C'est devenu une tradition à laquelle le pauvre citoyen algérien, de surcroît objet de toutes les taxes, ne peut plus échapper. A quelques jours du Ramadhan, les marchés, comme à leur habitude, s'affolent et plongent nos concitoyens dans le désarroi le plus total. La carotte à 70 DA, la tomate à 50 DA, le piment est cédé à pas moins de 120 DA, la laitue à 70 DA, le haricot vert à 90 DA, etc., la liste des prix inabordables est malheureusement encore longue, mais ces prix glanés sur quelques marchés suffisent largement pour mesurer le tournis que la mercuriale donne désormais chaque fois à cette période de l'année aux Algériens, notamment les plus modestes d'entre eux. Ces derniers assistent bouche bée à ce mélodrame dont les situations extravagantes ne suscitent plus de vives émotions. Et pour cause, l'habitude étant une seconde nature, l'Algérien, ingénieux qu'il est, s'est efforcé à s'adapter à l'adversité et lorsque le Ramadhan pointe son nez et implante son décor, il sait bel et bien que la saignée est un rituel par lequel son portefeuille doit obligatoirement passer. Mais cette année n'est-elle pas l'année de trop ? Alors que le gouvernement nous irrigue de son discours de rigueur sur la protection de l'économie nationale et la lutte contre la mafia des importateurs, l'Algérien d'en bas, lui, ne voit absolument rien venir quant à l'amélioration de son pouvoir d'achat et les revenus de ces fins de mois. Tout augmente, tout «flambe», du flexy au chou-fleur, de la taxe sur les véhicules neufs aux tarifs des trains, plus rien n'échappe à ce sacro-saint principe de la «flambée», moteur de ce qui fait à présent l'histoire de notre pays, à savoir la cherté de la vie. Reste tout de même à souligner, de l'avis commun des observateurs avertis, que cette flambée des prix des fruits et légumes, aliments de base dans chaque société, demeure des plus énigmatiques. Le ministère de l'Agriculture se targue à chaque fois de l'évolution de l'augmentation de la production nationale, de l'efficacité du légendaire «Syrpalac», système de régulation des marchés, le ministère du Commerce ne jure que par la loi de l'offre et de la demande, et au final, le citoyen paie les pots cassés ! Et pourtant, le gouvernement n'hésite nullement, et il le répète à maintes reprises, à mettre en cause le secteur informel, coupable à ses yeux de tous les maux. Certes, il est incontestable que «le marché parallèle, les boucheries clandestines qui pullulent çà et là dans de nombreux coins du pays et même dans les maisons et les commerces qui ne disposent pas de registres du commerce» sont l'un des premiers facteurs de cette flambée en leur qualité de meneurs de la spéculation. Mais là encore, les mêmes interrogations taraudent toujours les esprits : pourquoi l'Etat n'arrive-t-il pas à venir à bout du business informel ? Pourquoi patauge-t-il toujours dans son incapacité à faire face à ce problème épineux si ravageur pour l'économie nationale et la cohésion sociale du pays ? Enigmatique est encore davantage cette impotence de l'Etat lorsqu'on sait que des propositions concrètes ont été faites récemment pour lutter contre cette flambée des prix, une maladie algérienne. Récemment, l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA) est montée au créneau pour attribuer la flambée actuelle des prix des fruits et légumes à un manque de marchés de proximité, au moment où l'offre est «largement supérieure» à la demande. D'après les commerçants, «un manque de marchés de détail de proximité ou de quartier qui fait que les produits ne parviennent pas totalement aux consommateurs». Pour étayer leurs propos, ils ont affirmé que «20 à 30% des produits entrant sur le marché de gros sont jetés parce qu'ils ne trouvent pas preneurs». Dans ce contexte, c'est aux APC d'aménager des espaces au niveau des quartiers pour commercialiser les fruits et légumes durant ce mois de jeûne. Ce que, malheureusement, elles ne sont toujours pas en train de faire. Pis, des marchés de proximité réceptionnés récemment dans certaines communes ne sont toujours pas ouverts aux commerçants. Et dire que ces espaces commerciaux pourraient contribuer en partie à juguler le commerce informel et à lutter contre le phénomène de la spéculation, notamment durant ce mois sacré. A la lecture de toutes ces données, il ne serait plus étonnant que «la folie» des prix, notamment ceux des fruits et légumes, «soit générée par la pratique du commerce parallèle, qui touche pratiquement 70% des produits commercialisés sur le marché». En somme, la flambée des prix est une fatalité algérienne… A. S.