De notre correspondant à Oran Samir Ould Ali A l'évidence, le développement du judo, en Algérie, est confronté aux mêmes problèmes qui freinent l'évolution de l'ensemble des disciplines sportives : manque de moyens financiers, carence en compétences humaines mais aussi et surtout absence d'une politique nationale cohérente. «Oran n'est pas la seule wilaya où le judo a disparu. La déchéance de ce sport est une question nationale et il faut la traiter comme telle», assène Nourine Djelouat, ancien champion de judo et actuellement entraîneur des petites catégories. «S'il n'y a pas d'abord une volonté politique, ensuite une stratégie nationale soutenue par un effort continu, nous ne pourrons jamais cultiver les formidables talents dormants qui existent chez nous. Et, croyez-moi, il y en a !» Nourine Djelouat sait de quoi il parle, lui, qui sacrifie deux jours par semaine, parfois trois, pour initier une quarantaine d'enfants de différents âges «à la philosophie du judo». «Le judo n'est pas uniquement un sport physique et ne sert pas à inculquer la violence. C'est, d'abord, un code moral qui véhicule vertus et qualités [amitié, courage, honneur, sincérité...].» C'est pour cela que cet enseignant en sciences économiques, et qui prépare une thèse de doctorat sur… le judo, a en horreur les méthodes d'enseignement du judo, majoritairement basées sur la violence, pratiquées dans la plupart des salles. «Le judo aguerrit les enfants dans la mesure où il leur facilite la découverte des qualités personnelles et intimes, professe-t-il dans son livre Vivre son judo, paru en 2007 aux éditions Dar El Gharb. Les aider à mieux identifier leurs propres objets de désir relève de la responsabilité des encadreurs, de même que le judo stimule leur éveil aux choses de la vie, de l'existence.» Pour notre interlocuteur, le judo est intimement lié à la notion d'éducation et les encadreurs ou entraîneurs ne sont en rien différents des éducateurs. Mais pour cela, il faut disposer d'entraîneurs et de professeurs chevronnés, qui sont passés par les différentes étapes qui mènent au statut de formateur, comme cela se pratique ailleurs. En France, par exemple, 16 formateurs (du 5e au 9e dan) exercent dans l'Ecole française de judo-jujitsu, une structure fédérale de formation qui se compose d'une école nationale, de neuf écoles interrégionales et de trente-cinq écoles régionales. Outre les formations initiales et continues des enseignants, elle est chargée de la production de la documentation technique et pédagogique et la formation des juges d'expression technique. «Ce n'est pas pour rien que les judokas français s'illustrent régulièrement dans les différentes compétitions mondiales, opine le père d'un judoka de 13 ans. Je sais que des centaines de tournois et de stages y sont organisés chaque année pour évaluer la compétence des athlètes et des juges, et identifier les points faibles grâce à des moyens scientifiques, comme les logiciels informatiques. Chez nous, à Oran, c'est à peine si un ou deux tournois sont organisés chaque année. Et encore, au prix de multiples sacrifices.» Pour beaucoup d'observateurs de la scène sportive, le pari réussi de Amar Benyekhlef et Soraya Haddad aux jeux Olympiques de Pékin ne doit rien aux structures officielles algériennes. «Tous les deux ont dû se préparer loin des circuits officiels grippés et de l'absence de moralité de la Fédération de judo. Heureusement pour eux, autrement ils seraient revenus bredouilles.» Aujourd'hui, des centaines de jeunes judokas doivent, sans doute, s'identifier à Benyekhlef et à Haddad et rêvent de médailles olympiques. Aux dirigeants du sport de leur tendre une oreille attentive et de mettre à leur disposition les moyens nécessaires....