dans une chaîne de transmission, le témoin de la culture et de la langue amazighes. Né en 1936 à Ouzelaguène en Basse-Kabylie, Abderrahmane Bouguermouh a travaillé pour la télévision française à partir de 1960, avant de regagner l'Algérie en 1962. Tout au long de sa carrière, le cinéaste a connu les pesanteurs idéologiques des autorités de tutelle. En 1964, le comité de censure refuse la sortie d'un moyen métrage, Comme une âme, uniquement parce que cette oeuvre était en berbère. En 1957, Bouguermouh fait la connaissance de l'écrivain Mouloud Mammeri, auteur entre autres du roman La Colline oubliée. Onze ans plus tard, le comité de censure refuse le scénario, sans explication. La raison est pourtant évidente, il s'agit du premier film en kabyle. L'autorisation du tournage ne viendra qu'en 1989 et La Colline oubliée sort dans les salles en 1997 au bout de plusieurs décennies d'attente. Premier assistant lors du tournage de Chronique des années de braise (Palme d'or à Cannes), Abderrahmane Bouguermouh a réalisé plusieurs films: Les Oiseaux de l'été en 1980 ou encore Kahla ou Beïda en 1980. Le temps de voir défiler cette carrière et penser à toutes les oeuvres qu'il aurait pu réaliser si ce n'était la censure qui pesait sur son oeuvre, on citera ce qui lui a fait dire un jour: «Aujourd'hui, je n'ai plus la force non pas pour faire des films mais de réussir le parcours d'obstacles pour en réaliser.» Mais ces derniers temps, la maladie l'a éloigné des projecteurs. Et tous ses projets sont en stand- by, comme ce fut le cas du projet du film sur Taous Amrouche. Malgré sa maladie, Da Abderrahmane ne peut rester inactif. Se mettant à l'écriture, Bouguermouh éditera prochainement un ouvrage intitulé:
1 siècle, ou 100 ans de Kabylie. «Il relate un siècle de Kabylie, qui s'arrête en 1945 et comment on en est arrivé à l'idée du nationalisme, mais aussi la vie de l'Algérien sous le colonialisme...». Durant cette soirée, Bouguermouh gardera jalousement en souvenir ces témoignages et anecdotes de ses amis de parcours et ses proches qui ont été à ses côtés pendant des années de carrière et surtout durant les moments difficiles.
Abderrahmane est une pyramide de l'extérieur mais dont le génie et le secret se trouvent au fond de ses entrailles. De telles initiatives sont à envier et à féliciter. Car l'artiste a besoin de plus de considération sur le plan officiel puisque sa situation dans notre pays est un vrai cauchemar et qu'on ne peut pas se nourrir d'amour et d'eau fraîche.


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