Photo : S. Zoheir Par Abdelkrim Ghezali Si le déclenchement de la lutte armée était inscrit au programme du mouvement national indépendantiste depuis l'Etoile nord-africaine et le PPA-MTLD, il n'en demeure pas moins que les actions armées menées la veille du 1er Novembre 1954 étaient improvisées dans un contexte de crise politique qui a divisé le parti de l'indépendance. Les luttes intestines entre messalistes et centralistes ont provoqué un séisme au sein des militants qui ne savaient pas à quel saint se vouer. C'est ce qui explique l'attentisme de la majorité des militants qui ne savaient pas qui allait déclencher l'action armée. Seuls ceux qui connaissaient les activistes de l'Organisation secrète (OS), ou qui étaient en contact avec eux, ont accepté de s'impliquer dans un projet risqué et dans une aventure dont l'issue était imprévisible au vu de l'état de décomposition du PPA-MTLD. D'autant que l'OS était défaite depuis 1951 et qu'une partie de ses membres était emprisonnée alors que le reste était entré en clandestinité depuis l'affaire Khiari, dans la région de Tébessa. D'ailleurs, certains responsables de régions ont émis des réserves quant au choix de novembre comme date butoir du déclenchement de la révolution armée, estimant que le moral des militants était au plus bas en raison de la crise du parti, que la majorité était divisée entre Messali Hadj et le Comité central, que d'autres ne faisaient plus confiance aux deux parties en conflit, que le CRUA était inconnu de l'écrasante majorité des militants et qu'enfin, c'est aussi important que les arguments précédents, le peu d'armes dont disposaient les éléments prêts à agir à brève échéance. Cependant, la stratégie des fondateurs du CRUA et du FLN consistait à forcer la main aussi bien aux frères ennemis du PPA-MTLD, en l'occurrence les messalistes et les centralistes, qu'au reste du mouvement national qui avait opéré une rupture avec les thèses assimilationnistes, notamment après les massacres de mai 1945 mais qui hésitaient à franchir le Rubicon pour une somme de raisons subjectives telles que les questions de leadership et de raisons objectives telles que l'organisation de la lutte armée, son approvisionnement et le soutien international. D'ailleurs, l'offensive pensée et exécutée le 20 août 1955 par Zighoud Youcef et ses troupes dans le Nord Constantinois avait comme autre objectif la motivation et la mobilisation de l'important potentiel militant en jachère dans les wilayas de Skikda, Jijel, Mila et Constantine. Si les activistes du CRUA ont réussi, au bout de deux ans d'action armée, à transcender les clivages ayant miné le parti devant conduire la lutte de libération nationale, l'organisation de la révolution et le ralliement des forces vives et des compétences intellectuelles restaient vains. C'est à ce titre qu'un conclave des dirigeants de la révolution était plus que nécessaire afin de structurer un effort volontariste, de le doter de cadres organiques, d'un organigramme, d'un plan d'action, d'un programme politique et social projetant la révolution dans des perspectives d'indépendance et de l'avènement d'un Etat national dont la nature et les objectifs sont définis. Si le Congrès de la Soummam n'a pas réuni tous les chefs des futures wilayas, ni la délégation de l'extérieur, ni l'essentiel des chefs historiques, dont une partie était en prison, d'autres morts, d'autres injoignables en raison du blocus de l'armée française sur les régions, il n'en a pas moins réussi, grâce à la présence de deux hommes clés, Ben M'hidi et Abane, à doter la révolution algérienne d'organes de direction et d'un projet national qui en ont fait l'une des révolutions les plus illustres du XXe siècle. C'est lors de ce congrès historique et décisif qu'il a été décidé, sur proposition de Abane, d'entrer en contact avec tous les mouvements politiques algériens en expectative pour les rallier au projet d'indépendance nationale sous la direction du FLN-ALN. C'est ainsi que les centralistes ont accepté de rejoindre individuellement la révolution pour en devenir l'ossature de l'encadrement politique et diplomatique. Le PCA a donné le meilleur de ses militants à l'ALN alors que l'UDMA a donné le premier président du GPRA.