Synthèse de Rachida Merkouche Les eaux territoriales marocaines ont englouti en avril dernier une trentaine de corps d'immigrants subsahariens noyés par la marine royale. C'est ce qui ressort des témoignages des rescapés rapportés hier par le quotidien espagnol El Pais. Selon ces témoignages, l'équipage d'un navire de la marine marocaine a fait couler le 28 avril dernier une embarcation pneumatique avec à son bord 70 immigrés subsahariens qui tentaient la traversée du Maroc vers l'Espagne, provoquant la noyade d'au moins une trentaine d'entre eux au large d'El Hoceïma (nord-est du Maroc). Le quotidien espagnol rapporte que les militaires marocains ont procédé en crevant l'embarcation à coups de couteau, coulant celle-ci et noyant une trentaine de ses occupants, entre 29 et 33 immigrants, dont 4 enfants, selon les rescapés. Selon El Pais, «les survivants ont été transportés rapidement par les militaires marocains à Oujda, près de la frontière algérienne, dans l'intention de les obliger à rentrer en Algérie, comme ils l'ont déjà fait avec des milliers d'immigrants subsahariens». Un des survivants, Campos O., qui, comme ses compagnons d'infortune, a raconté l'horreur vécue par les occupants du canot, a souligné l'acharnement de l'équipage de la marine royale à les rattraper et à les couler. «Nous voulions nous éloigner le plus vite des eaux marocaines afin d'échapper au navire marocain mais les Marocains ont mis à l'eau une vedette rapide qui nous a rejoints en quelques minutes. Lorsqu'il nous ont rejoints, un des soldats a crevé l'embarcation en nous disant ‘'maintenant continuez jusqu'en Espagne si vous voulez''.» Erik O., un pêcheur nigérian de 31 ans qui pleure sa femme et sa fille de trois ans, noyées toutes les deux, a témoigné lui aussi de cet acharnement. «Nous avons essayé de mettre une rustine et, bien que nous avancions difficilement, je crois que nous serions arrivés en Espagne s'ils n'étaient pas arrivés.» Les occupants de l'embarcation croyaient pouvoir s'en sortir en dépit des premiers dommages, mais, selon ces rescapés, la vedette marocaine les a accostés de nouveau et un soldat a commencé à les menacer avec un couteau attaché à un bâton. «Nous leur demandions qu'ils nous ramènent avec eux vers le Maroc parce que, avec le canot dans cet état, il était presque impossible de continuer. Nous les supplions de le faire pour nos enfants et nos bébés», raconte Campos. «Un capitaine a alors pris le couteau des mains du soldat. Nous pensions qu'il allait récriminer ce soldat mais son idée était autre et il a donné quatre coups en différents endroits du canot», renchérit Erik avant de poursuivre : «L'embarcation a chaviré et tout le monde commençait à crier et à pleurer. Elle a coulé en quelques secondes emportant avec elle une trentaine d'hommes, de femmes et quatre enfants.» Du côté marocain, une source sécuritaire avait évoqué lundi dernier la mort par noyade de «dix migrants subsahariens», alors qu'une ONG marocaine, se basant sur des témoignages, avait fait état de «36 migrants subsahariens morts noyés».