Les rapports entre les clubs de foot professionnel et les équipes nationales restent toujours conflictuels. La loi étant ce qu'elle est, les joueurs sélectionnés pour représenter leur pays natal rencontrent des difficultés diverses à concilier leurs ferveurs patriotiques et les exigences compréhensibles de leurs employeurs. De nombreux internationaux africains, sous contrat en Europe, se retrouvent souvent dans la quasi-impossibilité de satisfaire les deux parties. Certains, suite à des blessures contractées en sélection, ont été abandonnés à leur triste sort. D'autres subissent constamment des pressions à chaque stage de préparation d'une échéance internationale. Cela va jusqu'au bras de fer où le sportif est sommé de choisir entre son club et l'équipe de son pays. Les clubs professionnels évoquent toujours des rencontres décisives qu'ils s'apprêteraient à livrer ou des recommandations médicales pour s'opposer aux allers-retours de leurs poulains. Seules les grandes stars réussissent parfois à imposer leurs volontés à leurs patrons. Les termes des contrats signés, souvent sans réelle connaissance des enjeux, échappent à la perception des joueurs contractants. Recrutés très jeunes, de nombreux footballeurs africains apposent leur signature sur des textes qui se révéleront, a posteriori, handicapants pour leur ambitions internationales. Facilement aveuglés par les sirènes du football européen, de talentueux athlètes à peine sortis de l'adolescence quittent leur terre d'origine pour «faire carrière» dans les meilleurs championnats du monde. Alléchés par les promesses de recruteurs plus ou moins sérieux, ils sont «licenciés» dans des conditions qui ne garantissent pas nécessairement l'intégralité de leurs droits. Même dans le cas où cette clause de répondre aux convocations de l'EN est clairement énoncée, les priorités ne sont pas toutes aussi nettement soulignées, et prêtent à des interprétations compliquées et défavorables. Pour des raisons sociales évidentes, les plus talentueux endossent, parfois, le maillot de leur pays d'accueil. C'est ainsi que l'Afrique se retrouve vidée de ses meilleurs éléments sans en tirer parti. De nombreuses voix sur le continent noir appellent à une prise de conscience de cet épineux problème. Des associations de joueurs professionnels ont vu le jour un peu partout pour stopper justement cette hémorragie. «Aujourd'hui, la carrière des footballeurs africains évolue toujours au petit bonheur la chance. Beaucoup trop de jeunes se retrouvent sans rien en France. Il faut que tous les faux agents, les négriers cessent de piller l'Afrique. La traite des footballeurs doit s'arrêter. L'Afrique doit profiter de ses footballeurs», tranche l'ancien international camerounais, Claude Mbvoumin, qui préside depuis l'année 2000 l'association Culture Foot Solidaire. Bien au-delà du cadre strictement associatif, de grandes organisations ont également vu le jour pour assister et protéger les jeunes footballeurs africains. L'union des footballeurs africains (UFA), qui regroupe les syndicats et les collectifs des footballeurs professionnels et amateurs, intervient dans le même registre pour, est-il écrit dans sa charte, «assurer le respect des droits des footballeurs africains, ou d'origine africaine, ainsi que leurs contrats, indemnités, assurances, droits à l'image. Elle assure la protection des jeunes footballeurs dans un cadre légal, durant toutes les étapes de leur formation». L'UAF que préside l'Algérien Mourad Mazar a même élu domicile à Alger et bénéficie de l'appui des instances internationales du foot. «Nous espérons changer positivement le monde du football sur notre continent», ambitionne Mazar en soulignant à chaque fois que les footballeurs africains sont les parents pauvres du football mondial. Le football a, en effet, considérablement évolué au cours de ces dernières décennies. Il est devenu une industrie à part entière. Il est considéré, désormais, comme un miroir de la société, doté d'un grand pouvoir d'identification et d'émancipation. Le sport, et le football particulièrement, est récupéré par les Etats pour en faire un instrument de promotion de la patrie. Aussi bien en Europe que sur les autres continents, de nombreuses fédérations footballistiques ont, conséquemment, introduit des quotas limitant la présence de joueurs non nationaux dans les clubs afin de favoriser les footballeurs aptes à défendre les couleurs de la patrie. Fort de son emprise euphorisante sur les masses, l'enjeu du football dépasse de nos jours le cadre strictement sportif. Dans beaucoup de pays, le ballon rond est un facteur de stabilité et d'émancipation. Il est donc légitime que l'Afrique entende disposer pleinement de ses énormes potentialités en la matière. K. A.