Photo : S. Zoheir Par Nabila Belbachir Qui de nous n'a pas eu un malaise ou un trouble au cours de la première dizaine du mois du Ramadhan ? Un simple tour au niveau des hôpitaux de la capitale renseigne sur la réelle situation des Algériens après la rupture du jeûne. Une dizaine de jours seulement se sont écoulés, alors que les services des urgences dans leur majorité ont connu une affluence inhabituelle des patients qui viennent pour une consultation suite aux différents malaises après la rupture du jeûne. D'après les médecins, ces malaises sont dus généralement à la mauvaise habitude alimentaire, laquelle reste l'apanage de ce mois sacré. Interrogés, la plupart d'entre eux insistent sur le respect d'un régime alimentaire sain, et recommandent d'éviter l'abus en boissons gazeuses, en sucreries et en plats trop épicés. Finalement, cette tradition, qui veut que la table du «f'tour» soit bien garnie, n'entame pas seulement la bourse des Algériens, elle apporte également son lot de désagréments et de malaises rendant ce mois pénible. Pourquoi les Algériens persistent-ils à ne voir en ce mois sacré que son côté culinaire ? «Généralement, ce sont les patients souffrant de problèmes gastriques ou d'hypertension et d'hypoglycémie, détectés principalement chez les personnes âgées et celles ayant un excès de poids, outre les problèmes gastriques multiformes, spécifiques également au jeûne et étroitement liés au changement des habitudes nutritionnelles et la surconsommation de certains produits à forte teneur en agents excitants ou en matière grasse, qui ont été recensés au niveau des deux services des urgences hospitalières», nous a indiqué un médecin. Les salles d'urgence ont admis un plus grand nombre de personnes durant cette première semaine. Dans certains hôpitaux, le nombre a même doublé. La plupart des patients admis sont des personnes âgées ou des gens souffrant de diabète, de problèmes cardiaques ou de maladies d'estomac. Les médecins de garde ont confirmé que «nos citoyens n'équilibrent pas leur nutrition, ce qui provoque des troubles, notamment digestifs». Les urgences du CHU Mustapha Bacha Le flux de patients enregistré durant cette première semaine est jugé «exceptionnel» eu égard à leur nombre pris en charge ou traités au niveau de cette structure sanitaire. «Le nombre de consultations réalisées durant cette période est en hausse significative», a indiqué une source proche, en nous présentant un cas durant notre virée. Les diabétiques, par exemple, peuvent rencontrer de sérieux problèmes lors du jeûne, vu leur régime spécifique. Pour le diabétique, s'abstenir de manger pendant la journée entraîne une baisse dangereuse du taux de sucre dans le sang. Et manger beaucoup pendant l'iftar a, au contraire, tendance à faire remonter ce taux, parfois de manière dangereuse. Une moyenne quotidienne de 80 à 100 consultations est effectuée entre 20 et 23h. «Nous sommes même contraints d'évacuer certains patients dans d'autres services», précise-t-on. Une jeune fille, visage pâle et tremblante, en compagnie de ses parents, a été mise sous perfusion. «C'est grâce aux service du SAMU que nous sommes ici», dira le père, inquiet de l'état de santé de sa fille. Après plus d'une demi-heure d'attente, le médecin a tranquillisé le chef de famille, «c'est juste une simple gastrite». Un traitement et un régime diététique auront l'effet souhaité. Autre destination, l'établissement hospitalier spécialisé (EHS) Dr Maouche Md Amokrane, (ex-CNMS). Le constat est inquiétant, a lancé un médecin, sur la gravité de l'hypertension artérielle (HTA) et ses complications, notamment chez les personnes âgées, particulièrement en ce mois de Ramadhan. Une hypertendue, rencontrée dans la salle d'attente, dira : «Mon médecin traitant vient de m'annoncer que je suis une diabétique. Un pic de 5 mg.» Un autre témoignage, celui d'un septuagénaire, a «désobéi» aux conseils de son «docteur», lequel lui a préconisé de respecter un régime alimentaire avec une prise régulière de ses médicaments. Les gens abordés, au cours de cette tournée de nuit, ne se lamentent pas seulement des malaises engendrés par «la malbouffe», mais également de ceux relatifs à la canicule. Cette année, le mois sacré intervient en plein milieu d'une après-saison très chaude, avec des températures moyennes de 32 degrés. Le soleil brûlant et la chaleur de l'air n'ont fait qu'empirer les choses, expliquent-ils, en particulier pour les plus âgés, dont beaucoup souffrent de la déshydratation. Cela se produit déjà durant les journées ordinaires, mais s'empire durant le Ramadhan. Une forte pression à l'intérieur des services des urgences Cette forte pression, spécifique au mois de Ramadhan, estime-t-on, a induit une augmentation de la charge de travail pour le personnel médical et paramédical et imposé un rythme d'intervention plus accéléré. Une pression qui, de l'avis de beaucoup, a tendance à provoquer un plus de stress pour le personnel médical, qui doit non seulement orienter, mais prendre en charge et traiter plusieurs patients à la fois, dans des conditions parfois intenables et excessive. «Juste après la rupture du jeûne, nous nous trouvons en face d'une situation des plus lamentables», a affirmé un urgentiste, ajoutant : «Je n'ai même pas terminé mon repas, et je viens assurer la consultation». Cette situation n'est pas sans conséquences sur le rendement du personnel médical de l'hôpital et sur la qualité des prestations fournies, car beaucoup de citoyens rencontrés à l'intérieur de ces structures, notamment des mères de famille et des personnes âgées, ont exprimé certaines appréhensions quant à la qualité de l'accueil ou la prise en charge médicale des patients. Elles ont déploré la confusion et la désorganisation qui caractérisent ces services, principalement durant la nuit où l'afflux des malades est le plus important. Les hommes de la santé ont, de leur côté, contribué à assurer un service répondant aux attentes des malades. Leur seul souci, bien évidemment, c'est les personnes atteintes de maladies chroniques, tels les diabétiques, les insuffisants rénaux, les hypertendus… qui sont astreintes à un certain régime alimentaire pendant toute l'année, et n'arrivent pas à le respecter, pendant ce mois, ce qui constitue un facteur pouvant aggraver leur situation. C'est pour cela d'ailleurs que les médecins insistent sur la nécessité de respecter le régime prescrit.