Annoncée depuis le début de l'ère Bouteflika, la réforme de la justice prend apparemment une trajectoire sérieuse, si l'on observe de près les réalisations accomplies jusque-là. Bien sûr, la réforme de la justice, tout comme celle de l'éducation et de l'Administration, est lente. Très lente même. Mais sa concrétisation est bien réelle. La preuve en a été donnée à la fin de la semaine dernière lorsque le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Tayeb Belaïz, s'est rendu à la cour de Blida pour inspecter les chantiers inhérents à son secteur. Plus qu'une visite d'inspection, cette virée ministérielle a ceci de particulier : elle a inauguré un nouveau cycle dans la pratique de l'institution judiciaire dans le pays. Et le volet le plus important de cette mutation, positive, est la prédominance de l'élément humain dans tout ce qui est entrepris. On a bien vu des prisons plus larges. Mieux, l'Etat algérien -et c'est une grande première- pense à construire des établissements de réinsertion des détenus, notamment les plus jeunes d'entre eux, pour leur permettre d'avoir une vie sociale plus ou moins correcte une fois entrés au sein de la société. De plus, de nouvelles mesures ont été prises concernant les anciens centres de détention. Le téléphone, les journaux et d'autres avantages seront accordés aux détenus. Des pénitenciers tristement célèbres seront évacués ou modernisés. Seulement, il faut relever que ces changements ne sont pas le fruit de la seule volonté -même si celle-ci est manifeste- du gouvernement algérien, mais répondent aussi aux multiples critiques qui proviennent des associations nationales, d'abord, et de certaines ONG, ensuite. Cependant, beaucoup d'efforts restent à faire. Parce qu'au-delà des installations, des prisons, des tribunaux et autres infrastructures, il y a la justice elle-même. Et la justice, c'est surtout celle qui rétablit le citoyen dans ses droits. Celle qui lui assure sa dignité, même s'il est condamné. Et nous ne pourrons parler de véritable justice que lorsque le délai de la détention provisoire sera, par exemple, respecté. Et c'est loin d'être le cas. La justice recouvrera sa crédibilité, toute sa crédibilité, lorsqu'il y aura moins d'erreurs -volontaires ou non- des juges qui, il faut le reconnaître, reçoivent une formation de plus en plus affinée. Au registre des retards de la réforme, il y a lieu de noter aussi les conditions toujours pénibles des détenus qui, dans certains cas, se retrouvent dans des pénitenciers très vétustes. Des cellules très étroites qui ne respectent pas totalement leur dignité. Enfin, pour une justice définitivement débarrassée des préjugés, il faut l'extraire des injonctions «des politiques et des militaires», pour paraphraser le président de la République. Cela prendra, certainement, plus de temps. Mais ce jour-là, on pourra parler d'une véritable justice. A. B.