Lire pendant les vacances est-il encore l'apanage de nos compatriotes ? Que dire alors des choix en l'occurrence ? Nous avons tenté une petite enquête auprès de voyageurs qui s'apprêtaient à prendre un car à destination d'une ville côtière qui ponctuellement, qui pour une longue durée. D'emblée et malgré l'échantillon très réduit pour lequel nous avons opté, nous avons remarqué que tout d'abord, les gens qui lisent sont ceux qui effectuent une longue distance. Dans ce cas d'espèce… Alger, Oran, et à un degré moindre, El Kala. Autre particularité, les lecteurs sont en majorité des… lectrices. La gent féminine semble plus portée sur la lecture et plus particulièrement encore les quinquagénaires. Bien évidemment, le genre de littérature diffère et nous en ferons l'expérience en moins d'un quart d'heure. H. B., 58 ans, conseillère en communication, accompagne ses deux filles qui prévoient de rejoindre leur tante à Chréa (Blida). «Moi je reste à la maison, cela ne veut pas dire que je ne serai pas pour autant en vacances. Je lirai donc… en ce sens que je lis, peu importe la saison, le lieu, les circonstances. Sauf qu'effectivement je vais lire léger. Quand je dis léger c'est-à-dire un roman où il n'est nul besoin de trop phosphorer et de revenir parfois au chapitre précédent dès que ça devient compliqué ou que je me perde… cela arrive, pour peu que qu'un élément extérieur vous dissipe.» Elle confirme toutefois être disciplinée et pratiquement épouser un deuxième personnage quand elle est plongée dans la lecture et, question lecture, peu compliquée, elle ouvre son sac et en sort Week-end à Zuydcoote, de Robert Merle, ajoutant : «Ce n'est pas volumineux, j'en ai déjà une première lecture dans la mesure où j'ai déjà vu le film. Sinon ce sont plutôt les auteurs… ricains ou réputés tels que j'adore… exemple Jerzy Koscinski. Je les lis et relis sans problème.».Quant à ses filles elle nous dira, à la limite gênée, qu'elles aussi lisent par… mimétisme mais «…ne lisent que des livres de la collection Harlequin. C'est aussi leur âge et, signe des temps, compte tenu de ce qui leur est proposé comme inepties à la télévision depuis qu'il y a la parabole». Involontairement, l'une des filles confirme. Elle a entre les mains la revue Gala, un magazine hyper jeune et «hyper taré», dira, presque en s'excusant, H.B. D'ailleurs, sa fille Yasmine juge bon d'entrer dans la discussion : «Je mentirais en affirmant que je vais lire durant les vacances même si les romans que j'ai pris ne sont pas ardus, mais le seul endroit où je pourrai effectivement le faire, c'est la plage. Croyez-vous sincèrement possible de pouvoir lire quand vous êtes souvent dérangé par un ballon qui vous rebondit sur le corps ou un volant de badminton. De toutes les manières, je lirai pendant ces vacances.» Quelques mètres plus loin, une station de taxi, un univers totalement macho, de jeunes militaires qui veulent profiter au maximum d'une «perm» en tentant d'arriver plus vite, d'autant que, pour certains, une jonction à hauteur de la capitale est obligatoire pour espérer arriver jusque chez eux. Kamel M. B. casquette de quater-back qui chauffe le banc de touche sur la tête, Ray-ban authentiques et il ne manquerait plus de le claironner compte tenu de l'invasion de la contrefaçon qui a banalisé un objet qui a autant d'importance qu'une Rolex auprès de VIP. Lui, porte un bleu de chauffe et dans la poche arrière un assez volumineux ouvrage et, sur notre demande, nous en donne la nature : «Les vacances de Bérurier, de San-Antonio, alias Frédéric Dard. Ça, c'est de la lecture, de la vraie. Tu en as pour près de six cents pages à te délecter, je choisis d'emblée le fond du taxi parce que je n'ai pas besoin de discuter ou de participer aux discussions… même si j'arrête parfois de lire quand j'entends une absurdité. Mais l'avantage avec San Antonio, c'est que tu reprends la lecture où tu veux quand tu veux, tu n'es jamais dépaysé vu que c'est un peu le même bastringue auquel nos compatriotes sont quotidiennement confrontés. Tu te sens dans ton élément naturel, l'auteur va dans tous les sens et rarement il y a risque de sortir de la trame du livre parce que, pour boucler son livre, il fait parfois dans la redite mais d'une manière très subtile.» Et dans ce cas de figure aussi, comme pour dire qu'il n'est pas un fan de ce genre exclusif, il tient à préciser : «Pendant le prochain mois de Ramadhan, j'ai prévu de relire Couples, de Updike. Je crois en fait qu'il n'est possible d'absorber cette description à la machette de la société américaine qu'à une telle occasion. D'autant que, durant le Ramadhan de cette année, il n'est pas évident de rester dans des starting-blocks. Comme je suis à la retraite, je vais me faire plaisir en restant à la maison et engloutir le maximum de pages chaque jour.» Mohamed Abdi, rencontré au niveau de l'unique librairie de l'aéroport de Constantine, parcourt le verso d'un roman de Coelho et il se prête aimablement à notre entretien «Coelho… c'est un autre qui se lit pendant les vacances ? », sa réponse est cinglante : «On lit ou on ne lit pas. J'ai toujours éprouvé un vif plaisir à lire et je consacre même un budget mensuel à l'achat de nouveautés, voire chez les bouquinistes chez qui l'on trouve des raretés. Par ailleurs, je n'ai aucune difficulté à lire n'importe quel auteur sauf ceux trop médiatisés et auxquels je ne prête pas grande attention surtout s'ils figurent parmi ceux qui ont obtenu les fameux Goncourt, Femina et autres. En revanche, c'est un réel plaisir de découvrir Une ville c'est beau la nuit, de Richard Bohringer. Aujourd'hui je pars, en compagnie de mon épouse, pour une virée de trois semaines dans neuf pays d'Europe. Je vais donc lire, acheter et lire une fois rentré au pays.»Néanmoins, ces personnages restent une véritable exception sur une population de près d'un million d'habitants, une ville où, en conclusion, les habitants lisent mais ne lisent en réalité que le journal, voire une partie bien précise d'un journal donné. Preuve en est donnée avec le nombre de bouquinistes qui s'éteignent d'année en année. Quant aux librairies spécialisées, mieux vaut ne pas aborder le sujet. A. L.