De notre correspondant à Oran Samir Ould Ali L'usage du châtiment corporel n'est pas près de disparaître de l'école algérienne en dépit de l'interdiction du ministère de l'Education nationale et du rejet de la majorité des parents d'élèves de cette «pratique moyenâgeuse» : «Elle subsistera longtemps encore, affirme un enseignant universitaire. D'une part, parce qu'elle existe depuis très longtemps et est, de ce fait, plus ou moins légitimée par des traditions culturelles et, d'autre part, parce que l'instituteur est souvent désemparé par des élèves qui ne le respectent pas et des parents parfois absents.» A Oran, tous les élèves interrogés confirment que le châtiment corporel est une pratique courante dans les écoles primaires et les collèges : «Notre maîtresse frappe souvent mes camarades avec une règle, raconte une élève de cinquième année primaire. Mais elle frappe ceux qui n'ont pas fait leurs devoirs ou oublié d'apporter leurs affaires.» «Moi, elle ne m'a jamais frappée, renchérit fièrement sa camarade de classe. Elle ne frappe que ceux qui ne sont pas sérieux.» Pour beaucoup de parents d'élèves, l'usage de la règle n'est pas «une mauvaise chose» pour l'éducation des enfants à condition que l'instituteur n'en abuse pas : «Il faut que les élèves acquièrent une certaine rigueur et apprennent la discipline, soutient Mohamed, également enseignant. Il est vrai, toutefois, que l'usage de la règle doit se limiter aux mains, il n'est pas question que l'instituteur frappe au visage ou à la tête.» Ce qui arrive, malheureusement, assez souvent dans un univers où, insuffisamment préparés et mal formés pédagogiquement, les enseignants ont tendance à perdre leur sang-froid : «Il n'est pas facile de supporter l'impertinence de certains élèves, explique-t-on parmi les enseignants. De surcroît, lorsque les parents sont absents ou préfèrent donner raison à leur enfant plutôt que d'essayer de nous aider et, donc, d'aider leurs enfants.» L'un des arguments massues de ces enseignants est que la société s'est dangereusement délitée ces vingt dernières années et que les écoliers d'aujourd'hui manquent de repères, de valeurs et d'exemples à suivre, notamment dans les collèges où les élèves vivent leur fragilité d'adolescent. «En l'état actuel des choses, les enseignants ne sont pas suffisamment armés pour faire face aux dangers que recèle l'adolescence, reconnaît une psychologue scolaire. Mais, des efforts au niveau de la formation sont fournis par ministère de l'Education nationale pour améliorer les compétences du corps enseignant. Malgré tout, ces efforts seuls seront vains si, par ailleurs, la situation socioéconomique des Algériens n'évolue pas.» Des élèves victimes de châtiments corporels la consultent-ils ? «Oui, mais aussi des enfants victimes de maltraitance à domicile», relève-t-elle en expliquant que la violence faite aux enfants n'est pas l'apanage de l'école. Les enseignants ont-ils pour autant le droit y recourir ? «Evidemment non, c'est juste pour dire que la violence est partout autour de nous !» La lutte contre le châtiment corporel Bien qu'il n'y a aucun doute sur les traumatismes générés par le châtiment orporel aux enfants (beaucoup a déjà été dit et écrit dans les années 1990 sur le rôle de l'école dans l'apparition des terroristes), aucune école oranaise n'échappe au phénomène et, pourtant, les protestations des parents ne vont pas au-delà des récriminations ou des réclamations dans le bureau directorial, contrairement à d'autres pays où la société civile se bat pour éradiquer cette pratique des établissements scolaires. C'est le cas notamment de la France qui, en 2007, a vu 116 associations lancer un appel pour demander «l'interdiction de toute forme de punition corporelle infligée aux enfants». Il s'agit, lit-on sur le document, de «rompre avec la situation actuelle où les enfants sont la seule catégorie d'êtres humains que l'on peut frapper impunément, et de leur assurer une protection égale à celle dont bénéficient les femmes, les personnes âgées, les adultes en général». Le châtiment corporel, qu'il soit pratiqué à l'école ou ailleurs, aboli dans 23 pays dans le monde, a été interdit dès la fin des années 1970 par les pays nordiques que sont la Suède, la Finlande, la Norvège et le Danemark.