Photo : Riad De notre correspondant à Béjaïa Kamel Amghar Les secteurs des travaux publics, de l'hydraulique et de l'habitat ont connu un développement appréciable au cours de ces dix dernières années. La demande des grands chantiers ouverts à travers l'ensemble du territoire national en matière d'agrégats et de matériaux de construction a conséquemment enregistré une croissance constante au cours de la même période. A défaut d'une production conséquente, certains ateliers se retrouvent temporairement à l'arrêt dans l'attente de leur approvisionnement en la matière. Les prix connaissent aussi une instabilité chronique qui n'est pas sans influence sur la bonne conduite des projets. Dans une wilaya comme Béjaïa, les agrégats viennent parfois à manquer même si les énormes potentialités existant sur place sont théoriquement en mesure de répondre largement aux besoins exprimés. D'énormes potentialités sous-exploitées La région regorge, en effet, de sites qui se prêtent parfaitement à l'exploitation de carrières d'agrégats, la production de sable concassé, de calcaires pour ciment, de calcaire pour chaux et à l'extraction de la pierre de taille. Les études de prospection effectuées par les pouvoirs publics ont mis au jour des matières premières de très bonne qualité et en grandes quantités. On se limitera, ici, à citer les découvertes les plus importantes comme les gisements d'argile de Rmila (Sidi Aïch), de gypse (Boudjellil), de célestine (Beni Mansour), d'argile kaolinisée (Boukhelifa), de grès siliceux (Taourirt Ighil), de polymétaux (Amizour) et de fer (Barbacha). L'estimation préliminaire du potentiel économique de ces ressources est également qualifiée de très satisfaisante par les experts. Etant donnée la nature montagneuse de la région, l'accès au minerai par des galeries à flanc de coteau d'où l'on perce des travers-bancs à angle droit, offre des avantages techniques indéniables. Cette forte inclinaison du relief participe à amoindrir les coûts d'exploitation en comparaison des terrains plats où la technique du fonçage de puits est de loin plus onéreuse. La direction des mines de Béjaïa a délivré ces dernières années une dizaine de nouvelles autorisations d'exploitation qui font l'objet d'oppositions diverses. Il s'agit principalement de la production de matériaux de construction (calcaire, tuf, argile, granodiorite). En matière d'exploration, une vingtaine de titres ont été aussi attribués à des opérateurs locaux. Mais des oppositions diverses retardent le lancement effectif de tous ces projets. Un peu partout, les citoyens s'opposent à ces initiatives en invoquant des considérations environnementales et un impact sous-estimé sur la santé publique et la sécurité des riverains. Concrètement, la wilaya ne compte qu'une dizaine de producteurs d'agrégats (essentiellement, des entreprises publiques) totalisant une production annuelle de qui frôle les 600 000 mètres cubes quatre exploitants de gypse (9 620 mètres cube/an), et quatre autres extracteurs d'argile (210 000 tonnes/an). Une production qui reste, bien entendu, en deçà des besoins sans cesse croissants du marché local. Malgré ces importantes potentialités, plusieurs paramètres contrarient, à chaque fois, le développement du secteur des mines. Cette filière prometteuse et indispensable à l'achèvement des importants programmes d'habitat et d'infrastructures de base n'a, décidément, pas la cote à Béjaïa. Les carrières d'agrégats décriées par les citoyens Méconnaissant, en général, les règles régissant l'exploitation minière, les populations et les assemblées locales n'y voient que les inconvénients et les désagréments. D'importants projets ont été étouffés, par le passé, avant même de voir le jour. C'est ainsi qu'une cimenterie moderne a été, pour rappel, délocalisée, début 2000, de Toudja vers une wilaya des Hauts Plateaux suite aux protestations des riverains. C'est aussi sous la pression des citoyens de la commune de Melbou que la carrière d'agrégats Gravem (la plus importante au niveau de la wilaya en termes de production avec 200 000 tonnes/an) a été fermée en 2003. L'opposition des populations de Tala Hamza s'est soldée, encore une fois, par l'arrêt de l'exploitation du gisement d'argile du lieu-dit Abrouaq. Les services des forêts refusent également de renouveler les titres d'exploitation de trois autres carrières à Boulimat depuis des années. Compte tenu de leur importance économique pour la wilaya (elles représentent plus de 40% de la production totale en agrégats), le wali les a, quand même, maintenues en activité en attendant une nouvelle dérogation de la tutelle. Elles sont, depuis, en sursis. Récemment encore, les villageois d'Alliouène (sur les hauteurs de la commune côtière d'Aokas) ont procédé à la fermeture «musclée» d'une carrière privée à Kefrida, en sabotant carrément ses installations. A Kherrata, les habitants de la cité Mahrira, dans un élan similaire, bloquent régulièrement la route menant vers les deux carrières d'agrégats implantées dans les parages. Là encore, c'est la même litanie des nuisances sonores, poussières, dégradation de la route et du cadre de vie qui est brandie par la foule mécontente. Et pourtant, il faut bien trouver les matériaux pour achever les différents projets tant attendus par ces mêmes populations. Le recours excessif aux lits d'oued (Soummam et Agrioune essentiellement) peut se révéler autrement plus préjudiciable à l'écosystème et, particulièrement, à la nappe phréatique qui alimente de nombreuses localités en eau potable. Développement durable, le mot d'ordre de la DMI Dans son approche du problème, la Direction des mines et de l'industrie (DMI) se veut, à ce titre, très rassurante à l'adresse des administrés et des assemblées locales. Elle rappelle, à chaque fois, la rigueur des cahiers des charges sur les questions de l'environnement et de la sécurité des périmètres environnants, en mettant l'accent sur le développement des techniques qui, aujourd'hui, réduisent les risques au minimum. Dans son plaidoyer, le premier responsable du département de l'industrie et des mines à Béjaïa expose constamment l'importance socio-économique de son secteur, «notamment dans cette phase de relance économique pour rattraper les retards enregistrés dans l'achèvement des programmes de travaux publics et d'habitat, ainsi que le manque à gagner en matière de création emplois», tient-il à préciser, à chaque fois, en soulignant que le secteur, si stratégique soit-il, ne compte à présent que quelque 500 salariés. Un effectif jugé dérisoire par rapport aux potentialités réelles de la filière. Un long travail de sensibilisation qui appelle des actions autrement plus conséquentes en collaboration avec les autorités locales, les opérateurs économiques et les acteurs socioculturels de la région. Il est fondamentalement question de concilier le développement économique et la sauvegarde de l'environnement. Le challenge exige, en effet, l'implication et la consultation de toutes les parties. Et, c'est toutes ces parties qui doivent bénéficier, en priorité, de ce genre de projets.