«Enseigner la musique dans les écoles est une excellente chose mais encore faut-il disposer des ressources humaines et des moyens matériels nécessaires. Ce qui est encore loin d'être le cas aujourd'hui.» C'est, globalement, le sentiment général exprimé à Oran autant par des parents d'élèves que par des enseignants qui estiment que, pour des raisons analogues de manque de ressources, même les «matières classiques» ne sont pas encore convenablement enseignées. Car, pour beaucoup de parents d'élèves, la musique, le dessin et le sport ne font pas encore partie de cet ensemble de connaissances «sérieuses» qu'un élève doit acquérir durant sa scolarité pour, une fois adulte, avoir un «bon métier» et accéder à un statut social qui le préservera des aléas de la vie. «Mis à part quelques parents, personne n'espère pour son fils ou sa fille une vie de peintre, de musicien ou d'athlète, explique Abdelkader, enseignant dans le secondaire. Déjà qu'il ne fait plus bon être médecin, ingénieur ou avocat [métiers qui, dans l'imaginaire populaire, restent les meilleurs du monde], comment voulez-vous qu'un parent applaudisse le désir de son enfant d'épouser la carrière très aléatoire d'artiste en Algérie ?» Pour autant, même les plus conservateurs des parents reconnaissent volontiers à ces matières «secondaires» des vertus certaines, utiles pour appuyer une bonne scolarité ; un peu comme ce médicament qu'un psychologue prescrirait à son patient pour soutenir une thérapie «nécessaire mais pas indispensable». «Même cela, nous ne l'avons pas encore, déplore la mère d'une fillette scolarisée dans un établissement du quartier de Gambetta. L'école de ma fille est à ce point démunie que le directeur demande l'aide des parents pour bien des choses, y compris pour l'acquisition des instruments de musique. Je me souviens que, l'année dernière, il avait fallu la générosité de certains parents pour aménager la classe du préscolaire. C'est toujours le cas pour la musique : il n'y a pas d'instruments.» Une situation jugée scandaleuse par des parents d'élèves qui n'admettent pas que les écoles algériennes doivent encore solliciter leur aide alors que l'Algérie dispose de gros moyens et que, pour d'autres usages, elle dépense sans compter. Particulièrement, le ministère de l'Education nationale a maintes fois insisté sur la nécessité de l'enseignement de la musique. «Quelle que soit l'opinion que l'on peut avoir sur la musique, il est inacceptable que l'école souffre de problèmes financiers, soutiennent-ils. Compte tenu des capacités financières de notre pays, l'éducation, la santé et la justice ne devraient jamais endurer ce genre d'embarras.» Moins passionnés mais certainement plus avertis, des enseignants expliquent, sourire aux lèvres : «C'est le ministère de l'Education nationale qui n'a aucune envie que la musique soit convenablement enseignée. Autrement, plutôt que de s'attacher aussi âprement à déterminer la couleur des tabliers, il pourrait débloquer l'argent nécessaire pour satisfaire les besoins, tous les besoins de l'école algérienne.» Comme quoi, ce n'est pas une question de moyens mais de volonté. Encore une fois.