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Les urgences médicales dans le creux de la vague
Submergées, désorganisées et manquant de moyens pour une bonne prise en charge des malades
Publié dans La Tribune le 23 - 12 - 2009


Photo : S. Zoheir
Par Amirouche Yazid
Les urgences médicales dans nos hôpitaux fonctionnent à la vitesse de la tortue. Les patients et les blessés arrivent en masse aux portes d'un service peu outillé pour les prendre en charge. Le constat existe depuis des années sans espoir d'amélioration à l'avenir. A voir ou à vivre ce qui se passe dans les urgences médicales de nos hôpitaux, il y a lieu de s'alarmer. Les signaux sont au rouge. Ce n'est un secret pour personne : les urgences de nos hôpitaux vont mal. La douleur est plus ressentie la nuit où le personnel médical n'arrive plus à répondre à la demande. Ici, une brève description d'un grand désastre que couve le système de santé de l'Algérie indépendante. La salle d'attente des urgences du centre hospitalier de Bab El Oued a abrité lundi dernier un début de soirée stressant. Les malades et les blessés arrivent l'un après l'autre. Jusqu'à ce que la salle ne puisse plus contenir les postulants aux premiers soins du service des urgences. Le lieu n'a véritablement d'urgent que le nom en ce sens que la prise en charge se fait très lentement. Le laisser-aller y côtoie la désorganisation. On n'y est jamais traité à temps. Le premier obstacle se dresse au niveau de la porte. Devant une porte à moitié ouverte, ceux qui accompagnent le patient doivent être plus minces pour accéder à la salle d'attente sans que le malade heurte une arête ou une vitre qui aggraverait ses
douleurs. Une fois dans la salle d'attente, c'est un autre niveau d'angoisse. Les malades et leurs proches se bousculent devant le service de la radiologie où les formalités administratives passent en priorité, avant la première consultation médicale. «Il vous faut un document à rapporter de ce service pour que vous puissiez passer. Comme ça, ils ne vous feront rien du tout», répond un jeune infirmier à une femme qui accompagne son fils adolescent, blessé dans un
chantier. Après une demi-heure d'attente, l'adolescent accède au service de la radiologie. Il est orienté vers le coin du plâtrage. Il sera libéré quelques instants plus tard, le bras droit dans le plâtre. Devant le service de radiologie, un vieil homme sur une civière attend son heure. L'homme est gravement touché au niveau de l'œil. Personne ne sait ce qui lui est arrivé. Il s'est retrouvé à l'hôpital. Un infirmier s'occupe tant bien que mal du cas. La vue d'un vieil homme qui attend, sur une civière, les premiers soins, est bouleversante. La scène a duré si longtemps que certaines personnes commençaient à s'interroger. «Depuis une demi-heure qu'il est là et aucun médecin n'est venu le voir», annonce, à voix basse, une jeune fille à sa copine. Les résultats de la radiologie s'éterniser, accentuant la souffrance du vieil homme. Son traitement devait être fait par un ophtalmologue qui n'est pas en service. Entre-temps, la famille du vieil homme fait son apparition sur les lieux. Sa femme et sa fille reconnaissent leur blessé allongé sur une civière dans le couloir de l'attente. La fille s'adresse à l'une des infirmières : «Que doit-on faire maintenant ?» Gênée, l'infirmière tente de lui recommander la patience. «Son traitement doit être assuré par un ophtalmologue. Ce dernier n'est pas là. Nous devonsl'attendre.»
«Quand arrivera de l'ophtalmologue» Personne n'est en mesure de répondre. Pendant ce temps, le sang du vieil continue de couler au bas de l'œil droit sous le regard impuissant d'infirmiers et de résidents visiblement incapables de prendre une quelconque mesure. Le blessé est ainsi livré à son sort pendant que le personnel de l'hôpital ne trouve plus que dire face aux interrogations des proches de la «victime».
Le vieil homme n'était pas le seul à vivre une longue attente dans les urgences de l'hôpital de Bab El Oued, lundi soir.
Mohamed, un jeune d'une trentaine d'années, voit défiler autour de lui personnel de l'établissement et visiteurs. Lui, est allongé sur une civière placé à même le sol. Il ne peut faire le moindre geste. «L'accident dont est victime ce jeune doit être grave», ne cesse-t-on d'entendre de la bouche de tous ceux qui passent. Un jeune médecin vient à son secours. Il lui demande de faire quelques gestes des pieds pour identifier la nature de la blessure. Un autre coup d'œil sur les résultats de la radiologie s'impose.
Le jeune médecin appréhende un choc au niveau du crâne. Mais l'équipe médicale qui a pris place dans la permanence de neurologie ne décide pas. On hésite. On tergiverse pendant que le père du blessé tente de réconforter le moral de son fils. La gravité visible du cas n'a pas laissé indifférentes les personnes présentes. Est-ce un accident de la circulation ? Est-ce une tentative de suicide ? Les scénarios sont multiples. Le père de Mohamed explique qu'il n'y a rien de cela. «Il a glissé dans les escaliers, sa tête a violement touché une marche. On ne peut pas le toucher au dos et au cou. Les résultats n'ont rien décelé de grave. Mais la prise en charge laisse à désirer», regrette-t-il.
Dans les va-et-vient ininterrompus des médecins, infirmiers et visiteurs de malades, il n'est pas difficile de comprendre l'état dans lequel évoluent les urgences médicales de nos établissements hospitaliers. De telles prestations contredisent jusqu'à la caricature le discours de la tutelle qui évoque une amélioration des conditions d'accueil et de prise en charge.
Le drame réside aussi dans le fait que le constat est général : le mal de la santé est national et le contexte actuel marqué par le virus de la grippe porcine est venu confirmer que le système de santé en Algérie ne peut faire face ni à des cas d'urgence ni à des situations exceptionnelles. Le département de la santé et de la réforme hospitalière bénéficie pourtant d'enveloppes financières conséquentes en mesure d'améliorer la qualité des services et d'atténuer la souffrance des malades. C'est une urgence.


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