Le quotidien libanais Al Akhbar a beau titrer : «Dernière chance pour un compromis ou pour le chaos», la crise entre l'opposition et la majorité semble largement dépasser le cadre purement panarabe. L'arrivée à Beyrouth du secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, et d'une délégation menée par le Qatar pour tenter une conciliation est suivie avec circonspection. Les combats ayant éclaté le 7 mai entre partisans de l'opposition et ceux de la majorité soutenue par les Occidentaux ont fait 65 morts et 200 blessés. Une flambée de violence inédite depuis la guerre civile qui a déchiré le pays du Cèdre durant quinze ans. Une semaine plus tard, les combats se sont tus mais le blocage politique est total. Il s'est même exacerbé. L'opposition, menée par le Hezbollah, symbole de résistance anti-israélienne, est sur le qui-vive. La délégation arabe devait rencontrer les chefs de la majorité et de l'opposition, dont le Premier ministre, Fouad Siniora, et le président du Parlement, Nabih Berri. Le Conseil de sécurité de l'ONU pourrait se saisir la semaine prochaine de la question des violences au Liban. La presse libanaise parlait d'un possible scénario de compromis selon lequel le gouvernement accepterait d'annuler officiellement deux décisions prises à l'encontre du Hezbollah, interprétées comme une déclaration de guerre. En échange, le Hezbollah lèverait les barrages comme celui qui bloque la route de l'aéroport de Beyrouth. Le gouvernement pro-occidental avait annoncé le 6 mai son intention d'enquêter sur un réseau parallèle de télécommunications mis en place par le Hezbollah pour contrer Israël, et avait limogé le directeur de la sécurité de l'aéroport, présenté comme un proche de la résistance. Ces deux mesures avaient provoqué une flambée de violence après 18 mois d'une crise politique aiguë qui bloque l'élection du chef de l'Etat. Des hommes armés du Hezbollah et de Amal, l'autre grand mouvement chiite, avaient pris d'assaut les quartiers de l'ouest de Beyrouth défendus par des partisans du gouvernement. Après deux jours de combats, l'armée a dû intervenir et geler, le 10 mai, les mesures gouvernementales ; les hommes armés s'étaient retirés des rues. Mais l'accalmie reste précaire. D'autres combats à Tripoli, dans le nord, et dans la montagne druze, au sud-est de Beyrouth se font sporadiques. Il est désormais clair qu'un éventuel dénouement ne règlerait pas dans le fond le bras de fer qui oppose depuis novembre 2006 la majorité et l'opposition. La crise déclenchée officiellement par la démission de six ministres de l'opposition, dont cinq représentant la communauté chiite (près de 30% des habitants du pays), est plus profonde. Elle est celle de deux projets antagoniques : celui de la résistance à l'hégémonie et celui de la compromission. M. B.