Photo : S. Zoheir Par Nabila Belbachir Une soirée ramadhanesque aux urgences. Quelle idée ! Et pourtant, l'intérêt de voir comment nos médecins vivent ces soirées où les autres personnes préfèrent se retrouver en famille, est plus fort. F'tour décalé et léger, les médecins, notamment ceux qui assurent le service des urgences médicales n'ont pas le temps de le savourer. Ils vivent au rythme des malades qui leur arrivent durant ce mois de jeûne.Ils se retrouvent à gérer une multiplicité de cas dont la plupart sont liés au Ramadhan lui-même, diabétiques qui défient la médecine, cardiaques qui se placent au-dessus des conseils, des cas gastriques, des personnes déshydratées… Mais, ils ont à faire face surtout aux excités du Ramadhan. Les disputes sont aussi fréquentes. Il y a également les consommateurs de psychotropes. Autres caractéristiques du travail de ce personnel médical, une concentration au moment du f'tour, comme si les malades se donnaient rendez-vous. «Vous allez voir dans quelques heures la grande ruée des blessés par arme blanche. Ce genre d'urgences commence sur les coups de 15h, quand les nerfs des jeûneurs sont à fleur de peau», explique une résidente en chirurgie aux urgences du centre hospitalo-universitaire (CHU) de Mustapha Pacha. Pendant le mois sacré, les urgentistes des CHU de la capitale et ailleurs dans le pays sont autant mobilisés que le reste de l'année. «Les médecins affrontent des cas spécifiques pendant cette période. Des pathologies, traumatologies… Il n'y a pas d'accident à cause de l'alcool, c'est plutôt les cas de disputes et les imprudences qui se présentent, les traumatismes thoraciques, les problèmes cardiaques, les intoxications, des accidents de ménage… Mais cette année, les médecins n'ont pas encore reçu beaucoup de cas urgents. C'est plutôt calme !» fait savoir une source médicale au niveau du centre hospitalo-universitaire (CHU) de Bab El Oued (ex-Maillot). Cette même source soulève toutefois la confrontation quotidienne entre les médecins et les patients qui, au lieu de se diriger vers les établissements publics de santé de proximité (EPSP), encombrent les CHU. «Nos malades, souvent pris de panique, se dirigent vers les hôpitaux au lieu de se présenter directement dans les centres de santé de proximité les plus proches de chez eux. Une fois que le médecin généraliste l'aura observé, il l'orientera selon le diagnostic vers un service de spécialité au niveau de l'hôpital ou chez un privé», a déclaré notre source qui n'hésite pas un instant à poursuivre que «de cette manière les urgences auront les patients qui nécessitent vraiment une prise en charge urgente et nos médecins urgentistes, notamment en ce mois de jeûne, accompliront, de leur côté, leur travail correctement au lieu de passer leur temps à expliquer et à orienter les faux malades ou ceux ayant des malaises légers…» Un avis que partage un médecin généraliste rencontré au niveau de l'EPSP de Bab El Oued : «Nos patients ne font pas la différence entre un EPSP et l'hôpital. Ils doivent savoir qu'avant d'aller vers les hôpitaux, ils doivent se présenter d'abord au niveau des centre de santé de proximité.» 22h15. Direction EPSP de Bab El Oued. Une ambulance du SAMU qui était arrêtée à côté éveillé notre curiosité et nous a poussés à l'intérieur de cet établissement public de santé de proximité pour voir le type d'urgence évacué. «Aucune urgence n'est à signaler», laisse entendre un médecin qui assure sa garde de nuit. C'est propre, tout brille, clignote, l'air est limpide, les murs sentent la peinture fraîche ; en salle d'attente, tout est bien organisé, les gens patientent, mais avant ils s'inscrivent à l'entrée où un portier monte la garde. Un f'tour léger et rapide Juste après le f'tour, le service des urgences de l'hôpital ex-Maillot est bondé. Malades et accompagnateurs, souvent les membres de la famille, attendent dans le couloir. Femme, enfant, vieux et jeunes, tous impatients de voir arriver leur tour. Côté personnel médical, juste deux résidents qui ont le devoir d'assurer la garde de ce soir. Pas de temps pour le f'tour et non plus pour le savourer. Tout est relatif au temps et aux patients. «Un f'tour léger et rapide», lance la résidente en inscrivant un traitement pour son patient. Ce dernier est atteint d'un ulcère d'estomac. Dans un état de «crise», le patient gémit de douleur. Le médecin lui préconise de rompre le jeûne, de respecter l'hygiène alimentaire et de se reposer. Des cas similaires sont nombreux. Dans le box limitrophe, un enfant âgé de 10 ans, la tête entre les mains, vomit dans un seau-poubelle. Une jeune infirmière lui prodigue les soins nécessaires. Il a été signalé aussi des accidents à domicile. «Trois enfants ont souffert de brûlures. C'est des brûlures assez légères, ces patients ont subi des soins et sont rentrés juste après… rien de grave pour eux», nous informe le médecin. Les mamans sont occupées par leurs tâches ménagères et délaissent leurs enfants, mettant leur vie en péril, d'où il faut être vigilant. Le travail de nuit dans les urgences est pénible, notamment en ce mois de Ramadhan. Pris par les patients, les médecins n'ont presque aucune vie en dehors de celle de l'hôpital à partager avec leur famille et entourage. D'ailleurs, ils n'ont même pas le temps de donner des informations aux journalistes sur ce sujet. Ce qui était d'ailleurs le cas au niveau des urgences du CHU Mustapha Pacha, les médecins étant dépassés par les faux malades et leurs accompagnateurs. N. B. Règles générales à respecter à la rupture du jeûne La quasi-totalité des troubles observés au cours du mois de Ramadan peut être évitée en respectant certaines règles hygiéno-diététiques de base : - Boire de l'eau en quantité suffisante (1,5 à 2 l/j) - S'alimenter de manière équilibrée : Eviter les excès de gras et de glucides et ne pas oublier de consommer des crudités et des fruits. - Espacer les prises alimentaires (3,5 à 4 heures entre chaque repas) et éviter d'aller au lit juste après le dîner. - Garder des horaires constants de sommeil avec une durée qui permet la récupération (7 à 9 heures selon les individus). - Diminuer progressivement la consommation des excitants et du tabac durant la semaine qui précède le jeûne afin de réduire les conséquences d'un arrêt brutal (sevrage progressif). - Pour les maladies chroniques compliquées ou déséquilibrées, il est parfaitement établi qu'elles sont aggravées par le jeûne et l'abstention du jeûne s'impose.