C'est un message poignant que fait passer la réalisatrice Nadia Cherabi à travers son film l'Envers du miroir ou Ma Wara El Mirat, projeté mercredi dernier au siège de l'Association des femmes algériennes managers et entrepreneurs (AME).Ce film retrace le vécu amer d'une mère célibataire qui fuit la maison familiale, élisant domicile dans la rue avec tout ce qu'elle peut contenir comme dangers. Auparavant, elle prend le soin de laisser son nouveau-né dans un taxi. D'une rue à une autre, d'une artère à une autre, cherchant un gîte, la jeune fille mère a failli tomber dans le piège d'un réseau de prostitution. Heureusement, elle a réussi à déjouer la vigilance de son «bourreau» qui l'avait guidée chez lui en lui présentant sa soi-disant sœur. Profitant d'un moment d'inattention de cette dernière, Selma (Nassima Chems) se sauve. Aussitôt l'alerte donnée, il se met à ses trousses. Après beaucoup de déboires et de misère dans la rue, elle fait la connaissance de Sadek, un homme d'un certain âge qui la retrouve près de la porte de son appartement où elle s'est cachée. La priant de partir, au début, et pris de compassion pour elle, par la suite, il la fait entrer chez lui. Le matin, avant de sortir, il l'invite à faire comme chez elle. Il lui procure même un travail dans un atelier de couture. Se reconstruisant peu à peu et reprenant confiance, elle se met à la recherche de son fils. Entre-temps, Kamel, le chauffeur de taxi (l'acteur Rachid Fares), a fait des pieds et des mains pour la retrouver. Peine perdue. Il a donc confié le bébé à sa mère, étant lui-même fils adoptif. Une fois la maison de Kamel repérée, elle tente de récupérer son fils. Kamel est hésitant. Comment une mère peut-elle rejeter ainsi son fils ? lui lance–t-il à la figure. Elle raconte son histoire : elle a été violée par le mari de sa mère. Le drame est que cette dernière ne l'a pas cru et l'a chassée de chez elle. Ce n'est que le jour où Selma est revenue se venger de son violeur que sa mère a surpris la discussion ! L'histoire relate un fléau qui ronge la société algérienne et dont peu de personnes osent parler. Les victimes sont nombreuses. La mère célibataire est l'objet de beaucoup de préjugés sans pour autant comprendre les raisons qui l'ont plongée dans ce statut. Si Selma a eu la chance de tomber sur Sadek qui l'a aidée comme sa propre fille, des milliers d'autres sont entraînées dans des réseaux de prostitution ou de drogue. Projeté pour la première fois en 2007, le film a été bien accueilli, selon sa réalisatrice. Entamé en 2003-2004, le projet n'a pu voir le jour qu'après trois années pour des raisons de problèmes financiers. Mme Cherabi nous confie que sa volonté, à travers le film, est de permettre «de regarder la société non pas dans ce qu'elle a d'apparent, mais d'essayer d'aller avec le public pour découvrir l'envers des choses, ce qui ne se dit pas et ce qui ne se voit pas et qui relève de l'intimité». Des situations dramatiques vécues par les femmes algériennes et bien d'autres dans le monde. Regarder ces femmes autrement, c'est, entre autres, ce que veut montrer la réalisatrice. Ce film a été adapté en feuilleton de 5 épisodes pour la télévision. Nadia Cherabi, qui a connu quelques difficultés, s'explique : «La télévision est coproductrice du film. Elle m'a apporté un soutien important durant le tournage et pour sa promotion lors de la sortie en salle, mais il n'a pas été programmé sur l'ENTV en raison de réserves informelles d'une commission de visionnage.» «Il n'y a pas eu de refus formel», tient-elle à préciser. Le souhait de la réalisatrice est de voir son film projeté à la télévision nationale, après avoir fait le tour du monde et été sélectionné dans de grandes compétitions cinématographiques. B. A.