Des deux côtés de l'Atlantique, les autorités publiques ont décidé jeudi de prendre des mesures radicales pour rétablir la confiance dans les marchés financiers. Les banques centrales de la planète ont injecté d'importantes liquidités sur les marchés financiers pour la deuxième journée de suite. Elles tentent de limiter l'onde de choc causée par la crise financière américaine.La Banque centrale européenne (BCE) a injecté 70 milliards d'euros sur le marché monétaire de la zone euro. La Banque centrale américaine (Fed) a déposé 50 milliards de dollars (55 millions de francs) après déjà 70 milliards la veille. La Banque d'Angleterre a de son côté mis sur la table 20 milliards de livres (40,17 milliards de francs) sur le marché britannique après 5 milliards la veille. Les marchés boursiers sont restés enfoncés dans le rouge, après les très lourdes pertes déjà subies la veille. Le matin déjà, les Bourses asiatiques avaient clôturé en forte baisse. Puis à la Bourse de Londres, l'indice Footsie-100 des principales valeurs a terminé la séance en chutant de 3,43%. A Paris, le CAC 40 a fini en baisse de 1,96%, tandis qu'à Francfort le Dax reculait de 1,63%.Ces mesures ont néanmoins eu un impact spectaculaire de l'autre côté de l'Atlantique: le marché boursier américain a inscrit son gain en pourcentage le plus élevé en six ans. Les places asiatiques ont immédiatement embrayé sur leurs homologues.Le secrétaire au Trésor américain, Henry Paulson, et le président de la Réserve fédérale, Ben Bernanke, comptent travailler avec le Congrès durant le week-end pour traiter les actifs bancaires toxiques qui gangrènent le système financier. Les deux hommes ont rencontré des responsables du Congrès jeudi soir mais n'ont pas évoqué directement la création d'un fonds chargé d'opérer le grand nettoyage par la suite. "Nous avons évoqué une approche globale qui nécessitera des textes de loi pour traiter les actifs illiquides des bilans des établissements financiers", a dit Paulson à la presse. Selon deux collaborateurs des parlementaires, Paulson mûrit un projet de création d'un fonds mais le président de la commission des services financiers de la Chambre des représentants Barney Frank souligne que le principe de créer une nouvelle entité pour racheter ces actifs ne va pas de soi car cela pourrait prendre trop de temps. Un tel fonds serait similaire au Resolution Trust Corp, créé pour nettoyer les bilans des caisses d'épargne à la fin des années 80 à un coût de 400 milliards de dollars pour le contribuable.En Grande-Bretagne, la Financial Services Authority (FSA), l'autorité de tutelle des marchés financiers, a imposé une interdiction de quatre mois sur les ventes à découvert de titres des établissements financiers et, selon une source au fait du dossier, la Securities and Exchange Commission (SEC) américaine, gendarme de la Bourse aux USA, envisage une pareille interdiction provisoire sur certaines, voire toutes actions.Et le procureur général de New York, Andrew Cuomo, a ouvert une enquête de grande ampleur sur d'éventuelles ventes à découvert illicites touchant les actions de firmes de Wall Street telles que Morgan Stanley ou Goldman Sachs Group.Morgan Stanley et Goldman Sachs ont enregistré des pertes maximales, en cours de séance jeudi, de 42 et 25% respectivement. Les deux actions se traitaient toutefois à la hausse en après-Bourse en réaction aux informations sur les projets mûris par les autorités. Les marchés ont été plombés toute la journée par la crise financière, et par la quasi faillite de Lehman Brothers en particulier. Depuis le début de la semaine, trois des principaux noms de la finance mondiale ont vacillé sous le poids de leurs risques et ont dû demander l'aide de la collectivité. Lundi 15 septembre, la quatrième banque d'affaires américaine, Lehman Brothers, a annoncé qu'elle se plaçait sous la protection du chapitre 11 de la loi sur les faillites, "afin de protéger ses actifs et de maximiser sa valeur", faute d'avoir trouvé un repreneur et d'avoir été secouru par l'État. Le même jour, Bank of America, pressentie pour le rachat de Lehman Brothers, annonçait acquérir la troisième banque d'affaires, Merrill Lynch, en difficulté. Mardi 16 septembre, la Réserve fédérale (Fed), banque centrale des États-Unis, annonçait qu'elle allait consentir un prêt à l'assureur américain AIG. Depuis ces annonces, les établissements financiers du monde entier multiplient les communiqués pour détailler leurs liens éventuels avec les trois naufragés. Ces crises font trembler le cœur du système financier américain, d'autant qu'elles viennent après des premiers signaux alarmants : en mars, la Fed avait déjà mis 21 milliards d'euros sur la table pour orchestrer la reprise par JPMorgan d'une autre banque d'affaires en difficulté, Bear Stearns. Il y a douze jours, le Trésor s'était engagé à injecter jusqu'à 70 milliards d'euros dans deux organismes de refinancement hypothécaire - Fannie Mae et Freddie Mac - mis sous tutelle.