De notre correspondant à Tizi Ouzou Lakhdar Siad On est scandalisé sinon étonné d'apprendre que la wilaya de Tizi Ouzou ne possède que deux ou trois piscines qui, de plus, si elles ne sont pas bien entretenues ne répondent pas aux normes sportives en vigueur. Plus précisément, on dénombre une seule piscine olympique pour 1 119 646 habitants (RGPH 2008), une proportion trop faible même pour noyer les promesses et les louanges des responsables locaux sur le développement de la Kabylie. La piscine, lieu de pratique d'une discipline sportive très prisée par les enfants et les jeunes et milieu de rencontres et de loisirs, n'est pas une priorité pour la tutelle en charge de la jeunesse dans la wilaya. Une région qui a, pourtant, donné d'illustres noms à l'échelle mondiale dans la natation comme Sofiane Daid, Nabil Kebbab et Aghiles Slimani. Des sportifs de très haut niveau qui ne doivent leurs résultats qu'aux seuls sacrifices de leurs familles et de leur encadrement qui n'ont même pas les moyens rudimentaires qu'exigent leur niveau et leur tableau de chasse. Ces succès olympiques et mondiaux, qui dépassent toutes les espérances, devaient constituer un déclic qui pousserait les autorités à mieux revoir leur politique en la matière, mais, concrètement, il n' y a qu'un seul projet, qui va sûrement traîner pendant des années pour cause de «contraintes», d'une piscine du côté de Laazib Ahmed (Tizi Ouzou), selon la direction du secteur. Alors, on se rafraîchit comme on peut dans les villages enclavés de la wilaya touchée cette année aussi par les coupures du courant électrique. C'est dire que même en déboursant plus encore, l'habitant de cette région grillera toujours sous le soleil de plomb, la canicule et les incendies de forêt et de vergers qui font grimper le thermomètre. Donc, ni plage, ni piscine, ni climatisation. Première conséquence grave de l'absence de piscines dans les zones intérieures de la Kabylie : on meurt dans les mares, les retenues collinaires, les barrages et les étangs. Pour les plus «chanceux» dont les parents ou des proches habitent la côte kabyle, les enfants font gracieusement l'apprentissage de la nage. Sans maîtres nageurs et, souvent, en dehors de la période de la baignade surveillée et, plus dangereux encore, dans les plages interdites à la baignade. A ce sujet, il y a quelques semaines seulement, un jeune de 23 ans, Amirouche K., habitant le village Akaoudj, (Aït Aissa Mimoune), à une vingtaine de kilomètres à l'est de Tizi Ouzou, a trouvé la mort par noyade dans une mare de l'oued Sebaou, tout près d'une sablière. Des centaines d'habitants de la localité ont mis à sac la sablière qui serait à l'origine de la formation de l'étang où est décédé le jeune Amirouche et fermé à la circulation automobile la RN 72 qui traverse leur commune. Cela dit, à la seule piscine olympique (50 mètres) de la ville de Tizi Ouzou, on ne se bouscule pourtant pas. Les tarifs pratiqués (2 000 DA/mois pour deux séances chaque semaine), découragent les postulants à ce sport. «La piscine olympique, mitoyenne de l'hôtel Amraoua, ne satisfait pas la demande, notamment des nageurs professionnels», relève Dyhia Slimani qui connaît bien l'endroit pour avoir pratiqué la natation depuis neuf ans. Anciennement gérée par le club fétiche des Kabyles, la Jeunesse sportive de Kabylie (JSK), la piscine a été fermée au public pendant longtemps avant de rouvrir sous la pression d'une demande accrue de nageurs professionnels et amateurs. Elle serait actuellement mise sous la tutelle de l'OPOW de la direction de la jeunesse et des sports. Selon la jeune nageuse qui aura bientôt son grade d'entraîneur en natation, les conditions en matière d'hygiène dans cette piscine ne sont pas réunies comme le laissent transparaître la qualité de l'eau. «Normalement, avant d'accéder à la piscine, on se rince à l'eau et on met un bonnet pour garder propre l'eau après usage, mais cette règle d'hygiène n'est pas du tout respectée par les nageurs. En plus, l'eau qui doit être changée assez souvent, c'est-à-dire une fois chaque mois au moins, est la même pendant plusieurs mois d'où l'insalubrité des lieux», ajoute-t-elle, reconnaissant, néanmoins, une volonté de bien faire au plan organisationnel. La piscine du stade du 1er Novembre de Tizi Ouzou (18 mètres), restée elle aussi fermée pendant des mois, a renoué avec les nageurs il y a quelques semaines. Même si elle ne répond pas aux besoins d'un public spécialisé, des jeunes y recourent en cette période de canicule. Une autre piscine privée d'un bassin de 25 m (semi-olympique et couverte) est abritée par le parc d'attractions Tamaghra, à la nouvelle ville. Celle-ci ouvrira incessamment une sorte d'école de formation pour enfants et jeunes amateurs de la natation. Alors, les Kabyles sont-ils condamnés à nager dans des étangs au péril de leur vie et malgré les exploits d'une élite qu'ils produisent avec des moyens du bord ?