Le français périclite en Algérie. C'est là un constat que de nombreux observateurs ont dressé ces dernières années. Alors est-ce une vérité ou s'agit-il simplement d'un fantasme alarmiste de certains amoureux de la langue de Molière ? A la lumière de certaines données que quiconque peut recueillir, on est tenté de se demander si le devenir de la langue française en Algérie n'est pas mis en péril. D'abord, nos écoles manquent cruellement d'enseignants de français. Le ministre de l'Education nationale, Boubekeur Benbouzid, a reconnu lui-même l'acuité de ce problème d'autant que, d'une année à une autre, dans plusieurs wilayas du pays, notamment celles du Sud et des Hauts Plateaux, des milliers d'élèves sont exemptés de leur examen en français. Cette situation s'est tellement aggravée que des bacheliers venus de l'intérieur du pays et accusant d'importantes déficiences dans la maîtrise de la langue française se retrouvent confrontés à d'immenses difficultés à l'université. Fracture dans le système d'enseignement Une récente enquête menée par des pédagogues universitaires a même prouvé que 80% des étudiants inscrits au tronc commun technologie abandonnent leur cursus ou demande un transfert à cause des problèmes rencontrés en français ! Le même constat a été dressé dans les filières médicales, pharmaceutiques et techniques. Conséquence : l'Algérie manque cruellement d'ingénieurs, de médecins dans les wilayas de l'intérieur du pays, etc. La raison en est simple : le français, pilier de notre enseignement supérieur, est de moins en moins maîtrisé par les bacheliers qui entrent à l'université. Dans ce contexte, les filières techniques et scientifiques risquent, à l'avenir, de former de moins en moins de compétences nécessaires pourtant au développement du pays. La sonnette d'alarme est donc tirée. Et les spécialistes, linguistes et pédagogues notamment, dénoncent aujourd'hui ce fossé créé par «la fracture linguistique», à savoir, d'un côté, l'enseignement primaire, moyen et secondaire en langue arabe et, de l'autre, l'enseignement universitaire en français. Que faire alors ? Certains n'hésitent pas à monter au créneau et préconisent même l'arabisation de l'enseignement supérieur. Mais, pour la plupart des universitaires, cette option n'est pas réalisable vu l'importance de la langue française dans les productions des sciences techniques et médicales. Les raisons d'une déperdition programmée A l'heure où ce débat continue d'animer les différents cercles de l'élite universitaire, le problème de la déperdition de la langue française se répand petit à petit à travers le pays. Des notes éliminatoires en français sont si fréquentes aujourd'hui qu'un nombre important d'élèves échouent lors des multiples épreuves scolaires. Certains enseignants attribuent cette situation à la décennie noire durant laquelle les groupes terroristes islamistes armés ont lancé une guerre sans merci à la langue française et ses enseignants. Dans plusieurs régions du pays, naguère les plus gravement touchées par le terrorisme barbare, une génération entière a été privée de l'enseignement du français. En conséquence, de plus en plus de jeunes ignorent à présent les bases mêmes de la langue française. Cela peut se vérifier chaque jour à travers tout le pays. Enfin, l'arabisation abusive des institutions nationales, l'influence grandissante des chaînes satellitaires arabes et la montée en puissance du conservatisme religieux, lequel en encourageant le repli sur soi a discrédité les langues étrangères, sont considérées parmi les causes qui sont à l'origine du péril que court la langue française en Algérie. Alors le français est-il réellement en voie de disparition ? Cette question mérite vraiment une réponse… A. S.