Quatre ans après avoir été lancés, les principaux chantiers de Bouteflika sont toujours en suspens. En s'engageant à leur donner une nouvelle impulsion, le Président-candidat veut surtout en faire des slogans de campagne. “La réforme de l'Etat, la réforme de la justice et la réforme du système éducatif, qui occupent une place prépondérante dans le programme de renouveau national que je me suis engagé à réaliser, sont désormais en chantier”, a assuré le président de la République devant les officiers supérieurs de l'armée. Il a affirmé à ce propos qu'“il s'agit là d'une œuvre de longue haleine, privilégiant une action réfléchie et responsable et excluant toute démarche hâtive et improvisée”. Il y a plus de trois ans, lorsqu'il avait installé la Commission nationale de la réforme du système éducatif, le chef de l'Etat avait tenu un tout autre discours. En homme pressé et résolu, il avait alors annoncé en grande pompe la réhabilitation du français en sa qualité de seconde langue d'enseignement et sa réintroduction dans le cycle primaire. Prônant une ouverture sur le monde, le Président fraîchement élu s'engageait devant l'Algérie entière à révolutionner l'école. Il n'en fut rien. Face au forcing des islamo-conservateurs, Bouteflika a reculé. Pour ne pas compromettre son propre avenir politique, il a préféré sacrifier la réforme de l'école. Des recommandations avant-gardistes et très audacieuses de la commission de réforme présidée par le recteur de l'USTHB, M. Benzaghou, aucune n'a encore vu le jour. Le seul changement consenti a trait à la suppression du système d'enseignement fondamental et le retour à l'école classique. Pour le français et la nécessaire ouverture sur le monde, il faudrait peut-être attendre un autre discours d'un autre mandat. Pour l'heure, les réformes remises au goût du jour sonnent surtout comme le début de la campagne pour la présidentielle de 2004. Pour maquiller leur faillite, Bouteflika a parlé d'“une œuvre de longue haleine”, d'un processus à long terme qu'il se propose de faire aboutir en menant “une action réfléchie”. Aux Algériens donc de lui renouveler leur confiance. Le feront-ils ? Rien n'est moins sûr. Quatre ans se sont écoulés et les réformes promises sont comme l'Arlésienne. Bouteflika ne cesse d'en parler alors que le peuple ne voit rien venir. En août 1999, quatre mois à peine après son investiture, le premier magistrat du pays installait une commission nationale de la réforme de la justice. Il confiera sa direction à un illustre juriste, M. Issad, et lui avait fixé un délai d'une année pour rendre son rapport. Les recommandations préconisées par les membres de cette commission insistent sur l'indépendance de l'appareil judiciaire, son humanisation et sa modernisation. Mais ces résolutions restent lettre morte. C'est au début de l'année 2003 qu'une amorce de la réforme est effectuée avec la mise en place par la chancellerie d'un comité de suivi et d'application. Une révision des textes relatifs à la présomption d'innocence et à la détention provisoire est par ailleurs annoncée. Dans le chapitre lié aux conditions de détention, le gouvernement décide de fermer la prison de Serkadji et de construire de nouvelles maisons d'arrêt. Mais là n'est pas l'essentiel. En s'engageant à soustraire l'appareil judiciaire à la manipulation et à l'influence des plus puissants, le premier magistrat du pays avait menti. Les amendements apportés en 2001 au code pénal prouvent ce mensonge. En nommant une catégorie d'intouchables, cette loi ne remet pas seulement en cause la liberté d'expression, mais démontre que la justice est toujours outillée. De même, l'Etat demeure un conglomérat d'apparatchiks et de rentiers en dépit d'une réforme, encore une, du Président. C'est à Missoum Sbih qu'il avait confié la mission de réformer les institutions de l'Etat. Le rapport est finalement resté dans un tiroir de la présidence. Selon Bouteflika, “la réforme de l'Etat — pourtant — conditionne, en partie, tous les autres chantiers entrepris”. C'était jeudi au siège du MDN. S. L.