On est parfois confronté, comme ça, à des directivités singulières qui ne se justifient pas ou si peu. Des décisions prises par un chef ou une instance dirigeante sans se donner la peine d'élaborer un argumentaire franc et acceptable pour tous. On est, alors, comme abasourdi et on ne sait au juste qu'en penser. C'est le cas avec la récente résolution de la Fédération algérienne de football contre la présence de joueurs étrangers dans notre championnat de DI. Il ne s'agit pas d'un quelconque durcissement des conditions de recrutement, mais d'une limitation drastique du nombre d'athlètes autorisés pour chaque équipe de la première ligue. Dès la saison prochaine, chaque club n'aura droit qu'à deux sociétaires de nationalité étrangère et ne pourra en aligner qu'un seul au cours d'une même rencontre. Pour l'exercice 2010/2011, les formations locales ne pourront embaucher qu'un seul «pro». Dès à présent, la délivrance des licences aux étrangers est gelée jusqu'à nouvel ordre. «L'enregistrement des joueurs professionnels étrangers est exclusivement réservé aux clubs de la division nationale une. Le nombre de joueurs étrangers autorisé pour la saison 2009/2010 est limité à deux joueurs par club parmi les joueurs sous contrat. Dès la saison 2009/2010, un seul joueur étranger sera autorisé parmi les titulaires des contrats en cours à participer à une rencontre. Dès la publication des présentes dispositions, aucun recrutement nouveau de joueurs étrangers ne sera autorisé.» Le texte de la FAF dicte la nouvelle loi, mais s'interdit d'en expliquer les motivations profondes. Par étranger, il faut entendre africain. Car, les joueurs étrangers évoluant en Algérie viennent exclusivement d'Afrique. De la région du Sahel, pour l'essentiel. Qu'en penser ? A première vue, cette idée est totalement contraire à ce qui se fait partout à travers le monde. En Europe, en Amérique latine, au Moyen-Orient ou ailleurs, beaucoup de grandes équipes comptent dans leurs rangs plus d'étrangers que de locaux. Dans les meilleurs championnats du monde (Italie, Espagne, Angleterre, Allemagne, Argentine), les athlètes étrangers, très présents à tous les échelons de la compétition, ont manifestement élevé le niveau de la discipline à un seuil jamais atteint auparavant. La notoriété de ces stars sert, en dehors du terrain, à faire la promotion de leur terre d'accueil dans leur pays d'origine et bien au-delà. Cette recette, qui marche si bien partout, n'est-elle pas applicable à notre pays ? Apparemment, non. Qu'en pensent les clubs ? Il est indéniable que les footballeurs africains ont apporté ces dernières années une certaine fraîcheur dans notre système footballistique complètement usé par plus d'une décennie d'autarcie. Certains se sont même très bien illustrés pour «émigrer» plus au nord en rapportant beaucoup de ressources à leurs employeurs algériens. Diallo, Diakité, Adéko et Dabo, pour ne citer que ceux-là, évoluent aujourd'hui dans différents pays d'Europe après leurs bonnes performances dans le championnat algérien. D'autres, qui y jouent encore, occupent un rang de première importance dans leurs équipes. Mongolo (MCEE avec 10 buts) Nebié (CRB 6 buts) Benié (MCA 6 buts), ceux-là sont arrivés au Mercato hivernal. Ambane (ESS), Moncharé (USMA), Koulibaly (MCA), Ezeïchel (USMB), Njong (JSMB) et tous les autres ont donné beaucoup de satisfaction à leurs clubs respectifs, et sont aujourd'hui adulés par des milliers de supporters. Les présidents des principaux clubs algériens s'inscrivent, conséquemment en faux par rapport à cette décision «injustifiée» de la FAF. Après l'expectative, Hannachi, Serrar et Allik, entre autres, se sont montrés très réticents à l'application de ces mesures qui écartent de fait les joueurs africains. Il est vrai que cette nouvelle disposition pénalise au plus haut point les clubs engagés dans des compétitions internationales (Ligue des champions d'Afrique, coupe de la CAF, Coupe arabe des clubs champions). Cette restriction en matière de recrutement amoindrit clairement leurs chances face à des concurrents (égyptiens, nigérians, maghrébins..) qui ont plus de liberté pour étoffer leurs effectifs. La FAF aurait peut-être mieux fait d'énoncer d'autres conditions pour le recrutement en insistant sur la qualité. L'âge, le statut d'international, le palmarès et les potentialités athlétiques et techniques sont autant de paramètres qu'on aurait pu exiger aux recrues. Contrairement à certaines approximations qui font le lien entre l'incompréhensible décision fédérale et le volet formation des joueurs locaux, la présence des joueurs africains contribue à la préparation des nationaux qui ont ainsi la chance de mieux s'imprégner du football africain, en perpétuelle mutation. Le réveil de l'équipe nationale doit probablement quelque chose à cette présence africaine sur nos terrains. Et puis, bien au-delà de l'aspect purement sportif, cet enfermement risque -et pas tout à fait à tort- d'être assimilé à de la discrimination pure et simple. Il y a dedans un petit quelque chose qui n'honore pas nécessairement notre pays. En définitive, les nouvelles dispositions de la FAF sur ce sujet très sensible gagneraient à être approfondies à travers un débat élargi à tous les acteurs de la discipline. La tutelle, la fédération, les présidents de club, les entraîneurs et même les joueurs -pourquoi pas ?- auront également leur mot à dire pour trouver la meilleure voie à suivre. K. A.