De notre correspondant à Oran Samir Ould Ali Difficile d'intéresser les jeunes Algériens à l'histoire de la lutte de libération nationale. Les membres de l'Association nationale des moudjahidine de l'armement et des liaisons générales (ANMALG) en ont fait la pénible expérience jeudi dernier à l'occasion de la rencontre qu'ils ont organisée au profit des lycéens pour évoquer l'apport des étudiants au mouvement de libération : «Je suis désolé de dire que nos jeunes ne connaissent rien à l'histoire de l'Algérie», s'est indigné l'un des organisateurs en attribuant la responsabilité de cette ignorance à l'affligeante «mandhouma tarbaouia» utilisée par l'Etat algérien : «On se demande même s'il n'existe pas une volonté de garder l'histoire sous le boisseau. Comment expliquer sinon ce refus de la création d'un institut digne de ce nom bien que nous disposions de nombreux documents sur l'histoire de la lutte de libération nationale ?» s'est-il encore interrogé. La salle de conférences du musée du Moudjahid d'Oran était pourtant presque encombrée par les dizaines de lycéens, anciens moudjahidine, intellectuels et officiels venus recueillir les témoignages de ceux qui, lycéens ou universitaires en 1956, avaient décidé de répondre à l'appel à la grève illimitée des cours et des examens, lancé par la section l'Union générale des étudiants musulmans algériens d'Alger, le 19 mai de cette année-là : «[…] Notre devoir nous appelle à la souffrance quotidienne aux côtés de ceux qui luttent et meurent libres face à l'ennemi […] Il faut déserter les bancs de l'université pour le maquis. Il faut rejoindre en masse les rangs de l'Armée de libération nationale et son organisme politique, le FLN. Etudiants et intellectuels algériens, pour le monde qui nous observe, pour la nation qui nous appelle, pour le destin héroïque de notre pays, serions-nous des renégats ?» Le ralliement massif des étudiants et lycéens algériens à l'ALN avait «renforcé les capacités opérationnelles de l'armée, a indiqué Daho Ould Kablia, président de l'ANMALG, dans son intervention. Dans un langage souvent difficilement accessible à ceux des lycéens qui témoignaient d'un certain intérêt, d'autres acteurs de la guerre de libération nationale ont apporté leurs témoignages sur les mesures prises par la France en réaction à la grève des étudiants, en dehors des assassinats ou de la torture : «Je me souviens, a rapporté Mahi Bahi, qu'il nous avait été offert de poursuivre nos études dans des lycées français si nous renoncions à répondre à l'appel de cette grève…» Une moudjahida a rappelé que des lycéennes, ayant ignoré l'appel, avaient été récompensées par le baccalauréat : «Qu'elles l'eussent mérité ou non, elles l'ont eu pour leur refus de déserter les bancs. Mais j'insiste sur le fait qu'elles étaient peu nombreuses et que la majorité avait décidé de répondre à l'appel du devoir.» Devant le peu d'intérêt de la majorité des lycéens présents, certains des acteurs ou témoins de cette période cruciale de l'histoire algérienne ont exhorté les jeunes Algériens à accorder plus d'intérêt et à comprendre «les sacrifices consentis pendant sept ans pour que l'Algérie» se débarrasse du joug colonial. Il reste que cet autre appel aux jeunes Algériens a peu de chances d'être entendu en raison de «la médiocrité que nous vivons depuis des années», comme l'a expliqué un universitaire lors des débats. «Vous avez beaucoup fait pour la patrie mais la médiocrité s'est installée et a pris de grandes dimensions», a-t-il déploré.